L'APPEL DU LARGE
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La petite chatte qui voulait tellement mourir
La petite chatte qui voulait tellement mourir



Cette histoire est particulière, car elle n'a pas été inventée. C'est le récit que m'en a fait ma fille aînée, Laura, suite à un stage dans un cabinet vétérinaire. L'aventure l'avait, et m'avait aussi, tellement bouleversée que le besoin de la mettre par écrit était très forte. Un hommage aussi à la toute jeune chatte qui a vécu trois jours de calvaire avant de pouvoir rejoindre un monde meilleur.    








La petite chatte qui voulait tellement mourir


La jeune fille prit avec douceur la jeune chatte tricolore dans ses bras en faisant l’impossible pour ne pas modifier sa position. Tout le pelage du haut de sa cuisse gauche avait été arraché et on devinait une balafre sur le ventre.

Elle ressentit soudain plus qu’elle n’entendit le message :

« Je t’en prie, ne m’enferme pas. Je suis une chatte d’extérieur ».

Alors, la jeune fille la déposa délicatement dans un carton, sur une couverture chaude et moelleuse. Elle fut rapidement rappelée à l’ordre par la vétérinaire : « On ne laisse pas un animal, même mourant, même blessé à ne plus pouvoir bouger, en liberté ». La tristesse s’empara de la jeune fille. Que pouvait-elle faire ?

« Ce n’est pas grave », entendit-elle distinctement, alors qu’elle était obligée de déposer la chatte dans une cage. 

La jeune fille savait que la chatte ne pourrait pas être soignée. Son odorat au-dessus de la moyenne le lui avait indiqué. L’animal sentait la mort.

Un sentiment d’injustice l’envahit. La jolie féline tricolore avait quoi ? Quatre mois ? Pourquoi si jeune ?

Quand la jeune chatte fut installée un peu plus tard sur la table de consultation, la jeune fille eut conscience de l’intolérable douleur de l’animal lorsqu’on le mit sur le dos pour mieux l’examiner. L’immense coupure sur son ventre s’était rouverte sur tout le côté gauche. On voyait maintenant une partie de ses boyaux à l’air. Elle ne pourrait pas s’en sortir et ne le désirait pas. De toute façon, la chatte n’avait pas de propriétaire. Personne ne paierait une opération longue, coûteuse et compliquée.

La petite chatte avait conscience qu’enfin, elle allait partir. Mais elle voulait offrir le cadeau pour qu’on ne l’oublie pas. Pour que son passage si court sur terre laisse une trace. Au moment où l’on préparait l’injection létale, elle croisa le regard de la jeune fille. C’est à cette humaine-là qu’elle donnerait son cadeau. Elle la fixa dans les yeux et la jeune fille eut un choc. Elle fut submergée par deux émotions d’une force incommensurable. Un très violent désir de mort et un sentiment de bonheur intense. La jeune fille ne put résister. Elle quitta la pièce en pleurant.

Elle découvrit durant l’heure qui suivit que la chatte lui avait offert sa vie. Le film de sa vie. Elle fut chatte. Elle but avec délectation la première gorgée de lait, juste après sa naissance. Elle entendit le soulagement de sa maman tricolore que ses trois frères soient tigrés. Ce serait bien plus facile pour eux de se camoufler durant l’hiver. Elle pesta durant son premier cours de chasse, parce que la souris qu’avait apportée sa mère était rousse, presque invisible sur la terre rouge du sol. Elle rit de ses jeux avec ses frères. Sa maman, si aimante, avait annoncé à ses petits qu’elle était prête à les garder auprès d’elle durant l’hiver. Plus jeune, elle les aurait fait partir, mais plus maintenant. Ils vivaient déjà dans une immense grange dans laquelle ils étaient tranquilles. Ils passeraient l’hiver à l’abri en ce lieu qui aurait pu sembler aussi haut que la Tour Effel et immense qu’une palais des expositions à un humain.

La jeune chatte avait été heureuse, jusqu’à ce jour maudit où, prise par sa chasse, elle n’avait pas réalisé qu’elle avait pénétré dans le territoire dangereux. Sa maman lui avait expliqué de ne pas aller dans les hautes herbes. Les humains les fauchaient pour nourrir leurs vaches. Mais il était trop tard. Elle avait enfoncé sa patte dans un trou de souris et il y avait eu un éboulement. Un caillou lui avait coincé la patte. Elle ne pouvait pas s’enfuir. Au loin, elle avait vu la faucheuse arriver. Elle savait qu’elle ne s’en sortirait pas vivante. Elle pensa qu’elle aurait la tête coupée.

Et puis la douleur intolérable en même temps que la surprise de ne pas être morte sur le coup. Une douleur si intense que seul reste le désir de mort. Le désir de disparaître. Deux heures insupportables, et puis, la douleur s’efface, si forte, que le cerveau l’évapore pour éviter la folie. Pourtant. La petite chatte ne cesse d’inventer des scénarios pour mourir. Que faire ? Sauter d’un arbre et se jeter en bas sans chercher à se rattraper, ni se retourner. Impossible. Il faudrait pouvoir bouger. Elle souhaite un moment qu’un renard ou même des souris viendront. Etre mangée vivante serait toujours préférable à cette souffrance. Et à chaque seconde, elle espère que sa mère finira par la retrouver. Que celle qui lui avait donné la vie, viendra la délivrer en lui donnant la mort.

Au bout de trois jours, c’est finalement un humain qui la découvre. Il la prend délicatement. Elle sait que c’est bientôt la fin de son calvaire. Il est très doux. Il la pose sur ses genoux pour la conduire chez la vétérinaire qu’il a tout de suite appelée et la petite chatte est heureuse d’avoir ce contact physique avec l’humain. Elle regrette que sa mère ne l’ait pas trouvée avant lui, mais elle lui est infiniment reconnaissante qu’il accepte de l’aider à mettre fin à ses souffrances.

Elle regarde maintenant la jeune fille « J’ai été heureuse durant ma vie, mais j’aurais tellement aimé que ma mère soit au courant de ma mort. Elle doit me chercher partout ».

La jeune fille a entendu et elle pense en direction de la chatte :

« Va voir ta mère avant de partir de l’Autre Côté ».

Une dernière pensée de la chatte en direction de la jeune fille qui ne peut retenir ses larmes : « Je suis heureuse que quelqu’un me pleure. Qu’un humain me pleure ».

Un dernier « Miaou » qui veut dire « Merci » et son âme file comme l’éclair. Une dizaine de minute plus tard, la jeune fille eut à nouveau conscience de la présence de la jeune chatte. La jolie féline lui fit cadeau de ce dernier message :

« J’ai vu ma maman. Elle me cherchait partout. Elle était tellement inquiète qu’elle avait arrêté de manger. Elle était heureuse que quelqu’un me pleure. Elle ira aussi remercier l’homme qui m’a trouvée ».

La jeune fille sourit à travers ses larmes, consciente qu’enfin, la petite chatte qui voulait tellement mourir filait avec joie dans son nouveau monde, bien loin des souffrances terrestres.

 

Alexandra Urfer Jungen     

 

 



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