La lucidité terminale fait partie des « expériences de fin de vie » (EFV) ou en anglais: « end-of-life-experience » (ELE). On utilise aussi le terme : « état de conscience accrue au seuil de la mort » (ou « near-death awareness ») pour qualifier ce phénomène.
Depuis 250 ans, la littérature scientifique rapporte de nombreux cas de patients sévèrement atteints de désordre psychique et neurologiques qui ont récupéré toutes leurs capacités peu de temps avant leur mort. Mais ce phénomène est connu depuis l’Antiquité, puisque Hippocrate lui-même en parle. On appelle cela la lucidité terminale, un terme créé en 2009 que l’on doit au biologiste allemand Michael Nahm et au Dr américain Bruce Greyson.
De quoi s’agit-il?
« Pour quelques minutes, quelques heures, plus rarement quelques jours, on assiste à un retour inattendu de la clarté mentale, des capacités de communication, de la mémoire ou encore de l’appétit. Une telle récupération spontanée frappe d’autant plus les esprits lorsqu’elle se produit chez des personnes dont les fonctions cognitives et motrices étaient dégradées depuis des années (maladie d’Alzheimer, schizophrénies avancées, tumeurs cérébrales, lésions post-AVC,…)[…] Ces retours de conscience inexpliqués demeurent une énigme médicale, encore peu documentée et peu étudiée du fait de son statut d’anomalie. Sur le « terrain », ce phénomène est pourtant bien connu des équipes soignantes, mais d’une manière informelle. « Les soignants désignent ces derniers instants de conscience fulgurante par différentes expressions : le mieux de la fin, la lumière avant la fin du tunnel ou alors le chant du cygne », souligne Maryne Mutis, Doctorante du laboratoire InterPsy de l’Université de Lorraine et du laboratoire SuLiSoM de l’Université de Strasbourg.« (1) Ce phénomène touche également des personnes en situation de coma terminal. La lucidité apparaît alors peu de temps avant la mort (parfois seulement quelques heures). L’étude « Terminal lucidity. A review and case collection » a ainsi montré que le décès intervenait dans 84% des cas dans la semaine après le vécu de lucidité terminale.(2)
Cet événement peut être vécu positivement en permettant un dernier dialogue entre le malade/blessé et ses proches, mais peut aussi constituer une tragédie pour les familles qui ont eu l’espoir que l’être aimé guérisse après l’avoir soudainement vu si bien. Les soignants peuvent également ressentir du stress face à ce phénomène, comme l’a montré une étude menée dans les hôpitaux argentins (3)
La durée de la lucidité terminale
« Une autre étude, menée par le Dr Batthyana (3), montre que les épisodes de lucidité terminale durent moins de dix minutes dans 3% des cas, entre dix et trente minutes dans 16% des cas, entre trente et soixante minutes dans 24% des cas, quelques heures pour 29%, une journée pour 11% et quelques jours pour 5%. Cette étude confirme également que certains épisodes de lucidité terminale s’accompagnent de la perception de proches décédés. C’est suffisamment fréquent pour que 70% des soignants travaillant dans un établissement de soins rapportent que, durant les cinq dernières années, ils ont observé des patients souffrant de démence dégénérative retrouver une conscience normale quelques jours avant leur mort. » (4)
Les explications
» A l’aune des recherches actuelles, l’une des principales hypothèses proposées pour expliquer ce phénomène le présente comme une réponse adaptative du corps humain cherchant à rétablir son homéostasie face à la maladie, permettant une courte période d’amélioration avant un nouveau déclin face à l’épuisement de l’organisme.[Mais bien souvent les structures cérébrales sont trop endommagées pour imaginer un retour à la conscience.]
Une autre hypothèse repose sur l’idée que la lucidité terminale ne pourrait pas être expliquée uniquement par ces processus biologiques, et propose qu’elle soit plutôt la manifestation d’une conscience autonome vis-à-vis du corps, comme viendraient l’attester d’autres expériences paranormales survenant au seuil de la mort. » En d’autres mots, la mémoire et les capacités cognitives pourraient fonctionner à ce moment-là selon un mécanisme qui ne passe pas par le cerveau.
« En-dehors d’être un repère informel d’une fin de vie imminente, la lucidité terminale soulève des questionnements fondamentaux, en suggérant que « derrière la maladie et les dysfonctionnements, la personne et sa conscience seraient toujours présentes et intactes, mais seulement inaccessibles », comme le souligne Michael Nahm.[…] Ce sursaut de conscience vient questionner la survie de l’âme. « Les recherches menées sur la lucidité terminale n’apportent pas de réponse à ce stade, mais alimentent le questionnement. Car si l’âme, l’esprit, se cantonne au cerveau, comment expliquer ce phénomène de lucidité terminale » », interpelle Maryne Mutis. D’autant que les témoignages attestant de ce phénomène proviennent de personnes croyantes, agnostiques, athées, voire sceptiques. » (7)
Alexandra Urfer Jungen
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Carine Anselme, “Le chant du cygne”, Inexploré, N°50, p.101
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Nahm M., Greyson B., Kelly E. et Harroldsson E., « Terminal lucidity. A review and case collection », Archives of Gerontology and Geriatrics, 2011, 55, 138-142
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Parra & Giménez Amarilla (2017)
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Batthyany A.R. et Greyson B., « Spontaneous Remission of Dementia before Death. Results from a Study on paradoxical Lucidity, Psych of Consciousness, 2021, 8(1), 1-8
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Dr Christophe Fauré, Cette vie… et au-delà. Enquête sur la continuité de la conscience après la mort, Albin Michel, 2022, p.103
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Carine Anselme, “Le chant du cygne”, Inexploré, N°50, pp.102 et 103
Pour en savoir plus, découvrez les pages « Les hypothèses / Ce mystérieux cerveau« .
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