La recherche sur les souvenirs de vies antérieures chez les adultes a débuté dans les années 1950 sous l’impulsion de psychiatres et de psychologues. Elle a généralement eu pour fondement les dires issus d’hypnoses régressives, mais elle a aussi pu s’appuyer sur des techniques de visualisation et de méditation guidée.
Parmi ces chercheurs, Helen Wambach était psychologue clinicienne et professeure de psychologie, diplômée de l’Université de Chicago et de l’Université de l’Etat de Louisiane. Souhaitant à l’origine démystifier la réincarnation, elle analysa entre les années 1960 et les années 1980 les expériences de vie passée provoquées par hypnotisme chez 1088 sujets. On pensait alors que les souvenirs d’anciennes existences par hypnose régressive était tous faux à cause d’une surreprésentation de personnalités historiques et certains psychiatres étaient persuadés que ces célébrités qui, théoriquement, revenaient régulièrement étaient des représentations archétypales internes du patient.
Des résultats conformes aux données historiques
En analysant les expériences de vies passées chez ses sujets, Helen Wambach s’est aperçue à sa grande surprise que, contrairement aux attentes, il n’y avait pas de personnages renommés dans les souvenirs évoqués. Plus encore : la répartition entre classes supérieure, moyenne et inférieure était conforme aux données historiques. Il y avait moins de 10% de personnes affirmant appartenir à la classe supérieure (dans les souvenirs d’avant 1700, ils étaient entre 3% et 5%) et la classe inférieure représentait 68% des cas. La plupart des sujets faisaient référence à une vie très simple sans intérêt pour les affaires royales, les guerres, les grandes découvertes et le système religieux, autant d’éléments pourtant mis en avant dans les ouvrages historiques contemporains. Ils étaient surtout intéressés par leur famille, la vie locale et l’arrivée des rares étrangers traversant les villages. Ils affirmaient le plus souvent avoir mangé du mouton ou du petit gibier, ce qui correspond effectivement à la viande que pouvait s’offrir le bas peuple. 59% affirmaient être morts de maladie, 21 % ne pouvaient pas être classés ou étaient morts accidentellement, 18 % étaient décédés de mort violente et 2 % par suicide, ce qui correspond aux chiffres attendus.
L’hypnose régressive, quand elle est bien faite, montre la plupart du temps des enregistrements ennuyeux dans la mesure où ils révèlent la vie de personnes ayant eu des existences sans faits réellement saillants, ce qui rend d’ailleurs difficile la vérification des dires.
Des localisations cohérentes
Helen Wambach découvrit également que les sujets endormis pouvaient donner des informations exactes sur la géographie, la sociologie et l’histoire correspondant à la période durant laquelle ils affirmaient avoir vécu une vie antérieure.
Elle s’est par ailleurs demandée si les localisations historiques des sujets répondaient à une réalité historique ou si elles étaient motivées par un intérêt pour les périodes célèbres. Les rapports ne révélèrent aucun engouement pour la Rome antique ou la Terre Sainte au temps de Jésus. Plus encore, ils montraient que la plupart des sujets n’étaient pas présents en Amérique autour des années 1700 et qu’une petite minorité était là dans les années 1850. En résumé : si les gens se référaient à des lectures pour viser leurs régressions, celles-ci étaient pour le moins atypiques !
Même si elle n’a pas pu prouver l’existence des vies antérieures, Helen Wambach pensait qu’il était difficile de refuser la possibilité de la réincarnation au vu des données cumulées.
Des récits confirmés par les historiens
En 1974, le producteur de la BBC Jeffrey Iverson décida lui aussi de mener une enquête sur le sujet. Pour cela, il rencontra Arnall Bloxham, président de la British Society of Hypnotherapists, un homme qui avait travaillé tardivement sur la régression dans les vies antérieures. Bloxham confia quatre-cents enregistrements de régressions sous hypnose au producteur. Celui-ci constata qu’il y avait dedans tant de détails qu’il décida de consulter des historiens, des archéologues et des archivistes pour en vérifier la véracité. Ces professionnels confirmèrent les dires des patients sous hypnose. Et c’est là à nouveau une caractéristique étonnante des souvenirs d’anciennes existences : la profusion de renseignements précis et corrects, souvent inconnus du grand public, concernant une époque historique.
L’élément sans doute le plus étonnant relevé dans cette enquête fut le fait qu’une patiente, appelée Jane Evans, se souvenait avoir été la femme d’un prêteur juif vivant à York en Angleterre en 1189. Elle décrivit une période durant laquelle les Juifs furent subitement massacrés car considérés comme des ennemis du Christ. Elle raconta comment elle s’était cachée dans la crypte d’une église qui n’était pas une cathédrale. Le témoignage fut mis à mal, parce qu’il n’y avait alors aucune église ayant cette caractéristique à York. Du moins, c’est ce que l’on croyait jusqu’à ce qu’un ouvrier mette accidentellement à jour une crypte sous l’église Sainte-Mary de Castlegate. Ce cas élimine ainsi l’hypothèse de la cryptomnésie, puisque la crypte fut découverte après le témoignage de Jane Evans.
D’incroyables capacités de calcul
Jean-Pierre Chambraud qui était le directeur de l’Institut d’Enseignement et de Recherches hypnotiques a quant à lui étudié dans les années 1970 plusieurs cas de personnes ayant des souvenirs de vies antérieures. Il enregistrait toutes les séances et le groupe qu’il avait constitué écoutait les bandes pour essayer de découvrir des failles dans les déclarations des sujets endormis. Mais les seules qui ont été relevées se sont avérées être finalement des erreurs de compréhension.
L’hypnothérapeute a relevé : « L’intérêt fondamental d’écouter de nombreuses fois de suite les enregistrements se situe dans l’examen des dates et des âges successifs que donnait le sujet. Ces points de repère dans le temps me permirent de ramener, au cours des expériences suivantes, aux périodes qu’il avait décrites avec soin. En supposant qu’il ait vingt-neuf ans en 1183 et que je l’amène subitement en 1217, le sujet, s’il n’était pas mort à cette date, me donnait son âge de façon immédiate, alors que la plupart des gens à l’état de veille demanderaient au moins dix secondes pour pouvoir « ajuster » leur âge et nous l’avons vérifié de nombreuses fois… D’où vient ce prodige arithmétique et quelle explication donnera-t-on si l’on n’admet pas que la conscience glisse dans le temps ? » (1)
Des informations toujours identiques
« Ces points de repère me permirent, au cours des expériences suivantes, de ramener les sujets sur les dates qu’ils m’avaient données, afin de vérifier s’il pouvait y avoir confirmation. Non seulement les sujets corroboraient leurs déclarations antérieures mais, de plus, j’obtenais une quantité incroyable d’informations supplémentaires sur certains détails de leur existence et qui gravitaient autour des dates proposées. En quelques sorte, cette mémoire inconsciente semblait se délier au fur et à mesure des séances.
Une remarque que je formulerai à l’intention des incrédules et des « positivistes » : comment est-il possible qu’une personne endormie puisse donner des informations identiques, au cours de séances successives, sans jamais se rétracter (malgré les nombreux pièges que je tends en permanence pour vérifier l’exactitude des déclarations), alors qu’elle ne savait pas ce qu’elle avait dit pendant son sommeil et que, de surcroît, elle n’était pas autorisée à écouter l’enregistrement magnétique ? » (1)
Capacités psi et graphologie
Le groupe mené par Jean-Pierre Chambraud testa aussi l’hypothèse d’une transmission d’informations par télépathie en mettant au point un protocole permettant d’éliminer tout risque fortuit de lecture de pensée. Il s’avéra que les indications fournies durant la régression hypnotique continuaient à être données à l’identique malgré les précautions prises.
L’enquête fut poussée jusqu’à tester l’écriture des diverses personnalités issues de vies antérieures. Il s’avéra que le graphisme était différent pour chacune des existences remémorées (quand la personnalité savait écrire) et des graphologues ne pouvaient pas établir de concordance entre l’écriture produite par la personne en état de veille et celle exécutée durant la régression hypnotique. De plus, les sujets étaient incapables de reproduire les écritures à l’état de veille, en particulier les calligraphies moyenâgeuses et les caractères gothiques qui étaient pourtant effectués avec facilité durant l’hypnose.
Processus de déblocage
« Au bout de quelques semaines ou de quelques mois, après avoir analysé, confronté, disséqué tous les enregistrements, j’autorisai le sujet concerné à écouter enfin ses déclarations devant l’ensemble de notre groupe et ceci pour deux raisons :
1° Pour observer ses réactions, ce qui me permettait d’évaluer son degré d’émotivité ou d’observer (ce qui est malgré tout très rare) l’identification totale à quelques-unes de ses vies antérieures. Le sujet éprouvait alors les mêmes émotions, la même attitude mentale qu’il avait eues des siècles auparavant, reflétant une personnalité différente de son état normal.
2° La prise de conscience (grâce au magnétophone) d’éléments appartenant à son passé lointain, créait un curieux processus de déblocage, plaçant le sujet dans des conditions telles qu’il nous fournissait des indications supplémentaires se rapportant à ses existences antérieures. Ces souvenirs, soumis au feu roulant de nos questions, sortaient incoerciblement du fond de son subconscient et se prolongeaient parfois jusque dans ses rêves et pendant plusieurs jours de suite.
Cette prise de conscience à l’état de veille atténua dans des proportions considérables des névroses ou angoisses inexplicables (précisons que certains cas furent soumis à l’action siccative de la psychanalyse sans aucun résultat) qui semblaient liées en réalité à des événements produits au cours de vies précédentes.
La plus grande majorité des sujets n’avait aucune notion des possibilités offertes par l’hypnose et surtout ne s’intéressaient nullement aux problèmes de spiritualité, de métempsychose et, en règle générale, à la parapsychologie » (2)
Il n’y avait donc pas d’idées préconçues chez les sujets : certains refusèrent même de croire ce qu’ils avaient dit durant l’état d’hypnose.
Conclusion autour de l’hypnose régressive
Au vu des recherches menées et de l’exactitude des informations transmises, il semble que l’hypothèse des souvenirs de vies antérieures semble la plus crédible pour expliquer les réminiscences durant l’hypnose régressive. Les souvenirs d’anciennes existences apparaissent en effet dans toutes les populations, quelles que soient la formation suivie, le statut social ou les croyances religieuses. Des personnes rejetant fortement la possibilité de retour à la vie dans un corps physique font elles aussi allusion à des existences antérieures durant l’hypnose régressive.
On remarque encore que, comme les enfants, les premiers souvenirs qui sortent du subconscient en état d’hypnose sont ceux qui furent enregistrés sous l’influence d’un choc émotionnel. Cela confirme la véracité des dires, ce d’autant plus que le « je » et le présent sont là aussi toujours employés lors des régressions.
Je laisse la parole à Jean-Pierre Chambraud pour conclure : « Si le sujet régresse dans le temps avec une chronologie parfaite jusqu’au stade fœtal, ce qui est parfaitement confirmé dans le cadre des vérifications qui sont faites au cours des nombreuses expériences, est-il illogique de penser qu’au-delà, le sujet déraisonne et soit soumis aux tribulations fallacieuses de son cerveau ? » (3)
Alexandra Urfer Jungen
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Jean-Pierre Chambraud, l’hypnose aux frontières du paranormal, France Loisirs, 1978, pp 64-66
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Jean-Pierre Chambraud, l’hypnose aux frontières du paranormal, France Loisirs, 1978, p.54
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Jean-Pierre Chambraud, l’hypnose aux frontières du paranormal, France Loisirs, 1978, p.63 et 133
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