Les Anges-Mages

Une histoire écrite dans un contexte d’Eglise, mais qui peut sans doute parler à chacun…

 

  Photo AUJ

Il y a longtemps, fort longtemps, vivaient trois mages unis comme les doigts de la main.

Un jour, une étoile leur dit qu’un roi était né. Ils se mirent en route et le découvrirent dans une étable chaudement emmailloté. Touchés par sa présence, ils le comblèrent de présents, puis retournèrent chez eux, le cœur rempli d’émotion.

 

Bien des années plus tard, ils moururent fort âgés et quand ils arrivèrent au ciel, Dieu leur dit: “Je suis vraiment heureux de ce que vous avez fait pour mon Fils. Je vous le demande, vous qui savez faire de si beaux cadeaux, souhaiteriez-vous rejoindre ma Cohorte des “Donneurs de Présents ?”.

Les mages ne réfléchirent pas, tant il était évident que ce travail correspondait à leurs aspirations.

Et c’est ainsi que les trois Mages devinrent les Anges-Mages.

 

Leur travail était passionnant. Toujours unis comme les doigts de la main, les Anges-Mages s’approchaient délicatement des futures mamans endormies et, parfois, elles avaient un petit frisson, signe qu’elles avaient perçu leur présence. Mais l’un des anges posait délicatement sa main sur le front de la maman et murmurait à son esprit:

“N’aie pas peur, nous apportons les cadeaux de Dieu à ton enfant”.

Alors, la mère, dans un soupir de satisfaction, se rendormait profondément.

 

Ensuite, chacun son tour, chaque Ange-Mage venait caresser le ventre rebondi dans lequel un bébé maigre ou joufflu; noir, jaune, rouge ou blanc, attendait qu’on lui donne les cadeaux qui lui permettraient de prendre pleinement part à l’Humanité.

 

Le premier Ange-Mage s’approchait et disait: “Bonjour petit enfant. Pour t’encourager et rendre plus douce ta vie ici bas, le Père nous a demandé de t’offrir ces présents.

Moi, je te donne le don de l’humour qui te facilitera chaque jour les contacts avec les personnes que tu rencontreras “. Mais cela pouvait être aussi le don d’être à l’écoute, le don de parler avec conviction, le don d’apprendre facilement ou le don de voir ce qui est caché… Et bien d’autres encore…

Puis le deuxième Ange-Mage s’approchait: “Bonjour petit enfant, Dieu t’offre le don du dessin”, mais cela pouvait être aussi celui de la cuisine, de la musique, de l’écriture, de la programmation informatique, du bricolage… Et bien d’autres encore…

Enfin, le troisième Ange-Mage venait: “Bonjour petit enfant, Dieu te donne le don de croire à l’impossible et de le réaliser”, mais cela pouvait être aussi le don de prendre des risques pour le bien de tous, le don d’aller sans crainte à la rencontre des gens, le don de s’investir pour une cause, le don de rassurer… Et bien d’autres encore…

 

Personne n’était oublié:

A cet enfant handicapé-mental, ils disaient: “Dieu te fais ce beau cadeau: tu seras révélateur d’amour et tous ceux que tu côtoieras apprendrons à aimer sans préjugés”.

A cet enfant dont les parents étaient si pauvres, ils disaient: “Dieu te fais ce beau cadeau: tu sauras voir la richesse intérieure de chacun et tous ceux que tu côtoieras découvriront à leur tour la vraie richesse”.

A cet enfant de la guerre, ils disaient: “Dieu te fais ce beau cadeau: tu seras en paix là où règne la violence et tous ceux que tu côtoieras apprendront à faire la paix avec eux-mêmes et avec les autres”.

 

Avant de partir, ils chuchotaient encore:

“Dieu t’as fait de magnifiques présents. Tu découvriras certains d’entre eux dès ton enfance et d’autres t’apparaîtront plus tard. Mais surtout, vis pleinement ton existence en ne gâchant pas tous ces beaux cadeaux et en n’oubliant jamais l’amour et la confiance que Dieu te porte”.

 

De retour au ciel, les trois Anges-Mages profitaient de leur temps libre pour regarder évoluer les enfants qu’ils avaient dotés de si beaux présents.

Quelle joie lorsqu’ils les voyaient utiliser leurs talents à bon escient dans le souci des autres.

Quelle jubilation, lorsqu’ils constataient que certains savaient si bien utiliser leurs dons qu’ils arrivaient à mettre en lumière ceux des personnes qu’ils approchaient.

Quelle désolation de voir ceux, si nombreux, qui par peur, par préjugés, par colère ou par souffrance enfouissaient les cadeaux offerts par le Père.

Ces gens disaient: “Je n’ai rien et mon voisin a tout. C’est injuste! Si Dieu était bon, Il m’aiderait! En fait, Il est mauvais et Il profite de moi!”.

 

Les Anges-Mages, effondrés, sentaient combien Dieu était triste d’entendre cela. Ils savaient que le Père tentait désespérément de faire découvrir ou redécouvrir à ces gens combien ils étaient importants. Il insufflait des idées revigorantes aux personnes qui pouvaient les rencontrer, car lui-même ne pouvait pas agir directement sans violer la Loi du Libre-arbitre.

Mais cela ne servait à rien pour certains désespérés qui avaient oublié qu’ils avaient reçu nombre de présents.

Les Anges-Mages voyaient que ces personnes cachaient leurs talents, parce qu’elles se croyaient trop maladroites, trop moches, trop quelconques pour être dignes d’une vie riche. Ils voyaient qu’elles le faisaient aussi par peur, tant elles étaient persuadées que leurs voisins et même tout individu qu’elles pouvaient côtoyer constituait un danger pour leur intégrité.

 

Les Anges-Mages étaient tristes de voir ces personnes ruminer seules sur un monde forcément mauvais.

Ne supportant pas cette situation, ils décidaient, parfois, de revenir en catimini sur la Terre pour rappeler leurs talents à ces personnes captives de leurs propres ténèbres. Ils attendaient que la personne soit endormie avant de s’approcher doucement. Et parfois, elle avait un petit frisson, signe qu’elle avait perçu leur présence. Alors, les trois Anges-Mages, d’un geste rassurant, s’approchaient d’elle, posaient délicatement à tour de rôle leur main sur son front et murmuraient à son esprit:

“N’aie pas peur! Rappelle-toi les cadeaux que Dieu t’a fait alors que tu n’étais qu’un enfant à venir. Si tu les fais fructifier, tu sortiras de ton obscurité. Reviens à la vie! Nais! Ne cache plus ce que tu as, car, c’est ainsi que tu recevras tout ce que tu cherches. Et bien plus encore”.

 

Parfois, à leur retour, les Anges-Mages pouvaient assister à la renaissance de leur protégé. Rien au monde ne pouvait les rendre plus heureux. Leur cœur bondissait de joie et ils répétaient :

« Voici un homme, voici une femme, qui a quitté ses nuits intérieures et ses peurs. Ses insatisfactions et ses pleurs. Quel bonheur ! »

« Voici un homme, voici une femme, qui a retrouvé sa place parmi les vivants et qui, peut-être, retrouvera ses rêves d’enfant en faisant fructifier ses talents. Quel soulagement ! »

« Voici un homme, voici une femme, qui pourra enfin entendre l’amour et la confiance que Dieu lui porte et qui, ainsi, deviendra chaque jour plus forte. Quelle joie cela apporte ! »

C’est ainsi que les Anges-Mages connaissaient leurs plus grands bonheurs. Et, sans doute, aujourd’hui encore, ils nous regardent et espèrent, qu’à notre tour, nous saurons mettre en avant les si beaux cadeaux qu’un jour nous avons reçu dans le ventre de notre mère…

 

 

Alexandra Urfer Jungen