L’inconscient neuronal et les neurosciences

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«  L’école de pensée de l’inconscient neuronal, à savoir l’intuition étudiée à travers le prisme des neurosciences, représente le courant majoritaire au sein du monde scientifique et universitaire. C’est également la vision dominante du fonctionnement de l’intuition, telle que diffusée par les médias de masse.

C’est durant les années 80, avec l’introduction d’outils issus de la psychologie cognitive déployés dans le cadre d’études sur les phénomènes inconscients, que les psychologues ont envisagé d’explorer l’intuition avec l’attention et la rigueur qu’elle mérite. (1) C’est ensuite une avancée technologique, celle de l’imagerie médicale, qui a permis de progresser dans la compréhension des phénomènes intuitifs, en retraçant les circuits empruntés par l’intuition dans le cerveau. Grâce aux IRM fonctionnelles, on peut désormais provoquer des mouvements dans le cerveau et observer l’activité qui en découle. De cette façon, les neuroscientifiques ont identifié de nouvelles connexions cérébrales confirmant que certaines « informations » parviennent à notre conscience sans emprunter les voies sensorielles traditionnelles…

 

L’inconscient d’adaptation

Pour les neuroscientifiques, l’intuition est un « inconscient d’adaptation », une sorte d’intelligence inconsciente alimentée par l’ensemble des informations enregistrées par notre cerveau. Ils évoquent une « mémoire implicite » qui capterait l’intégralité des souvenirs, ressentis, sensations, données routinières de notre vécu. Selon ce mécanisme, inconscient, notre cerveau enregistrerait en permanence tous les ressentis sensoriels que nous éprouvons pour alimenter une base de données sensorielles, représentant un million de milliards de bits d’information. Si, dans une situation connue, un détail change, notre intuition s’active via la mémoire sensorielle. En un millième de seconde, l’intuition surgit de la mémoire sensorielle et se manifeste par un ressenti corporel. Comme ces informations sont enfouies dans notre inconscient et ne parviennent pas à notre conscience, le cerveau nous fait prendre des décisions sans que nous ayons conscience des perceptions originelles. En d’autres termes, le cerveau arrive directement à des conclusions en court-circuitant leur élaboration. Le surgissement de l’intuition s’accompagne d’une modification du système neurovégétatif – battements de cœur, sensation de chaleur, mains moites – et provoque une sensation physique de bien-être ou de mal-être. Elle s’exprime par une émotion et passe de l’implicite à l’explicite quand nous mettons des mots sur ce qu’elle nous dit…. Une majorité d’études scientifiques démontrent que l’intuition, si elle est utilisée dans un contexte favorable, peut mener à des prises de décision de qualité supérieure à celles qui découlent d’un traitement analytique standard. » (6)

 

La tête-chercheuse de l’inconscient

«  Un groupe de neuroscientifique japonais a demandé à des joueurs expérimentés de Shogi – un jeu d’échecs local – de déplacer une pièce du jeu en moins d’une seconde, en mode « intuitif » de manière à ce que le processus analytique n’ait pas le temps de se déployer. Mesurés par l’imagerie par résonance magnétique (IRM), les mouvements des joueurs se traduisent par l’activation de certaines zones du cerveau. Les ganglions de la base du cerveau, qui comprennent le noyau caudé, le putamen et le globus pallidus, ont été identifiés comme acteurs du mécanisme intuitif. Ces ganglions jouent traditionnellement un rôle dans le processus d’apprentissage, de mémorisation et d’exécution de comportements routiniers. (2)

Les ganglions de la base n’étaient pas activés quand les joueurs expérimentés étaient en mode analytique, quand ils avaient davantage de temps pour déplacer les pièces du jeu. Les chercheurs ont fait l’hypothèse que le cortex est associé à la perception et l’analyse consciente alors que le noyau caudé abrite l’expertise hautement spécialisée, permettant d’apporter une solution en court-circuitant la pensée consciente. Ceci serait l’intuition, une sorte de tête chercheuse scannant de manière ultra-rapide la base de données d’expériences enfouies dans l’inconscient, afin de proposer une réponse à une situation donnée (3) »…

Cependant « les plus récentes études en neurosciences cognitives tendent à nuancer le poids de l’expérience dans le phénomène intuitif et suggèrent plutôt que les processus de décision intuitifs sont semblables à ceux alimentant l’apprentissage implicite. Autrement dit, la structure neurale et les processus cognitifs impliqués dans l’intuition et l’apprentissage implicite seraient identiques. (4) En définitive, cela ne serait pas tant l’apprentissage implicite qui faciliterait l’intuition.

Pour résumer le paradigme neuroscientifique en vigueur, disons que l’intuition est envisagée comme un phénomène rationnel s’alimentant à la source de l’expertise, de l’apprentissage et de l’expérience, par le biais d’une multitude de données glanées de manière routinière par le cerveau. (5) » (6)

 

  1. Greenwald, AG, (1992), « Unconscious cognition reclaimed », American Psychologist, 47:766-779
  2. “The Neural Basis of Intuitive Best Next-Move Generation in Board Game Experts”, Xiaohong Wan et al. in Science, Vol. 331, pages 341-346; January 21, 2011
  3. “Developing Intuition: Neural Correlates of Cognitive-Skill Learning in Caudate Nucleus”. Xiaohong et al. in Journal of Neuroscience, Vol.32, pages 17,492-17,501; November 28, 2012
  4. Lu, P, Geyer, A., Campbell, G., Tucker, D., & Cohn, J. (2010) “The Neural Dynamics and Temporal Course of Intuitive Decisions”, Public Library of Science
  5. Kahnemann, D., Klein, G. (2009). “Conditions for intuitive expertise : A failure to disagree”. Am. Psyc. Vol. 64 (6). P 515-526
  6. Fabrice Bonvin, La Science de l’Intuition, Guide pratique de vision à distance, JMG éditions, 2018, pp 33-38

 

Pour en savoir plus, découvrez les pages “L’intuition spirituelle” et “l’intuition extrasensorielle

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