Expérienceurs et grands mystiques

 

Le rôle des expériences mystiques dans l’histoire humaine

Les expériences mystiques sont à l’origine des grandes religions dans le monde. Elles ont donc joué un rôle fondamental dans notre Histoire humaine.

Ainsi, pour ne citer qu’eux, un très grand nombre de mystiques chrétiens ont affirmé avoir un contact avec Dieu lors de visions extatiques : François d’Assise, Maître Eckart, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix. Chez certains, ces extases se sont également accompagnées de stigmates (des blessures aux mains, aux pieds et sur le buste qui rappellent les blessures qu’a connues Jésus durant sa crucifixion).

 

Points de convergence entre expérienceurs et mystiques

Nicole Le Blond est psychologue clinicienne, psychothérapeute et psychanalyste. Elle est également membre du Comité Scientifique de IANDS. Elle a mis en avant les points de convergences entre les expériences vécues suite à des EMI/expériences de type EMI et ce qu’ont décrit les grands mystiques : «L’accès à un environnement extraordinaire et la vision ou la pénétration dans une lumière irradiante d’amour ; la conscience de la présence d’une entité spirituelle ; l’audition de voix ou de musique ; l’absence de notion de temps ou d’espace ; le sentiment d’unité ; la très grande lucidité ; l’accès à des informations sur la structure de l’Univers ; le caractère extatique ou ineffable de cette expérience. »  (1)

Les descriptions que fait la religieuse espagnole Thérèse d’Avila au 16ème siècle de ses expériences mystiques (2) montrent clairement les points de convergence de son vécu avec les EMI/expériences de type EMI :

La sortie de corps : « Ce qui est vrai, c’est qu’à la vitesse d’une balle sortie d’une arquebuse à laquelle on a mis feu, il se produit intérieurement une envolée (je ne sais pas quel autre nom lui donner) dont le mouvement est si clair, bien que sans bruit, qu’on ne peut l’attribuer à l’imagination ; et voilà l’âme toute hors d’elle-même autant qu’elle peut le comprendre, et de grandes choses lui sont montrées… »

Elle explique aussi plus en détails : « Pour revenir à ce brusque rapt de l’esprit, il est tel que l’esprit semble vraiment quitter le corps, et pourtant, c’est clair, cette personne n’est pas morte ; mais pendant quelques instants, il lui semble avoir été tout entière dans une autre région, bien différente de celle où nous vivons. Là, on lui a montré une autre lumière si différente de celle d’ici-bas qu’elle aurait pu passer sa vie entière à la fabriquer, ainsi que d’autres choses, sans y parvenir. En un instant, on lui montre tant de choses à la fois que si son imagination et sa pensée travaillaient des années à les agencer, elle n’y parviendrait pas pour une sur mille… ».

La fameuse Lumière et la plongée dans un Amour universel : « Pour parler de ce point seulement, la différence est si grande entre la lumière qui frappe nos yeux et celle qui brille dans ce séjour où tout est lumière, qu’il n’y a pas de comparaison à établir. La clarté du soleil ne semble plus, ensuite, que laideur. Non, l’imagination la plus subtile est incapable de se peindre, de se représenter cette lumière telle qu’elle est… Tous les sens se trouvent alors dans une telle jouissance et une telle suavité, qu’il est impossible d’en donner l’idée. »

La revue de vie : « Un soir, tandis que j’étais en oraison, le divin Maître m’adressa quelques paroles qui me remettaient en mémoire les grandes fautes de ma vie. Elles me remplissaient de confusion et de peine. De fait, ces paroles, lors même qu’elles ne sont pas dites avec sévérité, provoquent un repentir et une douleur qui anéantissent. Une seule d’entre elles fait plus avancer une âme dans la connaissance d’elle-même qu’un temps considérable passé à réfléchir sur sa misère, parce qu’elles portent avec elles un caractère de vérité auquel il lui est impossible de se soustraire ».

Thérèse d’Avila, mais aussi d’autres grands mystiques, ont également eu des visions effrayante ressemblant de près à ce qui a été dit après certaines EMI négatives : « Un jour que j’étais en oraison, soudain, sans savoir comment, il me sembla que je me trouvais tout entière enfoncée en enfer […]l’entrée semblait une sorte de ruelle très longue et très étroite, une manière de four très bas, sombre et resserré. Le sol me parut couvert d’une eau boueuse fort sale, d’odeur pestilentielle, grouillante de petits reptiles répugnants. On voyait au bout au bout une concavité creusée comme un placard dans la muraille ; c’est là qu’on me mit, très à l’étroit. […] Tout cela n’est rien en comparaison avec ce que je sentis là, sachant que ce serait sans fin ni cesse ».

 

Les différences entre mystiques et expérienceurs

Plusieurs éléments caractérisent les grands mystiques religieux. En premier lieu le fait que l’expérience d’extase mystique est souhaitée. Elle peut être provoquée, notamment, par l’exercice de l’oraison (une sorte de prière-méditation). Les EMI et expériences de type EMI sont pour leur part généralement fortuites et provoquent une grande surprise.

Le mystique interprète également immédiatement son « ravissement » (son enlèvement spirituel) comme une volonté de Dieu et il revient généralement empli d’un état de bonheur intense (béatitude). Le retour est souvent beaucoup plus difficile pour les expérienceurs confrontés au manque de compréhension de leurs proches et du corps médical.

Les mystiques sont par ailleurs dans un rejet de la réalité matérielle alors que les expérienceurs reviennent avec une compréhension aiguë du sens de leur/la vie terrestre dans laquelle ils s’impliquent pleinement.

Ce qui marque également est la profondeur et l’intensité de l’expérience mystique. Comme le rappelle le Père François Brune Père (3) « Un mystique en véritable extase ne sent plus rien, n’entend plus rien, les yeux grands ouverts, il ne voit plus ce monde. Je n’imagine pas sainte Thérèse d’Avila, sentant venir l’extase se dire : « Ah ! oui, c’est le moment de tirer sur la ficelle.

L’impossibilité est encore plus grande lorsque l’extase saisit brutalement le mystique, sans aucun préavis, au milieu d’un geste inachevé, qui reste suspendu, le temps de l’extase et parfois en plaine occupation matérielle, ce qui, pourtant, arrive souvent. Saint Philippe Néri était obligé de se livrer à des plaisanteries ou à des gestes extravagants pour arriver à empêcher l’extase de le saisir en public  (4). Le père Augustin Delage, s’arrêtant un jour en plein milieu d’une phrase, pendant plus d’une demi-heure, pour l’achever ensuite comme si de rien n’était (5). Sainte Thérèse d’Avila, ravie au moment-même de communier et restant la bouche ouverte, incapable d’avaler l’hostie (6) »

 

Témoignage

J’ai pour ma part eu l’occasion de voir l’une des voyantes de Medjugorje (il me semble que c’était Marija Pavlovic-Lunetti), alors que je donnais un coup de main sur un tournage vidéo qui avait pour objectif d’enquêter sur les apparitions mariales de la petite commune appartenant encore à ce moment-là à la Yougoslavie communiste.

Ce qui m’a étonnée en premier lieu, c’est l’intense paix et bien-être qu’on ressentait en arrivant dans l’espace consacré aux pèlerins. Il y avait énormément de monde et pourtant il y régnait une sérénité, un esprit d’entraide et un grand calme qui semblaient étranges en comparaison du reste du monde.

Mais, surtout, j’ai été frappée par l’attitude de la voyante : en prière à genoux dans une toute petite pièce devant une représentation de la Vierge, ses paroles se sont soudainement tues alors qu’elle était en prière à haute voix. Pourtant ses lèvres continuaient à bouger montrant un dialogue intense avec une interlocutrice qui était invisible à mes yeux. Nous avions tous l’impression qu’on avait subitement « coupé le son » (c’est d’autant plus flagrant que deux équipes de tournage disaient la même chose !) pour garder le dialogue secret.

J’ai aussi été frappée par la tête qu’elle avait très en arrière pendant toute la durée de l’extase, ce qui aurait causé un inconfort certain pour ne pas dire de gros problèmes à la nuque à n’importe qui. Les capacités physiques particulières de certaines personnes en extases (comme courir en arrière à très grande vitesse, la tête levée au ciel sans jamais tomber) sont une caractéristique de ces expériences mystiques.

 

Alexandra Urfer Jungen

 

  1. Jocelin Morisson, L’expérience de mort imminente, une enquête aux frontières de l’après-vie, éditions de La Martinière, 2015, p.87
  2. Thérèse d’Avila, Le Château intérieur, les trois premières demeures de l’âme, Folio, 2014
  3. Père François Brune, Les morts nous parlent, tome 2, Le livre de Poche, 2009, pp 295-296
  4. Louis Ponnelle, Louis Bordet, Saint Philippe Néri et la société romaine de son temps, 1515-1595, La Colombe, 1958, pp 73-79
  5. Robert de Langeac, Vous…, mes amis, Lethielleux, 1953, p.48
  6. Marcelle Auclair, La vie de sainte Thérèse d’Avila, édition du Seuil, 1950, p.234

 

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