Laura n’a pas seulement des souvenirs de vie antérieure issus du Japon. Elle a également ceux d’une existence en tant que femelle alpha dans une meute de loups.
Ces souvenirs sont très présents et ils affectaient beaucoup son comportement quand elle était enfant.
Encore aujourd’hui, elle a une relation très particulière avec les canidés : « Je me fais repérer par tous les chiens : soit ils me font des gros yeux de surprise, soit ils ont peur de moi, soit ils veulent des câlins. Je ne me suis jamais faite mordre par un chien, si ce n’est mon chien Cookie pour un test pour se sentir bien dans sa tête : savoir qu’il n’était pas l’alpha. Quasiment tous les chiens, même ceux que je ne connais pas vont me lécher sous le menton au niveau du cou en signe de soumission et se coucher à mes pieds. Un jour je vais avoir des problèmes avec les policiers, parce que leurs chiens veulent venir vers moi. »
Ce ne sont pas des paroles en l’air. A plusieurs reprises des chiens policiers viennent se coller à ses pieds, n’écoutant plus leur propriétaire. Un gendarme qui comprend tout de suite la situation la mettra en garde. Ce serait dommage qu’elle ait des soucis avec d’autres collègues moins à l’aise avec le comportement de leur animal.
Compréhension mutuelle
Laura a d’ailleurs toujours eu des relations symbiotiques avec les animaux. Elle l’a toujours dit : elle se sent plus à l’aise au milieu d’eux qu’auprès des humains.
« Au zoo de Servion, lors d’une visite avec une amie quand j’avais environ 8 ans, le tigre se frottait contre la vitre juste devant moi, comme un chat qui voudrait se frotter contre nos jambes. Il me regardait, en semblant chercher dans quel axe il pourrait avoir les meilleurs câlins. Mais je ne comprenais rien à ce qui se passait. Je me demandais vraiment ce qu’il faisait. Maintenant, je décrypte sans peine ce type de comportement. J’arrive même à comprendre les animaux que je ne côtoie pas habituellement. Depuis toute petite, je n’ai jamais eu peur des animaux, même (et surtout) très gros et impressionnants. Toute petite, je n’aimais pas beaucoup aller au zoo, parce que je sentais que les animaux n’étaient pas heureux dedans. »
Après notre arrivée à Payerne, elle reprend l’équitation. Et elle constate qu’au manège également, elle vit cette relation symbiotique avec les chevaux.
« Je montais un cheval qui s’appelait Quintolet. La première fois que je l’ai vu, je lui ai dit normalement : « Je m’excuse, je suis nulle pour le trop assis et je m’excuse d’avance si je te fais mal au dos en rebondissant trop sur ton dos ». Il m’a regardé bizarrement en mode « Quoi ? Elle me parle ? Elle n’est pas censée faire ça ! ». Quand il a vu comment j’étais, il s’est détendu et c’est là que j’ai compris qu’il devait aimer autant que moi le manège (donc pas beaucoup !). Quand je le montais, ça allait bien, sauf quand je me rapprochais des autres chevaux et cavaliers qu’il essayait de pousser (plaquer contre le mur en mode « dégage ! »). J’ai pu demander à sa cavalière s’il réagissait comme ça habituellement, elle m’a dit que non, il était très sociable. C’est là que j’ai eu le sentiment qu’il ne montrait ce qu’il était réellement qu’avec moi. Un jour, il n’avait plus son fer et il faisait semblant en me voyant que tout allait bien pour que je ne monte pas un autre cheval. Une fois, le manège était en travaux au niveau des box, une autre élève est venue me demander de l’aide pour sortir son cheval qui venait d’arriver au manège et qui avait peur des travaux. Il avait peur des étincelles d’une meuleuse. Je lui ai dit de prendre Quintolet et de le sortir pendant que je prenais son cheval. Au début, il ne voulait pas quand je l’ai tiré normalement, puis je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit qu’il n’y avait pas à s’inquiéter, j’allais me mettre du côté des étincelles et qu’il n’avait pas à avoir peur, parce que je le protégerais. Du coup, il n’y a eu aucun souci pour le sortir, si ce n’est un petit sursaut en voyant les étincelles. Je suis arrivée dans le manège et je vois l’autre élève courir après Quintolet. Il s’était échappé pour me rejoindre au manège et s’est précipité vers moi en me poussant fortement dans le dos. Il était très jaloux. Je lui ai dit : « Calme-toi ! Tu as vu la taille que fait l’autre cheval ? Il est trop petit pour moi ! ». Quintolet a regardé l’autre cheval en mode « calculateur » et après il était calmé. »
Évidemment, ce type de relation dans une complicité-partage avec l’animal n’est pas compatible avec la monte classique en manège. Le décalage est trop grand entre ses ressentis et le petit monde hippique normal. Laura n’insistera pas pour continuer l’équitation lorsque des problèmes budgétaires ne nous permettront plus de lui offrir de nouveaux cours.
Soucis en stages vétérinaires
Cette familiarité avec les animaux et cette confiance qui lui est accordée par nos « Quatre millions d’Amis » lui vaut particulièrement des soucis lorsqu’elle fait des stages comme assistante en médecine vétérinaire. Les vétérinaires n’apprécient pas cette adolescente avec qui les animaux sont trop à l’aise et qui est interrogée par les propriétaires pour avoir un deuxième avis. Comme ce jour-là :
« Je me suis encore faite mal voir par la vétérinaire. Dès qu’elle a vu que les animaux étaient à l’aise avec moi, elle m’a eue dans le nez. Une dame est venue avec un lapin. Je n’avais momentanément rien à faire et du coup, je suis allée parler avec elle, parce que je voulais aussi en avoir un. La propriétaire m’a proposé de le prendre dans les bras et il est resté très calme. La propriétaire était toute contente. Durant la consultation, la vétérinaire a voulu le prendre, mais le lapin n’arrêtait pas de bouger et il tapait de la patte arrière en signe d’inquiétude. La propriétaire du lapin a dit « Je préfère que ce soit votre stagiaire qui prenne le lapin ». La vétérinaire n’a pas apprécié du tout, mais elle me l’a laissé parce qu’elle ne voulait rien dire devant la cliente. Du coup, je l’ai gardé. Elle l’a ausculté pendant que je le tenais et à la fin, quand la cliente était en train de partir et que je nettoyais la table, la vétérinaire m’a dit que je devais rester à ma place !
C’est arrivé plusieurs fois, où le client me regarde d’un drôle d’air face à certains diagnostics bizarres faits par les vétérinaires. Les clients me demandent : « Vous pensez quoi, vous ? » et je ne pouvais rien dire parce que j’étais la stagiaire. Mais parfois, j’allais accompagner la personne qui sortait sous prétexte de l’aider et je disais souvent « c’est juste un gros rhume ou une bonne crève, comme nous on en a ».
La difficulté aussi, c’est d’être en symbiose avec l’animal dans un véritable échange multisensoriel, comme avec cette jeune chatte mourante qui lui fait cadeau de tous ses souvenirs avant de rendre l’âme. Laura en est bouleversée. Évidemment, la vétérinaire qui affirme faire de la communication animale n’a rien compris et elle croit que mon aînée ne supporte pas la vue du sang et la mort d’un animal, alors que ma fille a prouvé auparavant ses capacités dans le domaine. Mais recevoir ce type de cadeau de la part d’un animal mourant est quelque chose d’extrêmement fort.
Durant ses stages, Laura ne peut pas non plus dire devant les vétérinaires qu’elle sait à l’avance quand un animal va mourir, parce qu’il “sent la mort“. Laura a en effet un « odorat » très largement au-dessus de la moyenne. On l’a vu auparavant, elle a gardé des capacités qu’elle rapproche, selon ses souvenirs, des compétences sensorielles des loups. Elle voit littéralement les chemins suivis par les animaux : « Les pistes ont un effet de légère fumée colorée comme dans les documentaires animaliers où on essaye de montrer ce que perçoit l’animal. En fait tous mes sens vont se mettre en branle en même temps. C’est vraiment indescriptible. Rien ne va sans les autres. Je sens l’odeur, l’énergie, presque le goût. » Combien de fois m’indiquera-t-elle ces pistes laissées par des renards, des chevreuils ou des lièvres dont j’ai finalement la preuve de l’existence en découvrant leurs traces de pas dans la neige ?
Ayato
Laura a également une sorte de prescience liée peut-être à cette capacité animale. C’est flagrant quand on pense à la manière qu’elle a eue de trouver son chien à la SPA. En 2014, elle est en train de perdre l’usage de ses jambes et elle sent que seule la présence d’un chien lui permettra de recouvrer pleinement sa mobilité. Elle hésite entre avoir un petit ou un grand chien, mais il est clair qu’un grand chien est celui qui l’obligerait le plus à bouger. Elle rêve ainsi d’avoir un jeune chien, idéalement d’une race utilisée dans la police, avec des poils courts qui sèchent rapidement et la queue qui ne remonte pas en tire-bouchon. Elle veut aussi qu’il ait les oreilles pointues, que ce soit un mâle et qu’il aime si possible l’eau et soit joueur. Nous lui disons qu’un tel cahier des charges est impossible à réaliser quand on prend un animal à la SPA. On ne sait jamais quel chien se trouve là-bas. Mais un jour, elle n’arrête pas de nous presser pour nous rendre à la Société vaudoise de protection des animaux. Elle sent qu’il est primordial de passer tout de suite, ce jour-là. Nous ne sommes pas certains d’y arriver. Un employé des télécoms doit passer à la maison. Et pourtant, incroyablement, il arrive avec une grande avance et règle le problème pour lequel il est venu en quelques minutes. Nous avons désormais tout le temps nécessaire pour aller au Refuge Sainte-Catherine au-dessus de Lausanne.
Quand nous arrivons, nous avons la grande surprise d’apercevoir un malinois d’une année partir en promenade. Il correspond à toutes les demandes de Laura ! Nous demandons s’il est à donner, et comme la réponse est affirmative, nous disons notre souhait de le voir à son retour. A ce moment-là, Laura fait le tour des enclos, mais un seul chien s’intéresse réellement à elle : le jeune malinois. Nous confirmons notre choix, mais nous avons de très nombreuses mises en garde sur cette race difficile, sans oublier que ce chien a un lourd passé (il garde des traces de coups et d’une muselière en fil de fer. En outre, il a très peur des hommes). On nous propose de faire une promenade d’essai, puis de bien réfléchir une nuit avant de nous engager. Nous partons donc faire quelques pas avec lui et ne constatons qu’une seule grosse difficulté : le chien refuse de revenir à la SPA. Quand nous arrivons enfin, il se cache littéralement derrière Laura au moment où nous devons le rendre pour aller dans son box. Malgré l’heure tardive, le personnel propose de faire immédiatement l’adoption sans passer par la case « réflexion ». Il est évident que le chien refuse de quitter Laura. Quant à Claude et à moi, nous n’avons aucun doute sur le fait que ce chien est destiné à notre fille. Surtout lorsque nous avons connaissance de son nom : « Japon » ! Aujourd’hui, il est renommé Ayato, du nom d’un ami japonais cher au cœur de Laura et notre fille a, grâce à lui, retrouvé l’usage de ses jambes.
Les esprits des animaux décédés
Laura n’a pas seulement la capacité d’être proche des animaux vivants. Elle l’est également des animaux décédés. Elle perçoit pratiquement en permanence la présence de notre chien Coockie à ses côtés depuis qu’il nous a quittés et elle sait qu’il attend qu’elle puisse reprendre un chien (ou un ours !) pour se réincarner à nouveau. Un jour, il est même venu dans l’un de ses rêves pour qu’elle puisse vraiment le caresser et jouer avec. Lui par contre peut se serrer contre elle et la sentir, puisque Laura ne peut pas être traversée par les esprits. Il y a aussi aux côtés de ma fille notre chatte Mélusine qui est née à notre domicile à notre retour d’hôpital, juste après la naissance de Laura. Et encore le cheval qu’avait Shizaki, un animal qui peut parfois se révéler un peu envahissant en collant sa tête contre le visage de ma fille.
Laura constate que beaucoup d’animaux décédés cherchent à la rejoindre : chiens, chats, évidemment, mais aussi d’autres bien plus particuliers. Un ours vient souvent dormir avec elle et elle se souvient d’une baleine venue lui rendre visite ! « J’ai même eu des animaux préhistoriques : un tigre à dents de sabres ! Il sautait partout. Je me disais : il a mangé une balle magique, lui ! Il m’empêchait de dormir ! ». Ils aiment se blottir contre Laura une fois décédés, comme cette moinelle qui était venue se coller contre son cou. « J’ai la caractéristique d’être totalement tangible pour les esprits. Je ne ressens rien, mais eux oui. Les animaux viennent beaucoup contre moi. Ils sont nombreux à mourir seuls et ils ont souvent besoin d’un dernier contact d’être vivant avant de passer de l’Autre Côté. Avec moi, ils vont tout ressentir comme s’ils étaient encore vivants. J’en attire vraiment beaucoup qui viennent se blottir contre moi. Heureusement qu’ils ne prennent pas la place qu’ils avaient vivants : j’ai même eu un élan, un ours et une baleine préhistorique ! Que personne ne pète, sinon la caravane [où j’habite de temps en temps] explose !”
Alexandra Urfer Jungen
La suite: 19. Vivre au milieu des esprits