Les compagnons imaginaires

 

Aucun problème pour les psys

Le phénomène des amis imaginaire touche deux enfants sur trois âgés de 3 à 8 ans. Dans certains cas, cela peut se prolonger jusqu’à l’adolescence ou même apparaître à cette période de la vie. Il s’agit d’un contact avec un être invisible qui peut prendre une forme humaine, animale ou même d’un objet. L’ami imaginaire a une personnalité qui peut refléter le vécu de l’enfant (ses peurs, ses désirs, etc.). C’est un confident qui va accompagner plus fréquemment les enfants uniques ou les aînés, c’est-à-dire ceux qui n’ont souvent pas d’autres camarades avec qui s’amuser.

Le fait qu’un enfant puisse voir, jouer et se confier à une personne ou à un être invisible est tout à fait admis par les spécialistes de l’enfance, psys y compris, pour autant (sauf cas particuliers) que ce comportement ne dépasse pas l’âge de 7 ou 8 ans. Comme l’explique le psychologue Joachim Soulières : « Les compagnons imaginaires sont plutôt bien reçus par les professionnels de la santé. Une majorité s’accorde pour dire qu’un tel ami invisible n’est pas forcément une menace si les parents et les enseignants acceptent d’y voir un crochet par une « autre réalité » permise dans le développement psychologique de l’enfant. Il s’agirait d’une croyance plutôt saine comme la croyance au Père-Noël » (1). En gros, il s’agirait d’une construction mentale imaginaire qui rassure l’enfant et l’accompagne tant qu’il en a besoin. A noter que les enfants ne mentent pas consciemment avant l’âge de 7 ans.

“Les parents doivent s’inquiéter si ce compagnon imaginaire devient trop envahissant et coupe l’enfant de la vie familiale et scolaire. Une petite enquête sur son comportement à l’école est alors nécessaire. Un pédiatre ou un pédopsychiatre pourront, s’ils le jugent nécessaire, prescrire un bilan approfondi. Si les parents ont l’impression que l’enfant déprime, somatise ou a de grosses angoisses, s’il parle de façon incohérente, cela doit également les alerter. ” (2)

 

Le cas de Nancy et son dragon

Parents et psys commencent à s’inquiéter lorsque le compagnon de jeu est toujours présent à l’adolescence. Cependant, le fait que le phénomène persiste avec l’âge n’est pas forcément un signe inquiétant. Comme par exemple pour la jeune Nancy qui, à 14 ans, avait pour meilleur ami un dragon bleu et blanc de deux mètres de haut qu’elle appelait Chopsticks. Apparemment un joyeux drille avec qui elle chuchotait enfant en classe et qui la faisant parfois rire aux éclats. En vieillissant, Nancy a appris à être plus discrète en cours, mais l’ami imaginaire restait à ses côtés. Ses parents, inquiets, ont fini par contacter le professeur de psychologie américain Ronald Siegel qui s’est occupé de ce cas. Il a fini par conclure que, malgré le côté inhabituel de la situation, tous les critères d’une bonne santé mentale étaient réunis chez cette jeune fille dont le compagnon a finalement disparu définitivement lorsqu’elle avait 16 ans. (3)

 

Une présence réelle

Le compagnon imaginaire est tout aussi réel pour l’enfant que le sont les autres enfants ou ses parents, même s’il a conscience que les autres ne le voient pas. La spécialiste des compagnons imaginaire, Marjorie Taylor, professeure en psychologie à l’Université d’Oregon, a remarqué dans l’une de ses toutes premières études que les enfants de 4 ans qu’elle a interrogés lui ont fait une description aussi précise de leur compagnon imaginaire que s’il s’agissait d’une personne vivante. En outre, cette description ne bouge pas dans le temps. Les compagnons imaginaires sont la plupart du temps d’autres enfants (30%), voire des « enfants magiques » (17%), mais aussi des animaux (19%) ou des personnes plus âgées (12%). Généralement ils ne font pas mention d’anges ou de fantômes (seulement 5% des cas) et fort heureusement, ils ne sont que très rarement des ennemis (3%) (4).

 

Compagnons imaginaires et proches décédés

La question se pose néanmoins lorsqu’on constate que de nombreux compagnons imaginaires sont reconnus par les enfants sur les vieilles photos des albums de famille: un oncle, un frère mort avant leur naissance, voire des anciens habitants. Comment l’enfant a-t-il dès lors pu faire un descriptif exact et donner des informations véridiques sur des personnes décédées qu’il n’a jamais connues et dont on n’a jamais parlé devant lui ?

Cet étrange mélange entre un compagnon imaginaire et l’esprit d’une personnes décédées a été constaté par la psychologue et parapsychologue Athena Drewes qui s’est notamment occupée d’une jeune fille qui avait décidé de nommer une de ses poupées, ainsi que son compagnon imaginaire du nom de son arrière-grand-mère. Étonnamment, ses parents n’avaient jamais fait mention de cette ancêtre auprès de leur enfant. Quand on lui demanda pourquoi elle avait baptisé ainsi ces deux personnages, elle leur répondit : « Parce qu’elle m’a dit que c’était son nom » (5).

Les Dr Sandra Escher, chercheuse à l’Université de Birmingham, et Dr Marius Romme, professeur de psychiatrie à l’Université de Maastricht, se sont demandés comment les enfants qui entendent des voix et ont des visions interprètent ce phénomène. Dans 38% des cas, ce qu’ils vivent est compris comme étant un contact avec des défunts, avec d’autres mondes ou avec d’autres planètes. (6).

On relève, enfin, que pour l’enfant, cela a bien peu d’importance que son compagnon soit quelqu’un de décédé ou non. Ce qui compte pour lui, c’est d’avoir un camarade de jeu qui est souvent aussi un meilleur ami et un confident. C’est un camarade comme les autres, et même souvent plus fidèle que les autres, puisqu’il est pratiquement toujours là.

 

Témoignage

Dans son ouvrage Il y a quelqu’un dans la maison…, la médium française Patricia Darré relate ce témoignage recueilli auprès d’Eva, une de ses clientes. Voilà ce qu’elle raconte :

Lorsque j’étais enfant, je me souviens d’avoir eu une amie imaginaire. C’est ainsi que ma mère la qualifiait. Elle s’appelait Clémence et pour ma part, je ne crois pas l’avoir inventée.

Elle venait souvent me retrouver dans le parc de la maison et nous jouions ensemble. Elle avait à peu près mon âge, était toujours vêtue de la même manière, et me recommandait de ne pas approcher la rivière qui coulait un peu plus loin. Lorsque je regagnais la maison et que nous dînions avec mes parents, je leur racontais mes conversations avec Clémence, et mon père disait immanquablement à ma mère e souriant d’un air ironique: “Notre fille a une imagination très fertile. A quoi ma mère répondait: “L’affabulation fait partie du développement cérébral des jeunes enfants.” J’étais une “jeune enfant”, cinq ou six ans peut-être, mais je n’affabulais pas, contrairement à ce que croyaient mes parents.

Et puis, au fil des années, Clémence s’est faite de plus en plus rare. Je n’y pensais plus. Peut-être que mes parents avaient raison… Sauf que bien plus tard, en parlant avec un jardinier qui venait de tondre la pelouse, j’ai appris que dans cette rivière et à cet endroit, une gamine du village s’était noyée dans les années 1920!

Je me souviens que lorsqu’elle venait, vers la fin de ses apparitions, elle se tenait au loin, et alors que je lui demandais de s’approcher ou que j’essayais de la rejoindre, elle s’évanouissait comme une fumée. Les enfants ne se posent pas toutes les questions que se posent les adultes. Ils vivent ces expériences sans essayer de les disséquer, en acceptant ce qui leur arrive. Ils les racontent innocemment, et ce sont les parents qui émettent un jugement, leur demandant même parfois d’arrêter de raconter n’importe quoi.” (7)

 

Problèmes mentaux ou bonne santé ?

De manière globale, lorsque les voix apparaissent chez des enfants et adolescents équilibrés (bonne humeur, humour, créativité, etc.), avec par exemple des voix qui retentissent dans un contexte calme (pas de tensions scolaires ou familiales), on peut penser qu’il s’agit d’un phénomène de type paranormal. C’est d’autant plus évident si ces voix apparaissent lors de moments de relâchement de l’attention (par exemple en se reposant, en jouant aux jeux vidéo, en lisant, etc.), bref dans ce qu’on pourrait appeler un état de transe légère.

Si, en outre, l’enfant ou l’adolescent arrive à analyser et à poser un diagnostic clair sur sa perception, on est généralement face aux signes d’une bonne santé mentale. Les parents n’ont de ce fait aucune raison de s’inquiéter. Il ne faut pas oublier que l’enfant a une bonne perception de ce qu’il voit et entend. Il sait faire la différence entre ce qui vient de son imagination et ce qu’il peut percevoir par des sens particuliers.

 

Alexandra Urfer Jungen

 

1. Joachim Soulières, Les enfants et le paranormal, Dervy, p.75
2. Patricia Serin, en collaboration avec Alix Lefief-Delcourt, Les enfants indigo, comprendre et accompagner ces enfants à la sensibilité extra-ordinaire, Editions Eyrolles,2023
3. Siegel R.K. Fire in the brain. Clinical Tales of Hallucination, New York, Dutton, 1992
4. Marjorie Taylor, « Children’s Imaginary Companions », ICIYET, hors série n°16, 2003
5. in Tanous A., Donnelly K.F., Is your Child Psychic ? A Guide to Developing  Your Child’s Innate Abilities, New York, Tarcher & Penguin, 2009
6. Sandra Escher et al., « Independent course of childhood auditory hallucination : a sequential 3-year follow-up study », British Journal of Psychiatry, n°181 (suppl.43), 2002, p. s10- s18
7. Patricia Darré, Il y a quelqu’un dans la maison…, J’ai Lu, 2018, pp 196-198

 

Pour en savoir plus: Témoignage de compagnon imaginaire

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