Lulu, la chenille qui avait peur de se transformer en papillon

Photo AUJ

Une petite histoire que j’ai écrite en pensant à un jeune garçon qui avait très peur de la mort.

 

 

Lulu était une petite chenille.

La plus petite des petites chenilles, car elle était le dernière née de sa grande famille.

Tous ses frères et sœurs l’avaient accueillie avec joie lorsqu’elle avait percé la coquille de son œuf :

« Bonjour Lulu ! Sois la bienvenue ! »

Et Lulu s’était sentie heureuse d’être tant aimée et tant entourée.

 

Mimi était sa sœur préférée. Elle était toujours là pour l’accompagner et pour l’aider.

« Tiens ! Mange ce bout de feuille ! C’est excellent ! ».

« Viens te mettre à l’abris ! Ici tu auras trop chaud ! »

« Tu as tant grandi. Il est temps de faire ta mue. As-tu besoin d’un coup de main ? »

Les soirs d’orage, quand Lulu avait très peur, son aînée était toujours là pour la rassurer.

Mimi était vraiment sa sœur préférée.

 

Un jour, il se passa un étrange événement.

Jojo, le plus grand de ses frères, décida de se suspendre à une tige et son corps se mit à gonfler, gonfler… Jusqu’à ce que sa peau se craque et laisse la place à une étrange carapace.

Lulu était inquiète.

« C’est normal, lui souffla Mimi, rassurante. C’est le destin de toutes les petites chenilles de se transformer un jour en chrysalides, puis de recommencer une autre vie dans un corps tout différent ».

Mais Lulu était de plus en plus inquiète, car elle voyait tous ses frères et ses sœurs se transformer les uns après les autres.

Il y avait de moins en moins de chenilles et toujours plus de chrysalides.

 

Un matin, Lulu alla se promener à côté de la plante où le grand Jojo était suspendu depuis sa métamorphose.

Elle sursauta d’effroi : la chrysalide était déchirée et vide.

Jojo avait disparu.

Lulu se rua auprès de Mimi, mais sa grande sœur lui fit un grand sourire et se transforma à son tour en chrysalide.

« Non ! Ne me laisse pas ! J’ai encore besoin de toi », cria Lulu en tambourinant contre la chrysalide de sa sœur préférée.

« N’aie pas peur ! chuchota encore Mimi à travers la paroi. Nous nous retrouverons quand tu te seras à ton tour transformée en papillon ».

Puis Mimi se tu définitivement.

 

Lulu s’effondra.

« Ouvre-toi ! Ouvre-toi ! »

Mais la chrysalide de Mimi ne se déchirait pas et Lulu comprit alors que c’était fini : elle ne reverrait plus jamais sa petite chenille chérie :

« Jamais plus je ne lui reparlerai. Je voudrais tellement partager encore avec elle mes soucis et mes bonheurs. Tellement rire et pleurer en l’ayant à mes côtés ».

Lulu sanglota très longtemps, remarquant à peine toutes les chrysalides qui, petit à petit, se vidaient.

Elle se sentait terriblement seule.

« Pourquoi dois-je vivre un si grand malheur ?  Qu’ai-je donc fais pour mériter une telle horreur ? », se lamentait-elle en cherchant désespérément ses compagnons.

 

Et puis, un jour, elle sentit quelque chose de bizarre se passer au creux de son corps.

Et elle su que, pour elle aussi, il était maintenant temps.

Elle eut peur.

Très peur.

« Non ! Je ne veux pas !  J’ai été une gentille chenille toute ma vie. Je ne veux pas être punie ! Je ne veux pas disparaître ! Je veux continuer à manger de bonnes feuilles, à me balader sur les tiges, à sentir le vent souffler sur ma peau. Je veux continuer à être ce que j’ai toujours été. Je veux vivre ainsi pour l’éternité ».

Elle tenta de se battre.

Longtemps.

Mais son corps refusa le combat et, un beau jour, Lulu réalisa qu’elle n’avait plus le choix. Comme ses frères et ses sœurs avant elle, à contrecœur, elle se suspendit à une branche et se métamorphosa en chrysalide.

 

Plus tard, la chrysalide de Lulu éclata.

Lulu passa ses antennes, puis sa tête, ses pattes et tout son corps hors du cocon.

Encore épuisée par l’effort, elle se reposa un moment. Puis, les idées de nouveau claires, elle s’étonna :

« Mais ? Comment se fait-il ? Je suis encore vivante ? ».

« Bien sûr que tu es vivante ! », lui jeta une voix joyeuse, juste derrière elle.

Lulu se retourna et elle resta sans voix. Une créature magnifique s’approchait d’elle.

Très vite, Lulu la reconnu.

C’était Mimi !

« Mais alors ? Toi non plus, tu n’as pas disparu ? »

« Mais non, petite sœur ! La vie continue plus belle qu’avant ! Regarde ! Tu peux maintenant t’envoler, butiner, aimer. Nous vivons dans une nouvelle dimension pleine de belles choses à découvrir et à tester. Est-ce que cela valait la peine d’avoir si peur ? De vouloir prolonger tes heures ? ».

Lulu fit « non » de la tête, puis elle regarda son nouveau corps. Elle n’en croyait pas ses yeux : elle aussi était aussi délicate et gracieuse que Mimi.

« Ce que je suis belle », ne put s’empêcher de murmurer Lulu, béate et comblée de tout ce qui venait d’arriver.

 

Et soudain, il y eut un vrombissement d’ailes

« Bonjour Lulu ! Sois la bienvenue ! », crièrent des dizaines de voix.

Tous ses frères et ses sœurs étaient là. Même Jojo qui lui fit une tape dans le dos.

Lulu était heureuse. Tous ceux qu’elle aimait l’entouraient et, dans le ciel, le soleil lui-même lui souriait.

Elle comprit alors que ce n’était pas une punition de se transformer en papillon. Mais le commencement d’une nouvelle vie, bien plus riche, bien plus belle, auprès de tous ceux qu’elle chérissait profondément et qui l’aimaient tendrement.

 

 

Alexandra Urfer Jungen