Les psys face aux expériences paranormales des plus jeunes

 

Consulter un psy

Dans les familles, si certaines s’interrogent sur la nature du phénomène vécu par leur enfant, c’est surtout lorsqu’elles constatent que le vécu hors-normes a un impact négatif sur le bien-être de leur progénitures qu’elles commencent à s’inquiéter : sommeil de mauvaise qualité, cauchemars récurrents, terreurs nocturnes (mais aussi diurnes), désespoir sans cause explicite, etc.

C’est à ce moment-là qu’elles décident souvent de consulter un psychiatre ou un psychologue. Malheureusement, une grande partie des professionnels « psys » n’a aucune connaissance des recherches effectuées dans le domaine dit paranormal. Pire encore, tout ce qui n’entre pas dans la normalité “statistique” est qualifié de déficience. Aujourd’hui nous sommes dans une psychopathologisation de l’enfance où quasiment chaque comportement hors de la norme ambiante est considéré comme une maladie selon le DSM, cette Bible des psychiatres qui recense toutes les maladies psychiques.

 

Tout ce qui est hors-normes est déficience

Comme le fait remarquer la psychologue française et enseignante en école de psychologie Sabrina Philippe : «Toutes les formations médicales et paramédicales de notre société occidentale s’effectuent par une reconnaissance et une classification de la déficience, cette déficience étant définie en fonction d’une norme, d’une moyenne. Ainsi, même le fait d’être surdoué est, par exemple, souvent considéré comme un handicap, puisque cela ne s’inscrit pas dans la norme… Tout ce qui est hors normes est donc déficience, et tout ce qui est déficience doit être corrigé par un traitement médicamenteux ou psychothérapeutique. Cette position tranchée représente évidemment un confort pour tous les soignants, puisqu’elle laisse peu de place aux doutes et à la remise en question des pratiques… La classification des troubles mentaux telle qu’elle est définie à ce jour est non seulement extrêmement récente (un petit siècle), mais n’est valable que dans notre société occidentale… Alors pourquoi détiendrions-nous la vérité ? Et surtout, l’histoire nous a toujours montré que ce que nous considérons comme avéré à un moment “t” nous apparaît erroné à un moment “t+1″… Une question se pose alors. Combien d’enfants ont été victimes de diagnostics peut être erronés ? Hyperactifs, états limites, psychotiques… combien ? Sans remettre en cause notre grille de lecture psycho-pathologique, qui nous est parfois bien utile, n’est-il pas possible de l’élargir ? D’admettre qu’il puisse y avoir une autre position entre la déficience et l’efficience ? Entre le normal et le pathologique ? Entre ce que l’on connaît et ce qui nous est inconnu ?… C’est en alliant la modestie de ne pas tout savoir à la prudence de ne pas tout interpréter et à l’ouverture sur de nouveaux champs possibles que nous pourrons sans doute, en tant que soignants, être le plus juste et le plus efficace dans nos prises en charge.»(1)

 

Le problème du caucasien

Il en ressort qu’enfants et parents se trouvent démunis lorsque le problème de fond est justement un phénomène qui n’entre pas dans la sphère du rationnel conventionnel. Trouver un psychiatre ouvert à ces événements est un véritable défi… à moins d’être originaire d’une culture non-occidentale. Dans ce cas, le fait de vivre un phénomène Extra-Ordinaire sera immédiatement compris comme étant une coutume du pays d’origine et l’enfant sera renvoyé à l’ethnopsychiatre. Par contre, si le jeune est un caucasien pure souche et si, en plus, il a passé le cap fatidique des 12 ans, on va très vite parler de problème de développement et de soucis psychologiques importants.

 

L’interprétation psy

Pour la grande majorité des psys les phénomènes paranormaux vécus par leurs patients proviennent soit de dérèglements biochimiques, soit de productions de l’inconscient. Dans le meilleur des cas, ces professionnels vont repousser la question « paranormale » au second plan en affirmant qu’il faut se concentrer sur « l’ici et le maintenant », c’est-à-dire l’école, les relations familiales, les liens avec les amis, etc. qui sont de leur point de vue les seuls à pouvoir être à la base du mal-être de l’enfant. Dans les pires des cas, les professionnels vont immédiatement poser des diagnostics de type psychose précoce nécessitant de lourds traitements médicamenteux et parfois même l’enfermement.

Ainsi, l’enfant qui voit des choses que d’autres ne peuvent pas percevoir sera forcément considéré comme victime d’hallucinations, même si ce symptôme est isolé de toute autre pathologie et même si une hallucination sous-entend une perception sans objet, c’est-à-dire qu’elle ne passe pas par un organe sensoriel. Or la majorité des enfants ayant développé des capacités extra-sensorielles perçoivent bel et bien des réalités extérieures à eux-mêmes par leurs canaux visuels, auditifs et tactiles.

 

La personnalité schizotypique

Une case appréciée des psys est le trouble de la personnalité schizotypique qui a l’avantage de regrouper les personnes aux comportements bizarres, avec des délires et qui ont des croyances paranormales et superstitieuses. Le questionnaire de base a même ses sections posant des questions sur les croyances et les expériences hors-normes. Le simple fait de s’intéresser au paranormal est une pathologie ! Un comble sachant combien la littérature et la filmographie des jeunes en est remplie. A se demander si ces phénomènes n’effraient pas plus les psys que les enfants qui les subissent, ce que semble confirmer le psychiatre traditionaliste Philippe Wallon, ancien chercheur à l’INSERM en France et auteur d’ouvrages sur le paranormal :
« Nous avons la chance, en France, d’avoir des psychiatres et des psychologues bien formés, grâce à l’approche psychanalytique : nous restons toujours distanciés vis-à-vis de ce que dit le patient. On n’adhère jamais, on ne colle pas à son propos… il y a moins de danger à nier qu’à adhérer, et les parents doivent faire de même : il faut garder une grande distance avec les propos de son enfant et ne surtout pas y ajouter foi… Même s’il y a des preuves, il faut rester très distancié. Adhérer à ça peut mener à la folie. Le paranormal, c’est tellement difficile à gérer qu’il vaut mieux nier.» (2)

 

Le paranormal: une conduite à risque !

Pour certains psys, à l’image de Pascal Le Maléfan, l’intérêt des jeunes pour le « paranormal » est comme l’alcool, la drogue et les conduites à risques : un moyen de faire face aux problèmes liés à leur âge (mais en moins nocif). Pour d’autres, à la suite du professeur de psychologie Johannes Mischo, (3) c’est une étape normale du développement qui peut s’apparenter à un rite de passage. Pour la majorité des adolescents, l’intérêt pour le paranormal naît ainsi d’une certaine curiosité et de l’ennui qu’ils peuvent ressentir à ce moment-là de leur vie. Cette passion oscillera entre six semaines et sept mois avant de disparaître. Le passage à une autre étape se fait généralement, selon Pascal Le Maléfan, suite à un événement fort, que ce soit après une séance de spiritisme ou une expérience de sortie de corps. Après ce vécu les jeunes passent à autre chose. Fin de l’histoire. Le fait que ces événements hors-normes aient pu marquer profondément l’adolescent et qu’il se soit retrouvé isolé sans comprendre ce qui lui était arrivé ne pose apparemment aucun problème à ces spécialistes. Le jeune peut en avoir été possiblement traumatisé, mais peu importe : ce qui prime, c’est que désormais il ne s’intéresse plus à cela et qu’il passe à l’âge adulte en entrant comme il se doit dans le moule de la conformité.

 

Ecouter et accompagner

Nier en bloc tout ce qui touche au paranormal sous prétexte qu’il pourrait en ressortir un potentiel danger ou affirmer qu’il s’agit là d’une simple étape de vie ressemble bien à jeter le bébé avec l’eau du bain. En tout cas, les professionnels accompagnant les personnes vivant des phénomènes hors-normes n’adhèrent pas du tout à ce discours et promeuvent, pour leur part, une attitude faite d’écoute bienveillante pour aider les enfants, les ados et les adultes ayant un vécu Extra-Ordinaire.

 

Faire preuve de bon sens

En conclusion, tout est question de bon sens. Comme l’explique le psychologue Joachim Soulières dans son ouvrage « Les enfants et le paranormal » : « Un psy n’évaluera correctement ce recours au paranormal que s’il pénètre le point de vue de l’adolescent, au-delà du phénomène lui-même : est-ce que l’expérience est perçue comme positive ou négative ? Quelle interprétation en fait-il ? Quelle fonction a ce recours au paranormal vis-à-vis de ses relations (amis, éducateurs, parents) ? Les phénomènes surgissent-ils dans un état de conscience modifié ? Sont-ils contrôlables ? Quelles circonstances de sa vie accompagnent le déclenchement de cet intérêt pour le paranormal, son maintien, son aggravation ? Etc. Une fois que la peur du paranormal est dépassée – peur qui est un obstacle courant dans nos sociétés où nous avons peu d’informations fiables sur ces sujet – alors toutes ces questions et d’autres encore permettent de préciser la façon singulière avec laquelle le jeune fait l’expérience de ce domaine. Le contraste entre pathologie et développement sain, bien qu’original, s’esquisse à partir de ces singularités. » (4)

Si les phénomènes hors-normes sont intégrés et que la personne qui les vit ne souffre pas de mal-être psychique, il n’y a pas de raison qu’elle ait un suivi psychothérapeutique. Et si accompagnement il y a, celui-ci doit se focaliser sur les besoins du patient : « L’approche la plus efficace… est d’orienter l’entretien sur la signification de ces phénomènes dans la vie du patient, et non de s’interroger sur l’existence du phénomène ou la réalité de l’expérience. De même que la forme du phénomène psi en elle-même – télépathie, précognition ou clairvoyance – ne revêt pas une importance particulière : il n’y a pas de « hiérarchie » instituée dans les expériences psi… A partir de là, le clinicien pourra cerner, entre autres, les facteurs qui ont pu déclencher l’expérience, et la replacer dans le contexte de la dynamique psychique.» (5)

 

Alexandra Urfer Jungen

 

1) Sabrina Philippe « L’enfant, le soignant et l’invisible », Inexploré, N°21, janvier, février, mars 2014
2) Samuel Socquet, Enfance et surnaturel, éditions de La Martinière, pp 181-182
3) Mischo J., Okkultismus bei Jugendlichen : Ergebnisse einer empirischen Untersuchung, Mainz, Matthias-Grünenwald-Verlag, 1991
4) Joachim Soulièrès, Les enfants et le paranormal, Dervy,pp115-116
5) Erik Pigani, « Les perceptions extra-sensorielles : le psi » in Manuel clinique des expériences extraordinaires, InterEditions, 2013, p.323