La fiabilité des recherches scientifiques

 

Le biochimiste Rupert Sheldrake, qui a mené de nombreuses recherches dans le domaine de la parapsychologie, fait le point sur la fiabilité des recherches dans ce domaine en comparaison avec les recherches menées dans les autres domaines scientifiques (1). Étonnamment, le paranormal semble proposer les résultats scientifiquement les plus fiables tant les expériences sont « bétonnées » pour éviter toute contestation.

 

Le paranormal fournit les études les plus fiables !

« De toutes les disciplines de la recherche, la parapsychologie est celle qui subit la surveillance la plus sévère et la plus persistante. Les sceptiques, particulièrement enclins à rejeter toute découverte en ce domaine, disposent d’une liste toute prête d’objections : méthodes imparfaites, fraude, effet de l’expérimentateur, publication sélective de résultats uniquement positifs… Les chercheurs psi sont conscients de ces critiques standard et ils font particulièrement attention à conduire leurs expériences aussi rigoureusement que possible.

Ils utilisent les méthodes en aveugle beaucoup plus souvent que toutes les autres branches de la science. Ils se montrent également beaucoup plus enclins à publier les résultats négatifs et à contrôler l’effet tiroir du bas. »

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Faites ce que je dis, pas ce que je fais !

« Les sceptiques ont raison de signaler les sources d’erreurs possibles en recherche psi et leur surveillance permanente a profité aux travaux dans ce domaine. Mais les mêmes principes devraient s’appliquer aux autres disciplines. Quelle est la proportion de résultats obtenus publiés en physique, chimie et biologie ? Apparemment aucune étude n’existe à ce sujet mais d’après les enquêtes informelles que j’ai pu faire moi-même, cette proportion semble être de 5 à 10% seulement. »

 

Publication des meilleurs résultats

« La publication des données doit passer à travers trois filtres successifs. Le premier filtrage se produit quand les chercheurs décident de publier certains résultats plutôt que d’autres ; le second quand les éditeurs de revues considèrent que seuls certains résultats sont dignes d’être publiés ; et le troisième naît du processus de relecture par les pairs, dont il découle que les résultats attendus ont plus de chance d’être acceptés que les surprises…

Les scientifiques publient plus volontiers leurs « meilleurs » résultats que les résultats négatifs ou indéterminés. Nous en avons vu un exemple : le fabricant du Prozac, la société Eli Lilly, a écarté les essais cliniques négatifs des publications finales. En outre, les revues scientifiques rechignent à publier des études négatives. Les implications sont énormes. Comme l’a précisé Ben Goldacre, « des pans entiers de la science courent le risque de conclusions fausses. » (3).

 

Difficultés à obtenir les données brutes des recherches

« Un garde-fou supplémentaire est fourni par la convention voulant que, quand d’autres scientifiques demandent à voir les données brutes afin de les analyser eux-mêmes, il soit d’usage de les fournir par respect pour l’ouverture d’esprit caractérisant la science. Pourtant, quand j’ai demandé à voir les données de scientifiques qui affirmaient leur scepticisme dans des domaines proches du mien, ils ont toujours refusé de me les fournir, prétextant soit qu’elles étaient « inaccessibles », soit qu’ils prévoyaient de les réanalyser eux-mêmes (ce qu’ils ne faisaient jamais). »

 

Les résultats attendus sont favorisés

« Les procédures de relecture et d’arbitrage constituent des systèmes de contrôle de la qualité souvent efficaces, mais elles tendent à favoriser les résultats attendus et les protocoles conventionnels. La réplication indépendante des expériences est rarement faite – la motivation manque quand il s’agit de reproduire le travail d’autrui. Et même quand elle a lieu, il est difficile de publier car les revues favorisent les recherches originales. De façon générale, les scientifiques ont tendance à reproduire les expériences des autres seulement quand les résultats sont exceptionnellement importants ou quand d’autres indices laissent suspecter une fraude. »

 

Fraude favorisée lorsque les résultats répondent aux attentes générales

« Dans une instructive étude de la fraude et du mensonge en science, William Broad et Nicholas Wade ont montré que les tromperies passent d’autant plus facilement que leurs résultats s’accordent avec les attentes générales : « L’acceptation de la fraude constitue le pendant de la résistance aux idées nouvelles. En science, des résultats frauduleux sont plus facilement acceptés s’ils sont présentés de manière convaincante, s’ils se conforment aux préjugés et aux attentes du moment, et si leurs auteurs sont des scientifiques convenablement qualifiés, appartenant à une institution d’élite. Comme elles ne possèdent aucune de ces qualités, les idées radicalement nouvelles en science se heurtent la plupart du temps à une opposition. (4) Les scientifiques considèrent habituellement que la fraude est sans importance puisque la science se corrige elle-même sans cesse. Ironiquement, cette croyance complaisante produit un environnement où la tromperie peut fleurir. » (5)

 

La fraude scientifique rarement relevée

« Il semble donc qu’en réalité la fraude soit rarement révélée par les mécanismes officiels de relecture par les pairs, l’arbitrage et la réplication indépendante. Sa découverte vient plus généralement d’alertes lancées par des collègues ou des rivaux, souvent suite à des griefs personnels. Quand cela arrive, la réaction typique des autorités consiste à enterrer l’affaire. Si les accusations ne se calment pas et que les preuves deviennent écrasantes, une enquête officielle est lancée, quelqu’un est reconnu coupable, couvert d’opprobre et licencié.

Les autorités passent probablement sous silence beaucoup de cas de fraude, en fait. Elles sont attachées à protéger la réputation de leur institution tout comme celle de la science elle-même. »

 

De rares rédacteurs osent dire que la qualité de la littérature est mauvaise

“Le rédacteur en chef du Lancet s’est permis d’écrire un éditorial explicite, dont nous avons traduit quelques phrases (6) : « La mise en accusation de la science est simple : une grande partie de la littérature scientifique, peut-être la moitié, peut tout simplement être fausse. Gangrénée par des études avec de petits échantillons, des effets minuscules, des analyses exploratoires invalides et des conflits d’intérêts évidents, associée à une obsession de poursuivre les tendances à la mode d’importance douteuse, la science a pris un virage vers l’obscurantisme. Comme l’a dit un participant, “des méthodes nulles donnent des résultats” […]. L’endémicité apparente du mauvais comportement en recherche est alarmante. Dans leur quête pour raconter une histoire convaincante, les scientifiques sculptent trop souvent leurs données en fonction de leur vision préférée du monde. Ou ils réajustent les hypothèses pour correspondre à leurs données […]. Les rédacteurs de revues méritent également leur juste part de critiques. Nous aidons et encourageons les pires comportements. Notre soumission aux facteurs d’impact engendre une concurrence malsaine pour accéder au cercle restreint d’un petit nombre de revues privilégiées. Notre amour de “l’importance” pollue la littérature avec beaucoup de contes de fée statistiques. […] Les revues ne sont pas les seules en tort. Les universités sont dans une lutte perpétuelle à la recherche de financements et de talents, ce qui pousse à l’utilisation d’indicateurs réducteurs, comme les publications dans les revues avec un facteur d’impact important. Les procédures nationales d’évaluation […] incitent aux mauvaises pratiques. Et les chercheurs eux-mêmes, y compris la plupart de ceux en charge de responsabilités, font peu pour changer une culture de recherche qui occasionnellement frôle les mauvaises conduites. » (7) Un aveuglement organisationnel : tous coupables !”

 

 

  1. Rupert Sheldrake, Réenchanter la science, une autre façon de voir le monde, J’ai Lu, 2016, pp 494-501
  2. Rupert Sheldrake, Réenchanter la science, une autre façon de voir le monde, J’ai Lu, 2016, p 487
  3. B. Goldacre, « Backwards step on looking into the future », The Guardian, 23 avril 2011
  4. W. Broad & N. Wade, La souris truquée, enquête sur la fraude scientifique, Paris, Seuil 1994
  5. T.P. Hettinger, « Misconduct : don’t assume science is self-correcting », Nature, 466, 2010, p.1040
  6. https://www.afis.org/Biais-et-embellissements-polluent-la-science, Association française pour l’information scientifique, “Peut-on croire les publications scientifiques ? Biais et embellissements polluent la science”, Publié en ligne le 23 décembre 2016
  7. Horton R. “Offline : what is medicine’s 5 sigma ?” Lancet, 2015, 385:1380