Les chrétiens qui croient en la réincarnation
En Europe et aux Etats-Unis entre 20 et 27% de la population croit en la réincarnation.
Aux USA, un Chrétien sur cinq a cette croyance et une enquête de 1990 du CNRS (dont les résultats peuvent certainement être majorés) a montré pour sa part que 27 % des Catholiques français croyaient en la réincarnation, soit 4 % de plus que la moyenne nationale. Élément très étonnant : plus on est chrétien, plus on croit en la réincarnation ! Ainsi 36 % des Catholiques qui ont une « grande confiance dans l’Église » affirment y croire, alors qu’ils ne sont que 19 % de ceux n’ayant pas une grande confiance dans l’Église. Autre paradoxe : 53 % des Français catholiques qui croient en la résurrection croient aussi en la réincarnation. En Suisse, les chiffres sont également élevés, puisque, 40% des Chrétiens croient en la réincarnation.
Ces résultats sont très interpellants. Beaucoup s’énervent face à une perte des valeurs chrétiennes et à un syncrétisme (1) galopant qui met notamment en avant une auto-rédemption, puisque l’être humain se sauve lui-même à force d’existences terrestres. D’autres sont atterrés face à ce qu’ils estiment être une mauvaise compréhension de leurs ouailles qui confondent résurrection et réincarnation.
Les prédications de certains prêtres ou pasteurs présentant un Dieu particulièrement sévère et prompt à envoyer ses « enfants » en Enfer a certainement terrorisé bien des paroissiens. Croire en la réincarnation a pu aider certains d’entre eux à mener une existence plus paisible et sereine. Un effet de mode pour les philosophies orientales a également pu susciter un engouement pour l’existence des vies antérieures.
On peut cependant se demander si la foi en la réincarnation chez les Chrétiens les plus croyants n’est pas également liée au fait d’avoir vécu des expériences spirituelles. Il n’est pas rare, en effet, que l’expérienceur soit amené à découvrir ses vies antérieures à cette occasion. Il est aussi possible qu’un certain nombre de croyants se soit penché sur les recherches scientifiques menées sur la réincarnation. Le fait que celles-ci tendent vers une validation de cette croyance a sans doute aussi pu les influencer.
Les fondements de la condamnation chrétienne
Le principe de réincarnation est clairement édicté aujourd’hui comme étant contraire à la foi chrétienne, voire comme une menace à cette même foi.
Pourquoi ? Parce que selon les Églises chrétiennes, la foi se base sur la confiance en un Dieu d’Amour et en la résurrection du Christ. Pour les Chrétiens, Dieu ne demande pas aux êtres humains d’être parfaits, ce qui exclut la notion de karma. La vision selon laquelle il faut expier ses fautes dans une prochaine vie ou au contraire bénéficier d’une rétribution pour ses bonnes actions n’a ainsi aucun sens pour le Chrétien qui refuse toute forme de marchandage. Jésus a révélé un Dieu fondamentalement bon et sauveur qui offre un pardon gratuit ! Bref, chacun est aimé tel qu’il est avec ses qualités et ses défauts. Pas besoin de s’incarner un nombre incalculable de fois pour être admis au Ciel. Nous n’avons qu’une seule et unique existence qui débouche ensuite sur une destinée éternelle. C’est une vision assurément libératrice.
De plus, comme le Chrétien n’a qu’une seule existence, il est appelé à vivre et à habiter pleinement chaque instant passé sur Terre. Il est quelqu’un de pleinement responsable dont la présence permet l’accomplissement de l’Histoire en Dieu.
Résurrection et réincarnation
L’autre élément fondamental de la foi chrétienne est la croyance en la résurrection. En premier lieu celle du Christ après sa crucifixion avec sa réapparition auprès des apôtres jusqu’à son départ physique définitif durant l’Ascension. On relève que le corps du Christ est alors glorifié : c’est-à-dire qu’il apparaît lumineux et qu’il peut à loisir être incarné (on peut le toucher) ou alors désincarné (il peut apparaître et disparaître à volonté dans des pièces fermées).
L’espérance de chaque Chrétien est de pouvoir lui aussi connaître la résurrection. Celle-ci lui est promise à la Fin des Temps. Les textes parlent alors d’une résurrection de la chair dans un monde sans péché, sans douleur et où la mort est absente. Un monde dans lequel le Chrétien a la certitude d’être à son tour transfiguré à la fois dans son corps et dans son âme.
La foi en la résurrection n’a ainsi rien à voir avec la réincarnation qui est pour sa part la venue régulière de l’âme sur Terre dans un corps normal durant une période historique qui n’a rien de particulier.
Refus d’encourager ceux qui croient en la réincarnation pour de mauvaises raisons
Le christianisme s’insurge également contre une croyance en la réincarnation qui peut se faire pour de très mauvaises raisons. En premier lieu, celle de s’accrocher à la perspective d’une autre existence qui nous donnerait par la suite ce que nous n’avons pas pu obtenir jusque-là (santé, amour, argent, etc.) et nous fait oublier le sens de notre incarnation actuelle.
Mais c’est certainement une peur très généralisée de la mort qui explique le besoin de se raccrocher en l’espérance d’une nouvelle vie pour soi-même ou le proche aimé. La mort n’est plus une fin brutale et on a l’espoir de se retrouver dans une autre vie. Il est clair que les occidentaux souffrent dans ce cas de la vision matérialiste du monde qui leur est enseignée depuis la plus petite enfance. La croyance en la réincarnation permet de se rassurer en se disant que la mort n’est qu’un sale moment à passer. C’est évidemment une fausse raison de s’appuyer sur cette foi.
Enfin pour un certain pourcentage de la population, croire en la réincarnation permet d’avoir un très grand recul sur la vie : il n’y a pas à se stresser pour arriver à des résultats, en particulier spirituels, puisque nous avons beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps devant nous pour y parvenir. Là aussi la foi en la réincarnation n’amène rien à l’individu. Elle a même un aspect infantilisant en faisant entendre qu’il est toujours possible de corriger sa copie. Le Chrétien a une approche plus adulte en ayant intégré que ses choix sont définitifs.
On peut donc dire que, dans son interprétation actuelle, le christianisme rejette globalement la réincarnation pour de bonnes raisons, puisque cette conviction est portée par une confiance en l’Amour de Dieu. Le Chrétien sait qu’il sera toujours accueilli dans l’Au-Delà malgré ses imperfections, ce qui est assurément un soulagement.
Mais il faut être conscient que le rejet de la réincarnation est le fruit de décisions théologiques. L’histoire de l’Église jusqu’au IVe siècle montre des positions bien plus contrastées que celles ayant cours aujourd’hui avec la présence alors de mouvances qui acceptaient le fait qu’on puisse s’incarner plusieurs fois dans un corps de chair.
Alexandra Urfer Jungen
Pour en savoir plus: découvrez la page : Histoire du concept de réincarnation dans la chrétienté.
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1. Combinaison de doctrines initialement incompatibles.
Sources:
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John Bowker, Le grand livre de la Bible, Larousse, Cerf, 1999
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Etienne Charpentier, Pour lire le nouveau Testament, Cerf, 1982
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Michael D. Coogan, Les grandes religions, Larousse, 1999
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Philip Wilkinson et Douglas Charing, Encyclopédie des religions du monde, Editions Mondo, 2004
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Jean-Marc Prieur, Apocryphes chrétiens, Un regard inattendu sur le christianisme ancien, Editions du Moulin, 1995
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« Réincarnation, l’hypothèse qui dérange », http://www.top-philo.fr/reincarnation-hypothese-qui-derange-partie-1.php, http://www.top-philo.fr/reincarnation-hypothese-qui-derange-partie-2.php
-
« La réincarnation dans la Bible », file:///D:/Documents%20synchronises/Mes%20documents/Appel%20du%20Large/Articles/La_Reincarnation_dans_la_Bible.pdf
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« Le concile de Constantinople », http://users.skynet.be/am012324/studium/rigolot/PATRSTIMpp91-98.htm
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« Les valeurs en France », file:///C:/Users/alexa/AppData/Local/Temp/donsoc02k.pdf
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« Un quart des Suisses croient en la réincarnation », file:///D:/Documents%20synchronises/Mes%20documents/Appel%20du%20Large/Articles/Science%20et%20foi/LHEBDO_La_reincarnation_mars2016.pdf
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« Pratiques et croyances religieuses et spirituelles en Suisse », file:///D:/Documents%20synchronises/Mes%20documents/Appel%20du%20Large/Articles/Science%20et%20foi/1612-1400.pdf
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« La religiosité des chrétiens en Suisse et l’importance des Eglises dans la société actuelle », file:///D:/Documents%20synchronises/Mes%20documents/Appel%20du%20Large/Articles/Science%20et%20foi/NFP58_Themenheft04_FR.pdf