La lucidité terminale

 Photo AUJ

Depuis 250 ans, la littérature scientifique rapporte de nombreux cas de patients sévèrement atteints de désordre psychique et neurologiques qui ont récupéré toutes leurs capacités peu de temps avant leur mort. Mais ce phénomène est connu depuis l’Antiquité, puisque Hippocrate lui-même en parle. On appelle cela la lucidité terminale, un terme créé en 2009 que l’on doit au biologiste Michael Nahm.

 

De quoi s’agit-il?

Pour quelques minutes, quelques heures, plus rarement quelques jours, on assiste à un retour inattendu de la clarté mentale, des capacités de communication, de la mémoire ou encore de l’appétit. Une telle récupération spontanée frappe d’autant plus les esprits lorsqu’elle se produit chez des personnes dont les fonctions cognitives et motrices étaient dégradées depuis des années (maladie d’Alzheimer, schizophrénies avancées, tumeurs cérébrales, lésions post-AVC,…)[…] Ces retours de conscience inexpliqués demeurent une énigme médicale, encore peu documentée et peu étudiée du fait de son statut d’anomalie. Sur le “terrain”, ce phénomène est pourtant bien connu des équipes soignantes, mais d’une manière informelle. “Les soignants désignent ces derniers instants de conscience fulgurante par différentes expressions : le mieux de la fin, la lumière avant la fin du tunnel ou alors le chant du cygne”, souligne Maryne Mutis, Doctorante du laboratoire InterPsy de l’Université de Lorraine et du laboratoire SuLiSoM de l’Université de Strasbourg.“(1)

Cet événement peut être vécu positivement en permettant un dernier dialogue entre le malade/blessé et ses proches, mais peut aussi constituer une tragédie pour les familles qui ont eu l’espoir que l’être aimé allait guérir après l’avoir soudainement vu si bien. Les soignants peuvent également ressentir du stress face à ce phénomène, comme l’a montré une étude menée dans les hôpitaux argentins (2)

 

Les explications

A l’aune des recherches actuelles, l’une des principales hypothèses proposées pour expliquer ce phénomène le présente comme une réponse adaptative du corps humain cherchant à rétablir son homéostasie face à la maladie, permettant une courte période d’amélioration avant un nouveau déclin face à l’épuisement de l’organisme.

Une autre hypothèse repose sur l’idée que la lucidité terminale ne pourrait pas être expliquée uniquement par ces processus biologiques, et propose qu’elle soit plutôt la manifestation d’une conscience autonome vis-à-vis du corps, comme viendraient l’attester d’autres expériences paranormales survenant au seuil de la mort.“(3) En d’autres mots, la mémoire et les capacités cognitives pourraient fonctionner à ce moment-là selon un mécanisme qui ne passe pas par le cerveau.

En-dehors d’être un repère informel d’une fin de vie imminente, la lucidité terminale soulève des questionnements fondamentaux, en suggérant que “derrière la maladie et les dysfonctionnements, la personne et sa conscience seraient toujours présentes et intactes, mais seulement inaccessibles”, comme le souligne Michael Nahm.[…] Ce sursaut de conscience vient questionner la survie de l’âme. “Les recherches menées sur la lucidité terminale n’apportent pas de réponse à ce stade, mais alimentent le questionnement. Car si l’âme, l’esprit, se cantonne au cerveau, comment expliquer ce phénomène de lucidité terminale””, interpelle Maryne Mutis. D’autant que les témoignages attestant de ce phénomène proviennent de personnes croyantes, agnostiques, athées, voire sceptiques.” (3)

 

Alexandra Urfer Jungen

  1. Carine Anselme, “Le chant du cygne”, Inexploré, N°50, p.101
  2. Parra & Giménez Amarilla (2017)
  3. Carine Anselme, “Le chant du cygne”, Inexploré, N°50, pp.102 et 103

 

Pour en savoir plus, découvrez les pages “Les hypothèses / Ce mystérieux cerveau“.