L’effet de l’observateur

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L’un des éléments les plus déstabilisants de la physique des particules est le fait que les objets quantiques se comportent comme une onde aussi longtemps qu’ils ne sont pas observés. A partir de ce moment-là, ils passent à l’état de corpuscules.

 

L’expérience de la double fente

Cette expérience très connue consiste à utiliser un interféromètre pour envoyer des photons (particules de lumière) à travers une paroi sur laquelle sont percées deux petites fentes. A noter que l’expérience donne le même résultat si on utilise des particules élémentaires ou même des électrons.

On enregistre ensuite le patron de lumière qui apparaît sur un écran placé derrière les deux fentes. Comme on l’imagine de prime abord, l’écran fait apparaître deux bandes lumineuses lorsque les photons traversent les interstices. C’est ce qu’on attend de particules solides à l’image de petites billes passant à travers des fentes pour frapper un mur.

Le hic, c’est que ce schéma apparaît seulement lorsqu’on observe l’expérience. S’il n’y a plus d’observateur, alors les photons vont prendre une autre forme : celle d’une onde. Le schéma qui apparaît sur l’écran n’est dès lors plus du tout le même. Il laisse cette fois apparaître un motif de diffraction avec des bandes foncées et d’autres plus claires. C’est ce qui arriverait si de l’eau passait à travers deux fentes et allait s’échouer contre un mur. A certains endroits beaucoup d’eau viendrait frapper la construction et à d’autres le ressac serait moindre.

On peut donc dire que les objets quantiques peuvent être à la fois des ondes et des corpuscules et que l’état dépend de l’observation. C’est ce que les physiciens ont appelé « le problème de la mesure ». Conséquence : on ne peut plus s’appuyer sur l’un des éléments fondamentaux du matérialisme, le fait qu’il existe une réalité objective indépendante de l’observateur.

 

Le chat de Schrödinger

Cette difficulté à connaître la réalité du monde physique a été théorisée par Erwin Schrödinger. Il a imaginé qu’un chat était enfermé dans une boîte contenant un dispositif mortel. Celui-ci devait dégager du cyanure au moment où le détecteur de radioactivité à côté de l’animal détectait la désintégration d’un atome radioactif. Mais il y a en réalité une chance sur deux que cela se passe, donc tant qu’on n’a pas ouvert la boîte dans laquelle le chat est enfermé, celui-ci est 50% vivant et 50% mort selon les équations probabilistes de la physique quantique. C’est ce qu’on appelle la superposition de deux états. Par contre au moment où la boîte est ouverte, plus de doute possible : on est 100% certain que le chat est mort ou vivant.

 

La conscience prime

Un certain nombre de physiciens parmi lesquels les pères de la physique quantique comme Bohr, Schrödinger ou Pauli pensaient que la conscience avait une forte influence sur le monde physique. Cette vision n’est pas dominante aujourd’hui, mais d’autres physiciens ont adopté une approche encore plus radicale. Par exemple “le principe participatif anthropique” proposé par John Wheeler défend l’idée que l’Univers ne peut pas du tout exister sans présence d’observateurs. Bien que minoritaire, la théorie selon laquelle la conscience prime y compris dans notre réalité physique  semble aujourd’hui validée par plusieurs expériences.

 

Le réel voilé

Le physicien Erwin “Schrödinger estimait que “le monde extérieur et la conscience dont une seule et même chose”, et même qu’il n’y a “qu’une seule conscience”. La physique quantique a anéanti la notion même d’ “objectivité”, car tut ramène au sujet, à celui qui “prend conscience” de l’observation d’un phénomène. Ainsi, à l’échelle quantique, il n’y a plus “d’objets” au sens matériel, mais seulement des événements, nés de l’interaction de différents phénomènes ondulatoires, corpusculaires, énergétiques et, au bout du compte, de la relation entre ces événements – dans un contexte expérimental donné – et la conscience de l’observateur. Malgré tous nos efforts techniques et conceptuels, nous ne pouvons pas connaître le monde tel qu’il est mais seulement tel qu’il nous apparaît. Le réel est “voilé”, comme le disait Bernard d’Espagnat, et ce voile n’est rien d’autre que celui de la Maya hindoue (le voile de l’illusion des sens). Il est frappant, également, de constater à quel point cette interprétation “relationnelle” de la physique quantique rejoint, là aussi, les concepts d’ “interdépendance”, d’ “impermanence” et de “vacuité” dans le bouddhisme.” (1)

 

Alexandra Urfer Jungen

 

1. Romuald  Leterrier & Jocelin Morisson, Se souvenir du futur, guider son avenir par les synchronicités, Guy Trédaniel éditeur, 2021, p.33