Pendant quatre ans, je suis catéchète protestante dans les écoles de la Broye fribourgeoise. En effet, dans le canton de Fribourg, on enseigne toujours la religion à l’école. Les élèves (ou souvent leurs parents) peuvent néanmoins décider librement d’y prendre part ou de rester avec la maîtresse en classe.
Côté protestant, nous accueillons aussi les musulmans qui souhaitent rester avec leurs copains. Cela donne une chouette ambiance de respect interreligieux. Je réalise durant ces quatre années que l’enseignement que nous leur proposons est souvent le seul moment de la semaine où les enfants ont la possibilité de partager comment ils se sentent et ce qu’ils ont sur le cœur.
Réactions des enfants
Durant ces cours de religion, nous collaborons étroitement entre catholiques et protestants. C’est surtout le cas durant les fêtes chrétiennes ou pour célébrer la fin de l’année scolaire. Nous organisons également plusieurs fois par année, des rencontres festives destinées aux 4 à 6 ans. Avec nos jeux, histoires, chants et bricolages, c’est plus de la culture générale autour des textes bibliques et une ouverture à la spiritualité que de l’enseignement religieux à proprement parler. Et nous avons la grande joie d’être accueillis avec une joie profonde par les enfants, toujours impatients de nous voir pour ces deux heures « différentes ».
Un matin, durant l’une de ces rencontres destinée aux petits, ma collègue catholique et moi-même vivons un phénomène étrange. Le lecteur CD de la classe a parfaitement fonctionné jusqu’à présent, mais il s’arrête soudain sans cesse sans que nous fassions quoi que ce soit quand nous voulons reprendre un chant. En même temps, les enfants de la classe, morts de rire, disent : « C’est le lutin ! », « C’est Léanor ! » L’appareil fonctionne ensuite parfaitement…
A l’issue de nos rencontres avec les plus jeunes, nous avons coutume de proposer une prière adaptée à leur âge. Je leur propose d’y ajouter tous ceux qu’ils aiment et qu’ils souhaiteraient voir protégés. Un élève me demande alors : « On peut prier pour que quelqu’un de la famille guérisse ? » Je réponds qu’évidemment oui. C’est alors qu’un garçons à côté de moi m’affirme avec conviction que lui, il guérit les gens et il me montre ses mains posées en avant.
Il y a aussi ce jeune élève qui m’explique un jour très sérieusement : « on vit, après on meurt et après on vit de nouveau ». J’aurais voulu parler plus longuement avec ce garçon de 7 ans qui était de toute évidence demandeur, mais impossible sans risquer des sanctions avec ma hiérarchie qui est alors très stricte : seule la résurrection existe. Pas la réincarnation !
Durant les quatre ans pendant lesquels je suis catéchète, j’ai de nombreux enfants qui me disent, souvent soulagés, qu’ils voient des esprits, des anges et même Dieu. Certains m’ont aussi fait des descriptifs de sorties de corps et de voyages de l’Autre Côté. J’ai également beaucoup de témoignages de rêves prémonitoires, ainsi que de temps altérés (avec même des « jours sans fin »). Le cours de catéchisme est sans doute l’un des seuls lieux où les enfants peuvent partager leurs expériences étranges du fait qu’on raconte des histoires bibliques mettant en avant nombre de phénomènes paranormaux. A vue de nez 10% enfants ont un vécu ExtraOrdinaire avec des capacités extra-sensorielles permanentes. Impossible de les aider avec une casquette de catéchète en-dehors de les rassurer et de leur dire qu’ils ne sont pas les seuls à avoir vécu certaines choses. Je me dis qu’il leur faudrait un espace d’accueil et d’écoute comme celui dont nous avons bénéficié à ISSNOE.
Les dessins étranges
Une autre jeune élève qui a aussi 7 ans me marquera beaucoup. Elle a un don pour le dessin et fait des représentations très détaillées de paysages, de fleurs et d’animaux. Mais un jour, ses dessins changent du tout au tout. Ses créations représentent désormais des « galaxies » selon ses camarades.
Cela m’a beaucoup interpellée, parce que Samantha m’a fait le même type de dessins au même âge (et même plus tôt).
Voilà ce que ma cadette m’a dit en découvrant les dessins de mon élève : « Quand on commence à avoir de plus en plus de dons, on a besoin d’exprimer les images qu’on a. Les « galaxies » et spirales représentent le passage de l’Au-Delà. C’est la vision qu’on a de l’extérieur quand ce n’est pas nous qui passons de l’Autre Côté ».
Ce que voient les jeunes enfants
A travers mes quatre années d’enseignements religieux comme catéchète, je réalise qu’un grand nombre d’enfants ont des capacités particulières. Ils ne peuvent simplement pas en parler ou sont incompris. C’est aussi et surtout le cas des tout petits, comme je l’ai aussi constaté lorsque Samantha fait du baby-sitting. La gamine dont elle s’occupe a alors deux ans et Samantha décèle rapidement chez elle des capacités hors-normes :
« Elle voit beaucoup de chose et elle a peur de beaucoup de chose. On voyait la même chose toutes les deux. Il y avait des esprits, des lutins, des gnomes, des fées qui venaient vers elle. Un peu de tout !
Les esprits cherchaient à être aidés. Ils venaient vers nous deux, mais Ayanna, elle, elle avait peur. J’ai du coup dû lui expliquer que les gens qu’elle voyait, ils n’étaient pas méchants et qu’ils avaient tout autant peur qu’elle. Je disais aussi aux esprits plus âgés qu’elle avait autant peur qu’eux et après tout le monde se calmait.
Dès qu’elle voyait quelqu’un [un esprit], elle le montrait du doigt et elle demandait : « C’est qui ? ». Du coup, ils venaient lui faire une petite caresse, parfois lui dire des choses qu’ils ne voulaient pas forcément que j’entende… et que je ne pouvais pas entendre.
Plusieurs fois, un petit garçon [décédé] de moins de 3 ans qui s’était installé dans l’immeuble venait jouer avec elle quand elle se réveillait.
C’est trop chou quand elle voit les fées : elle les appelle « Paillions ». Je lui disais que ce n’étaient pas des papillons, mais des fées. Après, elle arrivait à faire la différence entre les deux. »
Samantha , explique surtout que les très jeunes enfants sont très entourés d’invisibles:
” Souvent, les bébés ont des personnes autour de leur berceau. Ça me semblerait bizarre qu’il n’y ait personne autour, ne serait-ce que la famille qui veut voir son descendant. Pour Ayanna [le bébé dont Samantha s’occupait], c’étaient les esprits qui sont à la maison [à notre domicile] qui jouaient avec elle. Ils la trouvaient « Trooooop mignonne ! ». Ils jouaient avec elle surtout le matin. Ça me faisait gagner quelques minutes au lit ! Sa maman dit qu’Ayanna joue toute seule, mais non ! Elle joue avec les esprits qui sont autour d’elle.
Les jeux des esprits avec les bébés : ça peut être passer la main à travers le corps du bébé. Ça le fait rire ! Les trucs à répétition ça marche bien avec les petits. Ils le font plein de fois ! Ils faisaient aussi bouger la peluche d’Ayanna. Faire bouger les mobiles, etc. Parfois je ne savais pas pourquoi la lolette était sous le lit et après je voyais un petit de 2 ans qui jouait avec !”
Aider et accueillir
Avec toutes ces expériences hors-normes vécues au quotidien dans ma famille, je me dis que je peux sans doute aider les personnes qui ont des capacités particulières ou simplement un vécu ponctuel hors-norme qui peut les perturber plus ou moins profondément. Mais il me faut un lieu pour les accueillir. En 2018, nous faisons une refonte totale du 1er étage de la maison qui nous permet de gagner deux pièces supplémentaires. Je me dis que je pourrais accueillir des personnes en souffrance ou en recherche dans l’une de ces deux pièces. Je me demande à ce moment-là si nous aurons toujours des désincarnés qui passeront par la maison, maintenant qu’il n’y a plus les deux greniers sur les côtés qui accueillaient si souvent les âmes en peine. Mais ils sont toujours là, souvent plus apaisés qu’auparavant.
2018 et 2019 seront des années éprouvantes, puisque, pour des raisons budgétaires, nous faisons mon mari et moi toutes les finitions des travaux : peinture, pose de parquet, pose de tapisserie, pose des meubles de cuisine suspendus pour la salle de bricolage qui offre aussi un espace de tranquillité pour les filles lorsqu’elles veulent manger avec leurs amis. En parallèle, il y a le jardin, la gestion courante de la maison, les cartons de retour du local que nous avons loué qu’il s’agit de trier et de ranger, sans oublier de faire le taxi pour les rendez-vous médicaux et tous les autres. Il y a des jours où j’envie ces gens qui disent s’ennuyer ! Je lis surtout beaucoup d’ouvrages dont je fais les recensions. Je découvre à quel point « le paranormal, c’est normal ». Le nombre de personnes qui vivent de tels événements est largement au-dessus de tout ce que j’imaginais. Je réalise que le problème vient du fait que la plupart des personnes n’osent pas parler de leurs expériences hors-normes. Cela me confirme qu’il faut faire quelque chose. En premier lieu informer.
Je travaille en février 2019 sur un site internet, www.lappeldularge.ch, qui fait le point des différents phénomènes paranormaux. Je le veux aussi simple que possible, répondant à des questions basiques comme par exemple : « Les expériences de mort imminente, qu’est-ce que c’est ? Qui est touché ? ». En septembre 2019, après trois ans de travail intensif, il sera enfin en ligne. Trois ans auxquels il faut ajouter toutes les investigations que j’ai menées depuis l’âge de dix ans. L’objectif est d’aider en premier lieu les parents, les professionnels de l’enfance, le personnel hospitalier et spécialisé dans la fin de vie et la mort, mais aussi et surtout tous les quidams confrontés au paranormal. Au final, nous sommes nombreux à vivre des expériences particulières…
Alexandra Urfer Jungen
La suite : 23. Des protecteurs pour la maison
Liste des chapitres de “Une famille (para)normale”