Expériences chamaniques et physique quantique 

 

Qu’est-ce que le réel ?

« Si [comme le dit la physique quantique] nous n’avons pas accès aux choses et aux objets, mais seulement à l’expérience des choses et des objets, quelle différence cela fait-il ? Elle est cruciale, parce que sur cette distinction se fonde toute la notion de « réal ». La réalité est-elle ce qui apparaît à nos sens et ce sur quoi nous pouvons parvenir à une espèce de consensus ? Même pas nous dit le neuroscientifique britannique Anil Seth, car il s’avère finalement que cette réalité-là est exactement de la même nature que des hallucinations sur lesquelles nous serions collectivement d’accord, puisque nous n’accédons qu’à une « re-présentation » du monde (ou plutôt une représentation de notre relation au monde). Cette réflexion oblige à mettre en doute l’habitude que nous avons de juger « irréelle » les expériences issues d’états modifiés de conscience ou de visions, au sens chamanique. » (1)

 

D’étonnantes passerelles entre chamanisme et science

L’ethnobotaniste Romuald Leterrier explique les passerelles qu’il a pu élaborer entre chamanisme et science après sa prise d’ayahuasca : « De nombreuses visions faisaient clairement référence à des notions existant en physique moderne, montrant la nature relative du temps et de l’espace, l’importance de la conscience pour voyager dans les méandres visionnaires, le besoin d’expérimenter la dimension fractale du monde ou de percevoir de façon simultanée les réalités multiples du multivers quantique de conscience. L’ayahuasca m’a permis de faire des connexions et des liens que je n’aurais jamais réussi à concevoir seul. » (2)

 

Le temps et l’espace

Pour représenter le temps et l’espace, le chamane Ernesto avait pour habitude d’utiliser la métaphore d’un grand serpent. Il disait que la queue du serpent était le début des temps et que son corps était le passé, le présent se situant, pour lui, juste à l’emplacement du cou. Mais l’originalité du serpent d’Ernesto est qu’il possédait au niveau du futur non pas une seule, mais une multitude de têtes. Cette image est identique au serpent Ananta-Shesha de l’hindouisme, serpent cosmique sur lequel Vishnu, endormi, rêve l’univers. Coïncidence formelle au-delà du temps et des cultures ? Certainement pas, ces visuelles de serpents cosmiques créateurs de l’univers ont pour origine le même mode d’acquisition de la connaissance. En effet, les Rishis de l’Inde ancienne, tout comme les chamanes, ont capté ces images et concepts lors de leurs voyages visionnaires états de conscience modifiés. Car les plantes de visions, comme les pratiques méditatives yogiques, ont pour effet de permettre au corps et à notre conscience d’entrer en contact avec les processus créateurs de la réalité qui sont atemporels. Pour être plus simple, disons que ces technologies du corps et de l’esprit ont pour fonction de nous connecter au multivers. En accord avec l’hypothèse d’univers multiples en tant que multivers de possibilités quantiques en superposition d’états, notre conscience joue ici le rôle fondamental d’adressage. Par le biais de nos intentions, nous avons le pouvoir d’exciter certains futurs possibles contenus dans le multivers quantique des possibilités…» (3)

 

1. Romuald  Leterrier & Jocelin Morisson, Se souvenir du futur, guider son avenir par les synchronicités, Guy Trédaniel éditeur, 2021, pp14-16
2. Romuald Leterrier, La danse du serpent, Chamane edition numeric, 2011 / De la jungle aux étoiles : l’enseignement de l’ayahuasca, Le Temps Présent, 2018
3. Romuald  Leterrier & Jocelin Morisson, Se souvenir du futur, guider son avenir par les synchronicités, Guy Trédaniel éditeur, 2021, pp83-84 et 87