25. Le voyage aux USA

 

En 2018, Samantha a ses mémoires incarnées comme désincarnées plus claires que jamais. Toute son existence d’âme remonte à la surface. A ses yeux, cela fait partie d’un processus qui l’amènera à aider beaucoup de personnes dans le futur et mes incitations à se focaliser sur le moment présent n’ont aucun effet face à cette évidence du cœur.

 

Décès de l’ancienne maman

Forcément les souvenirs de Brooklyn sont encore plus vivaces, ce d’autant plus qu’elle est très secouée après avoir assisté littéralement en direct à la mort de son ancienne maman au mois d’août. Une nuit, elle se sent soudainement projetée dans une chambre d’hôpital au moment-même où son ancienne maman semble marmonner son nom (mais elle n’a pas entendu duquel il s’agissait). Samantha reconnait tout de suite sa génitrice, mais elle est très choquée de la voir très amaigrie avec « un monstre bandage sur la tête et des tuyaux partout ». Elle sait immédiatement qu’elle a un cancer dans le lobe frontal qui s’est généralisé et elle en est tellement bouleversée qu’elle est en pleurs et vient nous réveiller, Claude et moi. Notre fille semble alors suivre en direct le moniteur cardiaque de l’hôpital aux USA et elle dit l’entendre distinctement. Sa conscience navigue à ce moment-là entre deux lieux, réussissant à les capter ensemble en même temps. Soudain, à 4h25 du matin, ma cadette s’écroule en larmes : le cœur de son ancienne maman s’est tu. Elle sait que c’est fini. « Je l’ai sentie passer de l’Autre Côté. C’est douloureux, même si je sais que c’est bien pour elle ».

Vingt minutes plus tard environ, je sens des présences à la maison et Samantha m’affirme que ce sont son papa et sa maman d’avant qui ont fait le déplacement. A ce moment-là, elle a une longue discussion avec eux, mais le temps pour Claude et moi nous semble plus court que ce qu’elle nous décrit. Sans doute, se sont-ils rencontrés dans l’Entre-Monde à la temporalité différente de la nôtre. A cette occasion, ma fille a de nombreuses informations sur ce qu’il s’est passé depuis son décès et elle est rassurée de savoir que son ancien mari et sa fille vont bien.

 

Aller sur place

Malgré les nouvelles rassurantes sur ses proches, nous constatons que Samantha peine à prendre de la distance par rapport à cette existence new-yorkaise. Elle est toujours connectée à elle. Les notes à l’école baissent. Fortement encouragés par Laura qui se propose de garder notre « ménagerie » en notre absence, nous décidons d’organiser un voyage aux Etats-Unis. Sylvie Déthiollaz et Claude Charles Fourrier ne sont pas très chaud. Ils pensent que cela va réactiver une page qui doit être tournée. Mais Laura et moi sommes intimement persuadées que ce voyage est essentiel. J’espère en fait que le déplacement aux USA pourra aider Samantha, comme aller sur le lieu de ses souvenirs de vie antérieure a aidé James Leiniger, cet enfant en état de stress post-traumatique qui se souvenait avoir été un pilote américain crashé en mer durant la Deuxième Guerre Mondiale.

Au-delà, je sens viscéralement que c’est le dernier moment pour le faire. Ça fait un moment que je suis certaine, sans raison objective, qu’au-delà de 2019, il sera très difficile de voyager. J’ignore alors totalement pourquoi, mais, pour moi, c’est clairement une date limite pour effectuer notre pèlerinage.

Nous décidons de partir durant les vacances de Pâques 2019. J’ai la confirmation que mon choix est le bon en entendant Samantha dire à ma sœur qu’elle fera tout son possible pour aller un jour à New York avant que nous lui annoncions la nouvelle de notre futur séjour outre-atlantique.

Noël 2018, nous offrons notre cadeau sous forme d’un carnet de voyage avec dedans le programme de nos vacances aux États-Unis. Nous nous rendrons également à Denver. Claude souhaite par-dessus tout voir les Grandes Plaines et les Rocheuses qui l’émeuvent tellement. J’aurais préféré aller dans le Montana qui correspond plus à ses « visions », mais nous n’en avons malheureusement ni le temps, ni l’argent.

Samantha est en larmes en découvrant que nous allons aller aux USA en avril et elle nous saute de plus belle dans les bras en réalisant que l’objectif premier est d’aller à Brooklyn sur les traces de ses souvenirs. Elle nous redit à quel point c’est important pour elle de confronter la masse d’images qu’elle a dans la tête avec la réalité. Elle a besoin de voir les choses de ses propres yeux, de sentir les odeurs, d’avoir les goûts locaux pour se rassurer. Google Map est aidant, mais ne fait pas tout.

 

Le voyage à Brooklyn

Nous partons le 15 avril 2019. C’est notre premier voyage en avion pour Claude et moi après 28 ans de vie commune et le baptême de l’air pour Samantha qui piétine. Je lui dis : « Tu attends ça depuis longtemps ! » et là, elle me répond : « Depuis ma mort, peut-être ! ».

Lorsque nous survolons les côtes américaines. Samantha voit s’inscrire le nom de Boston sur l’écran qui nous permet de suivre l’avancement de notre voyage. Elle a le sentiment d’être déjà allée à cet endroit. Je n’y prête pas beaucoup d’attention jusqu’à ce que le pilote nous annonce que le vol doit malheureusement être dérouté. Nous devons justement atterrir à Boston. En phase finale d’atterrissage, à quelques mètres du sol, Samantha tombe en pleurs. L’émotion est très forte. Elle reconnaît les lieux. Elle est absolument certaine d’être venue là quand elle était enfant durant son autre vie. Il n’y a aucun doute pour elle. C’est une première preuve que tout ça, toutes ces images qui l’assaillent depuis toute petite, ne sont pas dans sa tête.

Quelques heures plus tard, nous atterrissons enfin à New-York. Samantha a des larmes aux yeux. On est dans Sa ville ! Pendant le trajet qui nous emmène à notre appartement, elle est cependant à la fois heureuse et perplexe : « J’ai l’impression d’être retournée à la maison, mais aussi sur « Planète Débile » [elle fait référence au film américain « Idiocraty » du réalisateur Mike Judge] ! Il y a tellement plus de choses que quand je suis partie : il y a des fast-foods de partout, des panneaux de partout, des déchets, des tags… ».

Dans le logement que nous avons loué, elle furète partout. Elle me montre avec insistance le loquet sur la porte avec la petite chaîne. Quand elle était petite, elle ne cessait pas de me demander pourquoi on n’avait pas ça à la maison. C’était une véritable obsession ! Puis soudain, des coups de klaxon à l’extérieur. Samantha s’exclame : « ça, ça m’avait manqué ! Je connais ça ! ».

 

Visite à Brooklyn Heights

Le lendemain, nous pouvons enfin nous rendre à Brooklyn Heights, le quartier dans lequel elle avait son emploi selon nos recherches. Plus nous nous approchons des lieux et plus je vois Samantha se détendre. Elle reconnaît l’endroit et murmure : « C’est chez moi ! ». A la descente de bus, Samantha, qui est handicapée du pied droit et a un ovaire enflammé, avance si vite que nous avons de la peine à la suivre. Elle trace littéralement jusqu’à son ancien lieu professionnel : le Palais de Justice. Elle nous dira plus tard que c’était comme si son ancien corps était réapparu dans ce lieu : elle marche comme elle marchait alors pour rejoindre son travail. Le soir, lorsque nous regarderons ensemble les quelques images prises à ce moment-là, elle nous révèlera combien elle est perturbée : elle ne se reconnaît pas sur les images. C’est comme si elle regardait une inconnue. Cela ne peut pas être ce corps-là qui est à cet endroit !

Nous passons devant le bâtiment pour longer ensuite le Brooklyn Bridge Blvd. Samantha nous explique qu’elle entrait dans l’immeuble avec ses collègues des niveaux du bas par une porte qui se trouve sur la gauche. Quand elle nous donne cette explication, nous ne voyons encore rien. En passant devant le renfoncement, nous réalisons que la porte dont elle nous a parlé est tellement bien camouflée (identique au reste du mur) que si Samantha n’avait rien dit, nous ne l’aurions pas vue. Nous sommes littéralement bluffés.

Nous continuons sur la rue jusqu’à un très joli parc à l’arrière du bâtiment. Nous décidons de nous arrêter quelques minutes. Samantha nous explique, heureuse, qu’elle venait régulièrement pique-niquer là avec ses collègues. Elle répète : « C’est chez moi ». Elle est rassurée de constater que toutes les images qui l’envahissaient depuis l’enfance ne sont pas dûes à son imagination. Mais elle a tout de même de la peine à reconnaître certains lieux qui ont beaucoup changé selon elle, en particulier la rue principale Adams Street/Brooklyn Bridge Blvd qui semble avoir bénéficié de certaines rénovations. Ce n’est pas le cas de nombreux restaurants qui sont toujours là et elle ne manque pas de nous donner des anecdotes à leurs sujets. Elle reconnaît aussi sans peine la Brooklyn Law School que nous ne pouvons malheureusement pas visiter.

Nous continuons encore jusqu’à l’école d’Elisabeth devenue depuis peu une Église. Elle se souviendra sur place que sa fille n’était pas restée tout le long au même étage, passant du rez au premier durant sa scolarité.

Durant cette journée, Samantha a toutes les confirmations qu’elle attendait, mais, le soir venu, elle nous dit en même temps combien elle est dégoûtée par tous les changements qu’elle a observés : l’état de décrépitude de la ville, les déchets, l’ambiance, l’énergie très lourde des lieux. « Je suis dégoûtée. Totalement dégoûtée ! Avant Brooklyn, ça me tirait des étoiles dans les yeux. C’était Ma Ville ! Mais aujourd’hui… Je n’aurais pas voulu qu’Elisabeth grandisse dans un lieu comme ça ! ». Plus tard, elle nous avouera : « Je comprends pourquoi je suis née en Suisse ! ». Elle qui me confiait avant le voyage qu’elle souhaitait s’installer plus tard quelques temps à Brooklyn réalise qu’elle n’a désormais plus du tout envie de passer la moindre minute supplémentaire en ce lieu. Elle ne souhaite même pas retourner dans le parc près de son ancien travail où elle s’est sentie si bien.

 

Pérégrinations à West Midwood

Le lendemain, nous irons tout de même visiter West Midwood où Samantha pense qu’il y a son ancienne maison. Elle a le sentiment de connaître le quartier sans que cela apparaisse néanmoins totalement clair. Lorsque nous arrivons vers la 19e. Samantha s’arrête un moment devant la première maison au bord du chemin. Elle lui rappelle clairement quelque chose, comme un jalon menant jusqu’à chez elle. Mais rien n’est précis. Tout a trop changé. Ses repères ont disparu. La population elle aussi n’est plus la même. Les « trottoirs » sont défoncés en plusieurs endroits par les racines des arbres. Parfois, les dalles se soulèvent de plus de 10 centimètres. Plusieurs maisons ont souffert. Ce n’est pas le quartier riche et très bien entretenu que j’imaginais et que m’avait décrit Samantha.

Nous entrons aussi dans la pharmacie voisine que Samantha a reconnue sur Google Map et qui nous a permis de localiser la rue. Par une chance extraordinaire, le patron parle couramment le français. Je lui demande si avant d’être une pharmacie les lieux étaient une épicerie. Il me répond que non. Cela fait bien 45 ans que le bâtiment accueille une pharmacie. Je suis un peu déçue : Samantha m’avait assurée, quand nous avions repéré ce bâtiment en Suisse, que c’était une épicerie quand elle vivait avant dans le quartier. Je fais part à ma fille de ce décalage entre ses dires et les faits. Elle me demande alors de mieux observer ce qui nous entoure : oui, on y vend des médicaments et du paramédical, mais aussi de la papeterie, des snacks, des boissons, des produits de nettoyages, des sous-vêtements et j’en passe. Pour un enfant suisse, ce lieu ne peut décemment pas être appelé une « pharmacie ». Elle avait trouvé le mot qui correspondait au plus près à l’image qu’elle avait en tête.

Nous tournons beaucoup dans le secteur, mais rien ne fait tilt. Samantha désespère : « C’est comme marcher le long de ta rue et que tu ne trouves jamais ta maison ! ». Mais tout au bout de la fameuse 19e, Samantha s’arrête soudain très longuement devant une bâtisse. Elle est quasiment certaine qu’elle habitait-là durant son ancienne existence. Malheureusement, les noms des habitants ne sont pas ceux que nous attendons. La maison a sans doute été vendue après sa mort.

A notre retour à l’appartement, Samantha nous confie être définitivement dégoûtée par le Brooklyn qu’elle découvre durant ce voyage. La page est définitivement tournée. Elle refuse d’aller plus loin dans les recherches. Elle a obtenu les confirmations qu’elle attendait. De son point de vue, pas besoin d’en voir plus. Moi qui craignais que le séjour new-yorkais soit trop court, je m’aperçois qu’il est presque trop long.

 

Connaissance incroyable des produits américains

Ce qui nous marquera beaucoup, Claude et moi, durant ce voyage, c’est la connaissance incroyable que Samantha a des produits alimentaires américains introuvables en Suisse et en France. Elle nous décrit les formes, les couleurs et les goûts avant que les emballages ne soient ouverts, y ajoutant en prime moult anecdotes comme avec ces barres de riz soufflé aux marshmallows : « C’est ce qu’on donne à tous les enfants pendant la récréation ! ». Plus tard, elle examine des chips et me dit : « Celles-là, j’en ai déjà goûté : elles sont bonnes ». Elle s’arrête deux secondes, puis s’interroge : « D’où je sais ça, moi ? ». Elle s’extasie soudain devant un snack : « Ils font toujours ça ! ». Elle ouvre son paquet de « Cheetos Crunchy », des sortes de petites chips soufflées torsadées au paprika et autres ingrédients. « Ça me rappelle trop ma grossesse ! Au deuxième trimestre, c’était matin, midi et soir. On pouvait me suivre avec les traces rouges [ce qui restait sur les doigts après avoir mangé cette sorte de chips] que je laissais derrière moi. C’est là que j’ai appris que le gras [de ces cheetos], ça laisse des traces difficilement lavables ! »

Je réalise combien la « nourriture » est porteuse de souvenirs qui traversent le temps. Samantha me dit : « Ça fait plaisir de retrouver les bonbons de mon enfance. Les bonbons et les chips, c’est la vie ! ». Quelle étrange expression qui révèle néanmoins que notre mémoire garde bien au-delà de notre existence le goût des aliments appréciés. Proust avait bien raison avec ses madeleines. Dans tous les magasins que nous visitons durant le voyage, nous constatons chaque fois avec étonnement combien Samantha reconnaît ce qu’il y a sur les étalages.

Je suis particulièrement marquée durant de ce voyage par l’évolution dans l’attitude de Claude : il parle naturellement du fait que Samantha a vécu auparavant dans ce pays. La voir nous expliquer tant de choses sur les États-Unis et sur ses produits a probablement effacé tous les doutes qu’il pouvait avoir jusqu’alors et lui a permis d’intégrer que notre fille a vraiment été une adulte avant de s’incarner chez nous.

Au-delà, il y a aussi ces petits détails qui prennent sens avec le voyage. Par exemple, dans le Musée de la Nature et des Sciences de Denver, Samantha s’illumine soudain alors que nous examinons le plan des lieux. Elle me montre le chiffre 1 sur le rez-de-chaussée et me rappelle : « Tu te souviens que le rez-de chaussée, je disais tout le temps que c’était le premier ? Tout le temps ! Et toi tu me disais non ! Que le premier c’était au-dessus. Je ne comprenais pas pourquoi ». Claude se souvient aussi de la difficulté qu’avait Samantha à intégrer la notion de rez-de-chaussée. Nous réalisons enfin dans ce musée pourquoi Samantha mettait autant d’obstination lorsqu’elle était petite à indiquer les étages dans un ordre différent du nôtre. Il y a tellement de choses qui prennent du sens avec ce voyage !

 

Médiumnité en action

Ce n’est pas parce que nous sommes aux USA que la médiumnité de Samantha s’arrête. Alors qu’il est très tôt le matin à l’aéroport de Denver pour notre retour à New-York, elle nous informe qu’il y a plein d’employés désincarnés présents dans les couloirs déserts. Apparemment des personnes qui sont passées de l’Autre Côté, mais qui aimaient tellement leur travail qu’elles reviennent régulièrement à l’aéroport.

Un petit peu plus tard, lorsque nous montons dans l’avion, Claude s’inquiète sérieusement en découvrant le type de l’engin : un Boeing 737. N’est-ce pas celui qui est en cause dans plusieurs accidents durant les dernières semaines ? (En fait ce n’est pas exactement le même modèle que l’appareil dans lequel nous nous trouvons). Samantha hausse les épaules, blasée : « Aucun risque, ce n’est pas prévu que nous mourrions tout de suite. On a encore trop de choses à faire ! ».

Durant le vol, il y a autour de nous une classe en voyage d’étude. Ils doivent avoir sensiblement le même âge que ma fille et sont étonnamment calmes à mes yeux en regard de ce que j’ai vécu dans la même situation dans mes jeunes années ! Samantha me dira pourtant que le vol était épuisant, tant il était bruyant. Elle a d’ailleurs fini par se recroqueviller contre le hublot en se cachant dans le gros coussin qu’elle emporte toujours avec elle. Elle m’explique alors que les élèves n’étaient pas seuls : familles, amis et autres connaissances décédées les accompagnaient et eux ne se donnaient pas la peine de garder le silence pour ne pas importuner les autres passagers !

 

Une page se tourne

Durant la descente de l’avion sur New-York, Samantha ferme le volet de sa fenêtre et essaie de continuer à dormir. Elle qui avait si hâte de voir sa ville de haut à notre arrivée n’est plus du tout intéressée. La sortie de l’avion jusqu’au taxi se fait en dix minutes grâce à notre pousseur de chaise. L’avantage de voyager avec une jeune handicapée. Alors que Samantha attend de pouvoir monter dans le véhicule, elle me dit : « Denver me manque déjà ! ». Décidément, elle est vraiment passée de l’amour à la haine pour sa ville.

A l’hôtel, ma fille n’est vraiment pas en grande forme. Elle est incapable de se lever pour aller prendre le petit-déjeuner, mais au-delà, elle est dans un refus catégorique de se promener une fois de plus dans les rues de New-York. Elle est dans « La dépression/La Tristesse », roulée en boule dans son lit. Elle ne le quittera pas. Claude et moi allons faire quelques achats pour notre souper. Nous achetons aussi un grand paquet de gobelets de gelées de fruits. Un clin d’œil à notre malade. A notre retour, Samantha me répète une fois encore : « Vivement la Suisse ! ». Elle a vraiment hâte de rentrer. Je lui fais remarquer qu’à la base, je craignais que le séjour sur New-York soit trop court. Elle me répond : « Je pensais aussi que ça ferait trop court, mais j’ai qu’une envie : dégager d’ici ! ».

 

Ground zéro

Le lendemain, après nous être assurés que Samantha est suffisamment bien, nous partons Claude et moi en métro en direction du World Trade Center. Le trajet dure près de 50 minutes. Nous arrivons enfin et nous rendons au mémorial des victimes du 11 septembre. Ce grand carré noir dans lequel se trouve un autre carré dans lequel s’engouffre de l’eau est sinistre. Claude me dit : « On dirait qu’on envoie les âmes des gens en enfer ! ». Je trouve moi aussi l’ensemble très glauque.

L’endroit est surtout très chargé. Claude et moi en avons la chair de poule et les larmes aux yeux. Un immense égrégore s’est clairement développé ici. Il nous prend littéralement à la gorge. Je soupçonne aussi qu’il y a ici la présence de nombreux êtres négatifs en plus des désincarnés. Lorsque nous téléphonerons à Laura le lendemain, ce que nous disons ne l’étonnera pas. Elle nous dira qu’elle a eu un rapport des « gardes-du-corps » qu’elle a envoyés pour veiller sur nous durant le voyage. Ils lui ont transmis que l’endroit était particulièrement malsain.

 

Retour en Suisse

Nous devons quitter l’hôtel à 11h alors que notre avion pour la Suisse ne décolle qu’à 18h10. Mais l’état de santé de Samantha et son refus de mettre un pied dans la ville ne nous permettent pas de faire quoi que ce soit. Nous sommes contraints d’aller au JFK Airport.

L’attente est longue, très longue ! Nous allons dans le seul et unique endroit avec des places assises : un petit restaurant que nous squattons jusqu’à ce que la serveuse nous mette dehors. Samantha nous rappellera une fois encore quelque chose qui la choquait en Suisse quand elle était petite : elle nous demandait toujours pourquoi il n’y avait pas de ketchup et de moutarde sur la table des restaurants !

Samantha me rappelle aussi ce qu’elle m’a dit depuis déjà un bon moment : il n’est pas encore temps qu’elle retrouve John et Elisabeth. Mais elle est convaincue qu’elle les reverra un jour, dans un avenir qu’elle ne peut pas encore situer. Pour aujourd’hui, « Elisabeth ne comprendrait pas que sa mère soit une adolescente de 16 ans ! »

Samantha nous redira encore sa hâte de rentrer en Suisse. Ce voyage aura au moins eu l’avantage de donner du sens à son incarnation dans notre pays. Elle redécouvre d’un œil neuf la beauté et les avantages de vivre dans notre pays.

Au final, l’objectif qui était de permettre à Samantha d’intégrer son ancienne incarnation pour mieux vivre la nouvelle est atteint. Nous aurions préféré que cela se fasse de manière moins violente, mais peut-être fallait-il cela pour que notre fille puisse désormais s’engager pleinement dans cette vie-ci.

Je constate aussi que Claude a totalement changé d’attitude par rapport aux récits extraordinaires que lui font ses filles. Il est désormais clair à ses yeux que Samantha a bel et bien vécu aux USA avant de s’incarner en Suisse. Il en est tellement sûr, qu’il ose en parler pour la première fois à ses parents à notre retour, alors qu’il ne voulait pas leur dire quoi que ce soit jusque-là. Il a aussi changé d’attitude par rapport à Laura. S’il était auparavant en retrait quand elle racontait sa vie de samouraï, il est désormais pleinement à l’écoute quand elle raconte certaines anecdotes du passé. Grâce à ce voyage, désormais il ne croit plus, mais il sait que ses filles ont eu d’autres vies. C’est un effet secondaire inespéré de notre séjour aux USA.

 

Alexandra Urfer Jungen

 

La suite: 26. Connexion particulière avec les pierres

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