Effet placebo et effet nocebo

 

Qu’est-ce que l’effet placebo ?

D’importantes études ont été lancées depuis les années 1990 pour essayer de comprendre l’effet placebo. Il s’agit de ces traitements qui deviennent d’autant plus efficaces qu’on croit qu’il vont fonctionner. L’ingestion de “médicaments” placebo va mettre en route des processus d’auto-guérison, même si ce ne sont que des pilules de sucre ou des injections d’eau salée.

 

Soigner avec l’effet placebo

Les études de Jon Levine et de ses collègues en 1978 (1) sur des patients ayant subi une chirurgie dentaire ont permis de poser l’hypothèse selon laquelle l’effet placebo permettait de créer suffisamment d’endorphine (ces anti-douleurs naturels produits par le cerveau) pour atténuer, voire éviter toute souffrance. D’autres études sont arrivées à la même conclusion.

Mais le placebo n’a pas seulement fait ses preuves comme anti-douleur. En injection, il agit autant que l’apomorphine pour activer la dopamine dans l’organisme de personnes souffrant de la maladie de Parkinson (2). Il a par ailleurs prouvé son efficacité dans les cas d’ulcères de l’estomac (3) et même de dépressions majeures. (4)

Le plus incroyable est sans nul doute le volet chirurgical de l’effet placebo. Les études ont en effet révélé que les patients sont capables d’actionner d’incroyables facultés d’auto-guérison pour autant qu’ils croient être réellement opérés. Le chirurgien Bruce Moseley à Houston aux Etats-Unis a ainsi démontré qu’une chirurgie placebo durant laquelle on a fait croire au patient qu’il était opéré normalement a le même résultat qu’un grattage arthroscopique chez des personnes souffrant d’arthrose du genou (5).

Le Dr Kallmes a lui aussi élaboré avec ses collègues un essai clinique mettant en avant une intervention placebo dans le cadre d’une vertébroplastie. Cette opération chirurgicale consiste a solidifier des vertèbres avec un ciment spécialement conçu pour les os. Il s’avère qu’il n’y a eu aucune différence statistique significative entre le groupe ayant subi une réelle opération chirurgicale et le groupe placebo. Tous les deux avaient les mêmes résultats pour ce qui est de la récupération de leurs fonctions physiques et du ressenti de la douleur. (6)

Même conclusion stupéfiante pour des malades de Parkinson ayant subi une intervention chirurgicale placebo au cerveau. Les patients, persuadés d’avoir été opérés normalement, rapportèrent avoir une meilleure qualité de vie un an après leur passage en chirurgie. (7)

 

L’effet placebo chez les enfants

Les enfants ont eux aussi un réel pouvoir sur leur santé. D’ailleurs, quel enfant ne s’est pas relevé en forme après être tombé et s’être écorché grâce à la caresse ou au « bisou magique » de sa maman ou de son papa ?

Plusieurs cliniques américaines incitent ainsi leurs jeunes patients à imaginer que des vaisseaux spatiaux lancent des éclairs lasers pour faire disparaître leurs verrues ou alors qu’elles sont projetées très loin dans un lieu aussi horrible que l’Enfer.  Les « pierres à verrues » ont aussi démontré leur efficacité: de simples cailloux que les enfants peuvent frotter sur les lésions jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Une verrue qui part habituellement en 9 mois disparaît dans ce cas-là en une semaine.

 

Les défauts de la médecine actuelle

Au vu de tous ces cas, on peut soupçonner que certaines actions de sorcellerie ou de chamanisme doivent très probablement fonctionner grâce à cet effet placebo.

On sait, grâce aux études menées sur l’effet placebo, qu’un médecin ayant une attitude attentionnée à l’égard de son patient contribue à son mieux-être et à une guérison plus rapide. Nous pouvons dès lors nous interroger sur la médecine occidentale qui a tendance à considérer le patient comme un objet dont il faut « réparer » ou « changer » des pièces. Combien de médecins exerçant dans le monde occidental ont-ils été formés à être empathiques ?

 

L’effet nocebo ou quand l’esprit détruit le corps

Autre cause de questionnement sur notre médecine dite moderne: l’habitude prise dans le milieu médical de toujours donner les pires diagnostics au patient de manière à ce qu’il puisse ensuite avoir une « bonne surprise » (et éviter tout procès en cas de faux diagnostic).

C’est oublier l’effet nocebo, qui, à l’inverse de l’effet placebo, va rendre malade, voire même nous faire mourir sans que nous soyons pour autant atteints de graves pathologies. La certitude d’être mal en point peut réellement détruire notre santé !

 

Intoxiqués aux médicaments placebo

Roy Reeves et ses collègues de l’Ecole de médecine du Mississipi aux Etats-Unis ont ainsi rapporté ce cas : un jeune homme de 26 ans est arrivé sévèrement atteint à l’hôpital alors qu’il avait tenté de faire une tentative de suicide par la prise excessive de médicaments. Sa peur de mourir lui avait finalement fait changer d’avis. Il avait avalé 29 comprimés de ce qu’il pensait être un anti-dépresseur. Or il s’agissait d’un médicament placebo ! Quand on lui a dit qu’il ne courait aucun danger, sa pression sanguine et son rythme cardiaque redevinrent normaux en 15 minutes ! (8)

On sait aussi que les personnes qui s’attendent à avoir des effets secondaires à la prise d’un médicament sont plus susceptibles d’en faire l’expérience (9), même si le médicament en question est un placebo ! (10) De même si on s’attend à souffrir, la douleur ressentie est plus importante qu’elle ne devrait l’être normalement suite à l’activation des régions cérébrales impliquées dans la perception de la douleur. Ces zones agissent de manière inverse, elles réduisent leur activité, lorsqu’on anticipe une diminution de la douleur. (11)

 

Mourir de se croire malade

Il est très fréquent de voir l’apparition d’un effet nocebo face à des menaces invisibles comme les radiations. C’est ce qu’il s’est passé en 1995 suite à l’attaque du métro de Tokyo au gaz sarin par la secte Aum Shinrikyō. Beaucoup de personnes se sont plaintes de nausées et d’étourdissements (les symptômes découlant de l’inhalation de cette substance neurotoxique mortelle), alors qu’elles n’avaient jamais été exposées aux gaz toxique.

Mais ce qui est sans doute l’un des pires cas d’effet nocebo est celui vécu par Sam Shoeman à qui on avait diagnostiqué un cancer de l’œsophage et du foie. L’homme mourut en 1974, mais à l’autopsie, on découvrit que la zone de l’œsophage était en bonne santé et qu’il avait seulement un tout petit nodule cancéreux au foie, ainsi qu’un petit foyer de broncho-pneumonie. Absolument rien qui justifie médicalement sa mort. C’est ce qui fit dire au Dr Clifton Meador qui avait vu Sam Shoeman avant son décès sans être son médecin attitré : ce patient « n’est pas mort du cancer, mais de se croire mourant d’un cancer. Si tout le monde vous traite comme si vous êtes en train de mourir, vous le croyez. Et tout votre être se prépare à mourir.» (12)

 

Alexandra Urfer Jungen

Pour en savoir plus, voir aussi la page “Guérisons spectaculaires grâce à l’effet placebo“.

 

 

1. Levine JD, Gordon NC, Field HL (1978) « The mechanism of placebo analgesi ». Lancet 312 : 654-657
2. de la Fuente-Fernandez R, Ruth TJ, Sossi V, Schulzer M, Calne DB, Stoessl AJ (2001) « Expectation and dopamine release : mechanism of the placebo effect in Parkinson’s disease », Science 293 : 1164-1166
3. de Craen AJ, Moerman DE, Heisterkamp SH, Tytgat GN, Tijssen JG, Kleijne J, 1999, « Placebo effect in the treatment od duodenal ulcer », BR J Clin Pharmacol 48 :,853-860
4. Kirsch I, Sapirstein G, 1998, « Listening to prozac but hearing placebo : A meta-analysis of antidepressant medication. Prevention & Treatment 1 :2a. Document en ligne : http://journals.apa.org/prevention
5. Moseley JB Jr, Wray NP, TEPersen NJ., Menke TJ, Brody BA, Kuykendall DH, Hollinsworth JC, Ashton CM, Wray NP, 2002, « A controlled trial of arthroscopic surgery for osteoarthritis of the knee », New England J. Med 347 : 81-88
6. D. F. Kallmes, B.A. Comstock, P.J.Haegerty, J.A. Turner, D.J. Wilson; T.H. Diamond et al., “A randomized controlled trial of vertebroplasty for osteoporotic spinal fractures”, The New England Journal of Medicine 361, 2009, pp 569-579
7. McRae C, Cherin E, Yamazaki TG, Diem G., Vo AH, Russell D., Ellgring JH, Fahn S, Greene P., Dillon S., Winfield H., Bjugstad KB., Freed CR, 2004, « Effects of perceived treatment on quality of life and medical outcomes in a double-blind placebo surgery trial. Arch Gen Psychiatry 61 : 412-420
8. Reeves RR., Ladner ME, Hart RH, Burke RS., 2007, « Nocebo effects with antidepressant clinical drug trial placebos”, Gen Hosp Psychiatry, 29, 275-277
9. Barsky AJ, Borus JF., 1999, « Functional somatic syndromes », Ann Intern Med, 130, 910-921
10. Shepherd M., 1993, « The placebo : from specificity to non-specific and back”, Psychol Med, 23, 569-578
11. P. Enck, F. Benedetti, M. Schedlowski, “New insights into the placebo and nocebo desponses”, Neuron 59, 2008, pp 195-206
12. Pilcher H., 2009, « The science of Voodoo : When Mind Attacks Body », New Scientist, http://www.newscientist.com/article/mg20227081.100-the-science-of-voodoo-when-mind-attacks-body.html.

 

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