Expériences spirituelles avec des enthéogènes

 

 

Qu’est-ce qu’un enthéogène ?

Un enthéogène est une substance psychotrope qui engendre (« gen ») Dieu ou l’Esprit (« theo ») à l’intérieur de soi (« en ») ou en d’autres mots, ils provoquent « la libération ou l’expression d’un sentiment divin à l’intérieur de soi ». Cet état modifié de conscience est utilisé à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques.

 

Quels sont les enthéogènes ?

Il existe de nombreuses substances enthéogènes issues du monde botanique, animal ou dérivés chimiquement (1).

Les plantes

  • L’ayahuasca ou le yagé : est une boisson hallucinogène préparée à base deux lianes géantes que l’on trouve en Amérique du sud tropicale: Banisteriopsis caapi et Banisteriopsis inebrians, de la famille des Malpighiacées. Cette substance est surtout consommée par les tribus indiennes d’Amazonie qui donnent chacune ou presque un nom différent à la substance: Le mot ayahuasca est ainsi utilisé par les indiens Quechuas et le terme yagé par les tribus indiennes de l’ouest du bassin de l’Amazone (Brésil). Mais d’autres tribus utilisent aussi les mots Kahi, dapa, caapi, (pour ne citer qu’eux) pour désigner la fameuse boisson enthéogène. La substance n’est pas forcément bue: dans certaines tribus, on se contente de mâcher directement l’écorce séchée et dans d’autres, on en fait une poudre à priser hallucinogène.
  • Le peyotl : « également dénommé peyote (Lophophora williamsii), est une espèce de petits cactus sans épines de la famille des Cactaceae, originaire du sud de l’Amérique du Nord. Ce cactus contient plusieurs alcaloïdes dont la mescaline, utilisée pour ses propriétés enthéogènes, psychotropes et hallucinogènes. »
  • La psilocybine et la psilocine : (un alcaloïde dérivé de la psilocybine) sont des composants psychoactifs qui se trouvent dans 200 espèces de champignons, parmi lesquels les Psilocybe Cubensis. Dans certaines zones de la planète, l’usage de ces champignons remonte à des millénaires, aussi bien pour un usage ludique que spirituel, spécialement dans des contextes rituels et chamaniques. De plus, et comme nous le verrons par la suite, ces enthéogènes – de même que de nombreux autres – peuvent s’utiliser également pour des raisons médicinales. Ils peuvent ainsi être efficaces pour traiter des maladies comme l’anxiété ou la dépression. “Le teonanacatl ou Psilocybe mexicana est le plus célèbre des champignons  hallucinogènes utilisés au Mexique à des fins rituelles. On le retrouve particulièrement dans l’état mexicain du Oaxaca mais il pousse également dans d’autres régions du Mexique et du Guatemala“.
  • Le cannabis : « Le cannabis (Cannabis) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille de la famille des Cannabaceae. Ce sont toutes des plantes originaires d’Asie centrale ou d’Asie du Sud. La classification dans ce genre est encore discutée. Selon la majorité des auteurs il contiendrait une seule espèce, le Chanvre cultivé (Cannabis sativa L.), parfois subdivisée en plusieurs sous-espèces, généralement sativa, indica et ruderalis (syn. spontanea), tandis que d’autres considèrent que ce sont de simples variétés. Les plantes riches en fibres et pauvres en Tétrahydrocannabinol (THC) donnent le “chanvre agricole” qui pousse dans les pays tempérés, exploité pour ses sous-produits (fibres, graines…) aux usages industriels variés, tandis que le “chanvre indien”, qui pousse en climat équatorial, est au contraire très riche en résine et exploité surtout pour ses propriétés médicales et psychotropes.
  • L’epena : ” L’Epena est une poudre à priser hallucinogènes utilisée en Amérique du Sud, sur le cours supérieur de l’Orénoque, au Vénézuela, ainsi que le long des affluents au nord du Rio Negro, au Brésil. Selon les ethnies, la composition, l’usage traditionnel et le nom peuvent varier : nyakwana, hak-ú-dufha, paricá (dans le Rio Negro), yákee (chez les indiens Puinave), yató (chez les Indiens Kuripako). Les plantes peuvent entrer dans sa composition sont principalement des espèces appartenant au genre Viriola, un arbre de la famille des Myristicaceae: Quelquefois de la poussière de feuilles de Justicia pectoralis stenophylla (achantacée) ou de la cendre d’écorce d’Elizabetha pinceps (légumineuse) peuvent être ajoutées.

 

Les animaux

  • Plusieurs poissons semblent posséder des propriétés hallucinogènes quand ils sont consommés. Sarpa salpa – une espèce de daurade – est connu comme “le poisson qui fait des rêves” dans les pays arabes... Ces poissons côtiers largement répandus se trouvent normalement en Méditerranée et autour de l’Espagne, ainsi que sur les côtes de l’ouest et du sud de l’Afrique. De temps en temps, ils se trouvent dans les eaux britanniques. Ils peuvent induire des effets hallucinogènes prétendument similaires à ceux du LSD s’ils sont consommés. La probabilité d’hallucinations dépend cependant de la saison. On ignore si les toxines sont produites par les poissons eux-mêmes ou par des algues marines dans leur régime alimentaire. Parmi les autres espèces prétendument capables de produire des hallucinations, on compte plusieurs espèces du genre Kyphosus, ainsi que Siganus spinus (appelé “le poisson qui est en état d’ébriété” à La Réunion) et Mulloidichthys flavolineatus (anciennement Mulloidichthys samoensis, appelé “le chef des fantômes” à Hawaii).” 
  • La bufoténineou 5-hydroxy-N,N-diméthyltryptamine (5-HO-DMT) est un alcaloïde indolique. C’est un dérivé N,N-diméthylé de la sérotonine (5-hydroxytryptamine)se trouve sur la peau de crapauds, comme le Bufo alvarius qui vit au nord du Mexique et au sud de l’Arizona. On trouve aussi cette substance sur la peau de grenouilles. Certains champignons et plantes en possèdent également. A petite dose, cette substance se trouve également dans le corps humain.

 

Les dérivés chimiques

  • La mescaline : “On décèle la mescaline dans plusieurs cactus comme certains trichocereus ou lophophora, plus connu sous le nom de peyotl. La mescaline (3,4,5-triméthoxyphénéthylamine) est un alcaloïde de la classe des phényléthylamines utilisé comme drogue hallucinogène. L’effet psychodysleptique (ou psycho psychédélique), de cette substance l’inclut dans le vaste domaine des psychédéliques comme dans celui des enthéogènes. La mescaline peut être de provenance naturelle ou synthétique.”
  • Le LSD : “Le diéthyllysergamide (LSD, LSD-25, de l’allemand Lysergsäurediethylamid est un psycxhédélique hallucinogène et psychostimulant d’origine hémisynthétique. C’est un composé de la famille des lysegamides, dérivé de composés issus de l’ergot du seigle (Claviceps purpurea), un champignon qui pousse sur les céréales du genre Poaceae comme le seigle ou le blé.

 

Quels sont les effets des enthéogènes ?

La prise d’enthéogènes semble provoquer les mêmes états mystiques que les pratiques spirituelles, les expériences de mort imminente ou les expériences de type EMI. Les chamanes à travers le monde sont ainsi des spécialistes des états de transe permettant le contact avec les autres mondes. Soutenus par des danses, des chants, des musiques spécifiques en plus de la prise de substances, ils obtiennent un état altéré de conscience qui leur permet de vivre des états de conscience mystique.

La prise d’enthéogène doit se faire dans un cadre de surveillance strict et avec une préparation adéquate. Quand l’expérience se passe bien, les expérienceurs décrivent un côté « plus réel que réel » qui s’accompagne d’un sentiment très fort de paix et de bonheur intense. Ils en ressortent fortement transformés avec, notamment, une conscientisation des problématiques sociales et écologiques, ainsi qu’une baisse des désirs matériels comme le pouvoir, la renommée ou l’argent.

Mais les « bad trip » sont courants lorsqu’on parle de la prise d’enthéogènes et dans certains cas, cela peut déboucher sur des problèmes de perceptions à long terme et même entraîner d’importants troubles mentaux. Il n’est pas rare que des personnes ayant décidé d’aller en Amérique du Sud pour y prendre de l’ayahuasca en reviennent avec de profonds problèmes psychologiques après avoir reçu le breuvage de la part de soi-disant chamanes plus intéressés par l’argent des touristes que par leur accompagnement dans les mondes invisibles. Toute prise d’enthéogènes doit se faire en milieu sécurisé avec des professionnels de confiance qui surveillent si le processus suit correctement son cours.

 

L’expérience du Vendredi Saint

Le médecin Walther Pahnke lança ce qu’on a appelé “l’Expérience du Vendredi Saint”.

Il créa deux groupes, l’un devant recevant de la psilocybine (la substance hallucinogène qui se trouve dans certains champignons de type psilocybes) et un autre groupe recevant de la niacine comme placebo (un composant de la vitamine B). Aucun des participants ne savait à quel groupe il appartenait, mais quasiment tous les membres du groupe qui ont reçu de la psilocybine ont relaté avoir vécu une expérience tellement proche de celle décrite lors d’expériences mystiques qu’il est impossible de les différencier (2). Tout comme Jill Bolte Taylor qui avait uniquement le cerveau droit en état de marche suite à un AVC, les participants décrivirent des effets positifs tels que l’impression d’appartenir à une conscience plus large, un sentiment de bonheur et de paix intenses, ainsi qu’une impression d’unité avec toutes choses.

Les effets se prolongèrent dans le temps, puisque deux mois plus tard, 79% d’entre eux affirmaient ressentir une impression de bien-être modérément ou grandement renforcée. Amis et membres de la famille confirmèrent que leurs proches ayant pris l’hallucinogène étaient métamorphosés positivement tant au niveau de leurs émotions que de leurs attitudes et de leurs comportements.

 

L’analyse d’Helen Wambach

La psychologue Helen Wambach fait le constat suivant concernant la prise d’enthéogènes : “Certains résultats expérimentaux suggèrent que le LSD, ainsi que d’autres drogues hallucinogènes, augmentent la production d’acétylcholine dans les synapses, ce qui fait fonctionner le cerveau en circuit ouvert. Pour expliquer ce phénomène, on peut prendre l’image d’un central téléphonique dont tous les circuits seraient ouverts, si bien qu’on entendrait simultanément toutes les conversations en cours. Je ne crois pas que le LSD par lui-même affecte le contenu des expériences vécues sous son influence. Au contraire, d’après ce que j’ai pu observer, la drogue agit en faisant remonter à la surface ce qui se passe dans l’inconscient ou dans le subconscient, pensées, images et émotions franchissant alors la barrière du conscient…

Il paraît que nous n’utilisons que dix pour cent de notre cerveau. Je me demande si les aires que nous croyons dépourvues de toute fonction spécifique – c’est-à-dire les quatre-vingt-dix pour cent restants – ne sont pas, en réalité, en activité permanente. Mais l’ego – le “moi de tous les jours” – joue le rôle d’un standardiste et ne laisse passer dans le conscient que ce qui sert les objectifs et le système d’explication du monde de chaque individu, dans le cadre de la réalité sociale de la culture à laquelle il appartient.“(3)

 

Quand le cerveau se met au repos alors qu’on l’imagine hyperactif

Les intuitions d’Helen Wambach semblent être confirmées par les études utilisant des IRM. Par contre, dans un sens différent de ce qu’elle imaginait. On pense de prime abord que la prise de substance psychédéliques doit créer un véritable « sapin de Noël » du cerveau lors des IRM. Etonnamment, c’est le contraire qui se passe. Par exemple, cette étude sur l’influence de la psilocybine (la substance active des champignons du genre Psyilobe) a montré que les connexions majeures de différentes zones du cerveau ont vu leur activité fortement diminuer chez les personnes ayant vécu les expériences « psychédéliques » les plus profondes (sentiment de félicité, impression de décorporation, sentiment d’unité, synesthésie, etc.). Un résultat à l’inverse de ce qu’attendaient les chercheurs. En d’autres mots, plus l’activité de certaines zones de notre cerveau s’affaiblit et plus nous avons de probabilité de vivre des expériences mentales internes fortes. (4). Ils ont obtenu des résultats identiques avec la prise de LSD.

A noter que le même type de résultat a été obtenu avec la prise d’ayahuasca, la fameuse boisson des chamanes sud-américains qui contient un composé psychédélique : le DMT ou N-dimethyltryptamine accessoirement présent en quantités minimes dans le cerveau. Là aussi les chercheurs ont réalisé que plus l’expérience vécue par le sujet était forte et plus l’activité du cerveau au niveau du principal joint jonctionnel affichait une réduction significative. Ainsi les parties qui restent “allumées” lorsque le cerveau est au repos, mais actif, ce qu’on appelle aussi le « réseau du mode par défaut” (lobe temporal médial, le cortex préfrontal médial, le cortex cingulaire postérieur, le précuneus et d’autres régions avoisinantes du cortex pariétal), s’éteint progressivement suite à la prise d’ayahusaca ou autres substances psychédéliques. (5)

Ces découvertes semblent confirmer la présence de la conscience intuitive extra-neuronale décrite par de nombreux chercheurs, parmi lesquels le Dr Jean-Jacques Charbonier.

 

Alexandra Urfer Jungen

 

1. La plupart des définitions sont tirées de l’encyclopédie en ligne Wikipédia
2. Smith H. Empirical Metaphysics, http://www.psychedelic-library.org/books/ecstatic5.htm
3. Helen Wambach, Revivre le passé, sous hypnose, mille cas de retour dans les vies antérieures, Robert Laffont, 1976, p.26
4. Robin L. Carhart-Harris, David Erritzoe, Tim Williams, et al. , “Neural Correlates of the Psychedelic State Determined by fMRI Studies with Psilocybin”, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 109, n°6, 2012, 2138-43
5. Fernanda Palhano-Fontes, Katia C. Andrade, Luis F.Torfoli, et al. , « The Psychedelic State Induces by Ayahuasca Modulates the Activity and Connectivity of the Default Mode Network”, PLOS ONE (février 2015), https://doi.org/10.1371/journal.pone.0118143

 

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