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Visions d’avenir
 

Courtes réflexions sur la défection de nos Eglises et quelques idées pour y remédier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Texte et photos : Alexandra Urfer Jungen

 




 

Le malade perpétuel

 

 

 

 

Saint-Saphorin

 

 

 

 

 

-       Alors, Madame l’Eglise, ça vous gratouille ou ça vous chatouille ? 

-       C’est bien pire que cela mon bon docteur, je suis malaaaade. Complètement malaaaade…

Depuis que je suis ado, je crois que j’ai toujours entendu parler d’une Eglise réformée romande toussante et crachotante dont on cherche le médicament miracle qui permettra de la remettre debout.

Il y a eu les mises à la retraite anticipée des ministres, les coupures financières, les ventes de biens, les regroupements de paroisses, les consultations générales et j’en passe

Malgré l’appel lancé auprès de grands professeurs du management, des infirmiers ministres, voire même de l’ensemble des personnes actives de la vénérable institution, les solutions trouvées et qui semblaient toujours admirables n’ont jamais eu l’effet escompté.

Totalement démoralisant !

L’image qui transite désormais est trop souvent celle de la défaite. La sensation qui prédomine est celle du dernier carré de résistants mettant ses dernières forces dans la bataille pour ne pas disparaître.

Bref, notre Eglise est en pleine dépression et ça, ce n’est pas très racoleur pour attirer du monde !

 

 

 


 

 

Une Eglise qui se cherche

 

Bienne

Mais l’Institution réformée se cramponne. Elle propose régulièrement des projets nouveaux. Commissions, sur-commissions, sur-sur-commissions et sur-sur-sur-commissions vont se réunir à intervalle régulier pour réfléchir à ce qu’il faut faire pour que notre Eglise survive.

Cherchant tous azimuts, ce qui pourrait l’aider, elles réinventent la roue avec application sans se soucier des résultats, erreurs et errements des autres Eglises cantonales, voire des autres expériences paroissiales. En fait, le but du jeu est avant tout de modifier un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ce qui existe déjà. Cela avec toujours une même ligne de conduite : élaborer des projets allant dans le sens d’une évangélisation directe des populations. Et c’est vrai qu’il est aujourd’hui vital de transmettre aux populations perdues (au sens propre du terme, puisqu’elles se cherchent) qu’il y a un message de Vie et d’Amour qui peut les remettre debout

Du coup, on réfléchit à s’en faire fumer le cerveau :

Et si nous faisions des rencontres exégétiques ? (la nouveauté : offrir un petit-déjeuner avant la rencontre), à moins que ce ne soient des cultes spéciaux (en lâchant l’orgue pour une guitare, ça ça changerait tout). Non ! Le mieux serait de créer de vrais projets missionnaires : montons des stands dans les grandes surfaces pour montrer combien nous sommes intéressants.

Ces projets à vision d’évangélisation directe bénéficient généralement d’un soutien sans faille.

Et puis, il y a les autres projets qui mettent en avant le geste et non la parole. Ce sont les projets n’allant pas dans le sens d’une édification immédiate et claire de la foi, mais dans une application concrète des textes bibliques.

Si l’on excepte certaines activités entrées dans les mœurs comme le travail en aumôneries proposé en certains lieux, le soutien sur ces projets de type appropriatif est très loin de faire l’unanimité et est généralement pensé comme le dada de quelques illuminés.

Malgré tous les efforts, malgré le nombre monumental d’heures passées à réfléchir à une Eglise plus aguichante, le problème reste donc là : des courbes statistiques d’âge affolantes et l’on se demande avec angoisse ce qui se passera lorsque, dans un jour pas très lointain, tous ces cheveux blancs auront rejoint leur Père céleste.

Alors, oui, il y a toujours ces lieux phares qui, dans chaque canton, continuent et continueront assurément à rassembler dimanches après dimanches jeunes et vieux en foule compacte au culte. Cela existe, Dieu merci ! Mais se baser sur ces exceptions pour faire la règle est suicidaire. Si notre Eglise veut survivre, elle doit coûte que coûte trouver du sang neuf. Elle doit attirer du monde.

 

 

 

 


 

Coriace au changement

 

 

 

 

Fleurier

 

 

 

 

Changer, rejoindre de nouvelles populations, proposer des activités plus adaptées au grand public, ce serait sans aucun doute la solution pour redonner du souffle à notre Eglise réformée. Mais c’est aussi sa difficulté principale, car, comme partout ailleurs, et peut-être plus encore qu’ailleurs, le changement fait peur. Un de mes amis a même utilisé le terme d’une Eglise « coriace au changement ». Nous sommes dans un raidissement, dans ce moment où, dans un dernier soubresaut, nous refusons de perdre le peu qui nous reste.

Toute l’énergie -ou presque- est portée sur les fidèles, vraies forces vives que l’on compte désormais sur les doigts de la main. Des hommes et des femmes trop souvent épuisés et démoralisés qui n’ont plus l’énergie, mais aussi l’envie, de se penser autrement que dans un fonctionnement classique. Seul leur reste le besoin d’être entourés. De rester en famille ecclésiale. Et la tentation est forte de se raccrocher au ministre comme à une bouée de sauvetage. Remarque typique de cet état d’esprit entendue par une collègue pasteure proposant régulièrement des activités pour les distancés : « Alors, quand est-ce que vous vous occupez de nous ? ». Le ministre est-il la nounou de ses paroissiens ? Le protestantisme réformé n’a-t-il pas ce merveilleux atout de faire de chacune et chacun de ses membres des personnes adultes capables de réfléchir et de s’assumer elles-mêmes ? N’était-ce pas ce que souhaitaient les premiers réformateurs ?

Et finalement, est-ce que ce serait une catastrophe si chacun de nous devait se prendre un peu plus en charge ?

Il est parfois très instructif de voir ce qu’il se passe ailleurs.

Je garde encore un souvenir lumineux d’un voyage effectué dans les années 2000 à Aubagne, près de Marseille, en tant qu’accompagnante avec mon mari d’un petit groupe de catéchumènes. La communauté réformée que nous avons visitée était dans un très grand dénuement. Elle devait se débrouiller seule avec la visite très épisodique du pasteur. Elle était pourtant forte d’une foi qui me touche encore aujourd’hui. La chaleur de l’accueil qui nous a été fait restera à jamais gravée dans ma mémoire et l’immense reconnaissance manifestée à la pasteure Lytta Basset (responsable du groupe) et à ses catéchumènes pour avoir accepté de célébrer le culte du dimanche m’émouvra toujours. C’était pour les paroissiens un réel bonheur de pouvoir tout simplement bénéficier de la présence d’un ministre.

« Ici, nous sommes une Eglise de riches », me faisait remarquer un jour un collègue. Nous ne connaissons pas le vrai dénuement. Faudra-t-il passer par là pour retrouver l’élan qui redonnera du souffle à notre Institution ?

 

 

 

 


 

 

Assumer un choix

 

Saint-Blaise/NE

Mais avant d’aller plus loin, posons-nous cette simple question. Cette toute petite question tellement basique qu’elle peut sembler ridicule : souhaitons-nous vraiment que de nouvelles populations nous rejoignent ?

Bien sûr direz-vous ! Comment pourrions-nous survivre sans elles ?

J’ai eu la chance de croiser dans les milieux ecclésiaux un très grand nombre de personnes de qualité, qui avaient le cœur sur la main et dotées d’une grande humanité. Des individus qui ont énormément donné en temps, en argent et en énergie à la cause de l’Eglise. Des hommes et des femmes exceptionnels qui avaient tous envie de transmettre la richesse de leur foi autour d’eux.

Je répète pourtant la question : souhaitons-nous, réellement, du fond des tripes, de chaque parcelle de notre âme, accueillir des nouvelles populations au sein de la Communauté ecclésiale réformée ? Accueillir des personnes n’ayant pas le même cursus que nous, qui n’en savent pas autant que nous, qui ne respectent pas nos règles, nos codes, nos manières d’agir, de penser et de faire. Des personnes foncièrement différentes, qui poseront un regard critique sur nos activités, nous inciteront à faire autrement, nous énerveront certainement.

 

 

Ouvrir nos portes à de nouvelles population, c’est prendre le risque d’être bousculés dans nos convictions, d’être remis en question sur des éléments qui nous ont toujours semblés d’une totale évidence. Recevoir des personnes n’ayant pas de bagage ecclésial, c’est accepter de reprendre le b.a.-ba, de changer de langage, d’imaginer de nouvelles activités plus en phase avec les demandes des distancés. Des activités qui, à nos yeux, seront d’une bêtise affligeante.

 

 

Le supporterons-nous ?

 

 

Accueillir de nouvelles populations, c’est, enfin et surtout, accepter de faire quelques concessions sur nos acquis (nombre de pasteurs à disposition, de cultes dominicaux, de lieux de catéchèse, etc.) pour dégager les forces disponibles permettant de recevoir et de s’occuper de ces personnes sans ou avec seulement un semblant de bagage religieux.

 

 

 

Allez ! Avouez-le ! Dit comme ça, c’est nettement moins « sexy » de vouloir ouvrir ses portes aux nouvelles - et moins nouvelles - générations qui n’ont pas reçu, ou seulement de manière lacunaire, de bagage religieux. Je le vois bien : c’est une perspective qui n’a rien de jouasse. Nous sommes humains ! Notre instinct nous attire naturellement vers nos semblables et en aucun cas vers des individus qui n’ont rien en commun avec nous et qui en plus piocheront dans nos biens et nos acquis !

 

Tout ça pour dire que je ne suis pas vraiment certaine que l’institution ecclésiale réformée ait, pour l’heure, une réelle envie d’accueillir de nouvelles populations en dehors de toutes ces personnes (très nombreuses, comme il se doit), qui seraient naturellement formatées pour entrer dans le moule de notre Eglise.

Quant aux autres, qu’elles soient distancées ou hors-Eglise, il faut en convenir avec lucidité, ce n’est pas chez nous qu’elles trouveront leur bonheur ou alors très partiellement au travers de certaines activités spécifiques comme des concerts, des cycles de conférences ou des expositions.

La voie qui s’offre aujourd’hui à l’Eglise est donc celle-ci: accepter, enfin, en toute conscience, que changer est tout simplement impossible. Que cette perte d’identité, de valeurs, de manière de communiquer et de vivre l’Eglise telle qu’elle est enseignées depuis des générations est inconcevable et intolérable.

Il faut accepter que ce que l’on gagnerait en ouvrant nos portes ne rapporterait pas suffisamment par rapport à ce que l’on perdrait.

Accepter en corollaire que la fréquentation de l’Eglise réformée continuera à s’effriter (c’est mathématique quand on voit la moyenne d’âge globale des actifs) jusqu’à transformer à terme notre institution en petite secte (au sens historique du terme).

Accepter qu’avec le temps, notre organisme sera à l’image des premières Eglises : confidentiel.

 

Se retirer pour se retrouver entre nous est une voie tout à fait digne de respect. Il n’y a aucune honte à aimer se rencontrer entre gens du même bord qui partagent un même parcours, les mêmes centres d’intérêts et les mêmes codes. C’est ce qu’on fait un peu partout autour de la planète dans toutes les associations possibles et imaginables. Notre nature et notre psychologie humaines nous poussent à agir ainsi. Rien n’est plus normal.

 

 

 

Une offre de rituels toujours demandée

 

 

 

 

Ollon

 

 

 

 

Cependant, outre le travail en aumôneries, il est un domaine où nous pourrons toujours continuer à offrir nos services à l’ensemble de la société : c’est celui de la demande de rituels. Si la concurrence privée se développe de plus en plus, il est évident que nous avons, en tant qu’Eglise réformée, un rôle majeur à jouer dans ce domaine.

Baptêmes, mariages et enterrements nous permettront de continuer à être insérés dans le monde, tout simplement parce que la majorité de la population a besoin de poser des jalons au cours de son existence. C’est d’autant plus vrai dans un monde comme le nôtre qui perd de plus en plus ses repères.

Nous avons un réel avenir dans ces activités et il vaudrait la peine de les développer et de mieux les vendre. Dans tous les sens du terme ! C’est un service que des personnes distancées peuvent payer au prorata de leurs finances.

En tant que réformés, notre ouverture doctrinale, nous place assurément en force sur ce « marché » qui est aussi un service essentiel. S’ils sont de plus en plus nombreux à refuser toute célébration à leur mort, la majorité peine à assumer un passage anonyme dans l’Autre Monde, ne serait-ce que par respect pour leur famille, puisque le rituel est un indéniable soutien pour supporter la perte.

Le mariage en blanc dans les églises continue à faire rêver les jeunes filles, ainsi que ceux qui souhaitent protéger leur union ou celle de leurs proches du « mauvais œil ». De même pour le baptême souvent vécu comme un rite protecteur pour l’enfant.

Que les raisons de vivre les rites nous semblent légitimes ou pas, il est évident que le besoin est là. A nous d’offrir notre regard particulier et ouvert sur le rituel, d’évangéliser un peu, de dire notre présence face aux obstacles de la vie, et, au besoin de rappeler nos limites.

Comme me l’ont très souvent répété des pasteurs : c’est au travers de ces rites que l’Eglise est présente auprès de toutes les populations et leur offre ce qu’elles souhaitent. Et tant pis si, la plupart du temps, l’accompagnement se fait sur une durée (très) limitée. Au travers de ces rites et des rencontres de préparation qui les accompagnent, nous plantons des petites graines. A l’Esprit Saint de les faire grandir et s’épanouir.

 

 

 

 

 

 


 

 

Passage interdit ?

 

Moutier

Et voilà. Fin de l’histoire. Nous savons désormais ce que nous avons à faire. Nous avons visualisé nos besoins et le chemin à suivre.

Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Une petite répétition des chants du culte de dimanche prochain ?

Hem ! En fait j’ai l’air d’être super zen, mais en réalité, je suis en train de fulminer.

Attendez une seconde, j’essaie de me maîtriser : « Illusion, tout n’est qu’illusion », qu’ils disent chez les petits copains d’à côté…

- Bien sûr ! Tu parles d’une illusion, c’est plutôt de la perte d’illusion !

- Et voilà : le Jamais-Content qui s’exprime ! Qu’est-ce que tu as à reprocher à notre Eglise si riche de compétences, de savoirs et d’êtres exceptionnels ?

- Ce qu’il y a à reprocher ? Mais enfin, regarde un peu autour de toi ! Sors ton nez de ta Bible ! Tu ne vois pas qu’on est en train de crever de désespérance autour de toi ? Tu ne te rends pas compte de la chance incroyable que tu as, toi, de pouvoir t’appuyer au quotidien sur ta foi ? D’avoir autour de toi une communauté ? Et toi, tu restes tranquillement, bien au chaud, chez toi, dans ta petite Eglise au lieu d’aller à la rencontre de ces gens. Tu oublies que le Christ a reproché aux Pharisiens de rester figés dans leurs synagogues ? Tu ne remarques pas que tu fais trop souvent le contraire de ce que tu prêches et entends prêcher le dimanche ?

- Tu pousses un peu le bouchon !

- Je pousse le bouchon ? Pourquoi t’imagines-tu qu’on ne fait pas envie alors que nous sommes certainement l’une des confessions les plus ancrées dans la modernité ? Pourquoi ne vient-on pas chez nous alors que les populations disent ouvertement et très majoritairement être en recherche spirituelle ? Tu ne vois pas qu’on est totalement à côté de la plaque ? Que nous sommes incapables d’être à l’écoute des demandes qui nous sont hurlées aux oreilles ? Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, je te le dis !

- Tu exagères : nous sommes toujours disponibles pour répondre aux demandes…

- ... pour autant qu’elles ne viennent pas bousculer notre sacré saint emploi du temps que nous nous échinons à surcharger pour être certains qu’il n’y aura aucune place disponible pour des personnes qui ne rentrent pas dans notre moule !

- Tu vas trop loin ! La vérité, c’est que les gens ne veulent pas venir ! Ce n’est tout de même pas de notre faute à nous s’il y a trop de concurrence avec les autres activités sportives, culturelles, la télévision, les amis… Nous n’y pouvons rien si la société s’est désacralisée.

- Bien sûr ! C’est de la faute des autres ! Et si au lieu d’attendre bêtement que l’on vienne chez nous, nous sortions un peu de notre caverne pour découvrir quelle est la vie, les espérances et les besoins de toutes ces personnes qui sont sur notre seuil ?

- Sortir ? Mais nous leur ouvrons déjà tout grand nos portes !

- Et bien entendu, tu t’imagines que c’est suffisant ! Pas de problème ! Attendons, seuls dans notre Eglise empoussiérée, que quelqu’un ait l’idée saugrenue de se perdre jusque chez nous. On en reparle dans un quart de siècle, d’accord ? Et d’ici là, je nous souhaite une bonne et heureuse agonie !

 

Ne faites pas attention ! Je souffre de schizophrénie. Profond trouble de la personnalité. J’ai parfois cette curieuse sensation d’être un personnage de dessin animé avec une mini-copie de moi version ange et une autre version démon sur chacune de mes épaules. Et toutes deux me murmurent à l’oreille ce que je dois faire et penser. Mon seul souci, c’est que je n’arrive jamais à savoir qui de l’ange ou du démon me parle…

Néanmoins, je dois vous avouer que me sentant tout de même passablement proche des distancés de l’Eglise avec mon passé hors-religion, j’ai une petite gêne aux entournures. C’est totalement stupide, idiot et bête, je le sais, mais je n’arrive pas à me résoudre à voir l’Eglise porteuse de la seule confession dans laquelle je me reconnais offrir quasiment exclusivement des activités à ses piliers. Intellectuellement, je trouve cela tout à fait normal, puisqu’on m’a enseigné en tant que diacre ce que c’est d’être un bon prototype de cette catégorie. Mais au fond de moi, au niveau tripal, cela me pose problème.

Alors qu’est-ce que je fais, docteur ? Je pleure un grand coup et je noie mon chagrin dans un grand verre de sirop grenadine ?

 

 

 

 

 

Non ! Je fais ce rêve que notre Eglise réformée prendra le parti de toucher réellement des nouvelles populations. Qu’elle acceptera cet enfantement dans la douleur en se réjouissant de l’arrivée de nouvelles activités, compétences et talents qui redonneront un éclairage neuf et une énergie de vie inattendue à notre lecture de l’Evangile. Je veux croire que nous refuserons de rester figés dans des activités qui nous sont familières et nous rassurent pour nous laisser plonger dans un inconnu palpitant.

 

 

Si ce défi, malgré tous les obstacles et remises en question prévisibles, peut vous intéresser, alors vous pouvez continuer à lire ce texte. Sinon, installez-vous dans votre fauteuil préféré et reprenez en toute sérénité la lecture de votre Bible. L’Eglise a besoin de ses piliers, qu’ils soient ministres ou laïcs. Vous en faites partie et sans vous notre Institution aurait certainement déjà disparu depuis belle lurette. Votre présence est vitale et vous pouvez légitimement être fier-e de tout ce que vous avez apporté à la vénérable institution.

 


 

 

Ouvrir une autre porte

 

Diesse

Et voilà, nous nous trouvons désormais entre croyants qui avons ce rêve étrange et bizarre de faire vivre une Eglise multiple dans sa population et ses activités.

Sans dénigrer ce qui fait notre histoire et ce qui a été et est encore si cher à des générations de croyants, nous souhaitons parallèlement mettre en place un autre possible.

Est-ce réaliste ? Réalisable ? Comment ? Pour qui ? Pourquoi ?

 

Des questions que nous allons aborder dans cette deuxième partie.

 


 

 

 

QUELLE IMAGE ET

 

 

QUELLE DEMANDE ?

 

 

 


 

 

Dans une bulle poussiéreuse

 

 

 

 

Bex

 

 

 

Avant d’entamer quoi que ce soit, il serait peut-être intéressant de savoir comment nous sommes perçus. Y a-t-il des idées fausses qui circulent sur nos Eglises réformées romandes ?

 

Dans mon parcours de foi, j’ai été interpellée par un très grand nombre de personnes distancées et sans bagage religieux à propos de notre Eglise réformée. Ce qu’elles m’ont transmis était l’image d’une Eglise triste, terne, austère, vieillotte, cléricale, inaccessible, condescendante et éloignée des questionnements de la population. Bref, un truc de vieux coincés sentant fortement la naphtaline.

Vous ne vous reconnaissez pas ? C’est pourtant cette image-là qui circule et encore quand une image circule, puisque la plupart du temps, nos interlocuteurs ignorent même que nous existons ou alors nous englobent comme une branche de l’Eglise catholique romaine. Combien de fois ai-je entendu dire de manière peu amène : « vous et votre pape ! ». Et je ne parle même pas de ceux qui nous identifient à une secte !

Les populations ayant grandi hors des réseaux d’Eglise sont la plupart du temps dans une méconnaissance totale du protestantisme réformé. C’est encore plus flagrant à Genève, cette grande cité de la religiosité laïque où le vide des connaissances chrétiennes est sidérant. Je me souviens ainsi fort bien d’avoir longuement étudié l’islam durant mon parcours scolaire, mais jamais, au grand jamais, nous n’avons consacré une seule fraction de seconde de cours à Calvin ou à la Réforme. Tout élément touchant de près ou de loin à la chrétienté est banni irrévocablement des bancs d’école dans le canton du bout du lac, quitte à faire des incultes ! J’ai même vu la responsable de la garderie de ma fille enlever, effarée, un livre consacré à Noé, « parce que les lieux étaient laïcs ». Moi qui croyait que « laïc » voulait dire « être neutre, ne pas prendre position ». Est-ce qu’il n’aurait pas été plus judicieux d’ajouter des ouvrages sur Siddharta, les dieux hindouiste, Mahommet, etc. plutôt que d’enlever un élément des cultures chrétienne et juive ?

Aujourd’hui, la majorité des personnes ayant mon âge (dans la quarantaine) et plus encore celles qui sont plus jeunes ne sont porteuses que de rares, voire d’aucune connaissance religieuse. Toutes les images de l’Eglise auxquelles elles peuvent accéder leur sont fournies par les médias. Et qu’est-ce qui est diffusé majoritairement dans ce cas ? Les affaires bien croustillantes et pas forcément à l’avantage de notre institution, ni d’ailleurs de celles de nos collègues des autres confessions et religions. Et les amalgames sont faciles.

Combien de personnes m’ont dit :

-       Je ne suis pas croyant à cause de l’Inquisition et à cause des intégristes musulmans ! Tous ces massacres au nom de la foi, c’est affreux.

Les Eglises, et particulièrement l’Eglise réformée, peinent à transmettre une image plus réaliste et actuelle de ce qu’elles sont. Il n’est donc pas surprenant que nous nous trouvions désormais face à des populations pleines d’a priori négatifs.

Comme on me l’a dit aux « Rendez-vous du Temple », ce projet d’Eglise ouverte que nous avions monté en 2004 à Chancy dans le canton de Genève :

-       Les personnes font une fixation contre le religieux. On dirait que c’est quelque chose de grave ! Elles s’imaginent des choses qui ne sont pas.

-       Les personnes qui ne connaissent rien à la religion protestantes ne se rendent pas compte combien cette confession est ouverte.

Quelques habituées des « Rendez-vous » me rappelaient aussi le regard qui leur est porté parce qu’elles osaient participer à nos activités (essentiellement laïques). Parmi les remarques qui leur ont été faites :

-       Mais qu’est-ce que tu vas « foutre » là-bas !

-       Tu n’as pas le look pour aller dans un temple !

Et il y avait ces refus catégoriques, non-motivés, souvent choquants pour ceux et celles qui profitaient de nos activités :

-       Je ne veux pas aller dans ce genre de réunion !

-       Maman ne veut absolument pas qu’on aille  !

Et puis, il y a cette image négative de soi-même qui transite si l’on entre dans une Eglise. Une image si difficile à porter dans notre société où tout n’est qu’apparence :

-       On dirait que si on va au temple, on va être catalogués de bigots.

-       On a l’image de nanas coincées !

Aaargh !

Et même si ces personnes n’ont pas peur de notre Eglise, elles sont trop souvent dénuées de toute culture religieuse. On assiste alors à des dialogues de sourd :

-          Notre ministre est cette semaine à Berne.

-          Ah ! tu connais quelqu’un qui travaille au gouvernement ?

 

-          Nous avons parlé hier soir de l’idéologie du Salut.

-          C’est une nouvelle manière de se dire au revoir ?

 

-          La Grâce de Dieu m’émeut perpétuellement.

-          Tu fais référence à un spectacle de danse classique ?

Et ce cas dramatique durant la solennelle bénédiction en fin de célébration :

-          Dis ? Pourquoi il lève les bras le Monsieur ? Il est pourtant pas menacé !

Sans parler de ce jeune universitaire qui durant un oral d’histoire a cru que les spectacles médiévaux mettant en scène La Passion du Christ parlaient de flamme amoureuse !

 

Nous en sommes maintenant à la deuxième, voire à la troisième génération de distancés qui n’ont pas la moindre idée de ce que nous sommes réellement. Pour ces personnes, passer la porte d’un lieu d’Eglise, y compris pour y boire un café, est déjà une démarche de foi. Il faut en avoir conscience !

Cela peut même être un effort monumental !

Pour vous donner une idée de l’investissement demandé, en tant qu’ancienne fan des deux-roues, j’aime faire le parallèle avec la force nécessaire pour se rendre dans une concentration de motards ! Il faut en passer des préjugés pour entrer en dialogue avec les amoureux des gros cubes et surtout pour réaliser qu’il y a derrière cette masse de gros bras en cuirs, souvent bien imbibés et au langage coloré, des gars et des femmes qui ont pour la plupart le cœur sur la main.

Il faut aussi une sacrée culture pour tout simplement comprendre les discussions : « On s’est fait une de ces arsouilles avec Joe ! On était poignée à coin. Je lui ai fait l’intérieur, mais j’avais des slicks et il s’est mis à pleuvoir. Résultat : j’ai guidonné comme un malade et j’me suis jeté. J’ai la rage : mon twin, il est mort ! ».

Oui, il faut en passer des préjugés…

Alors imaginez ce qu’une personne n’appartenant pas aux réseaux d’Eglise doit dépasser comme a priori pour passer le seuil même de nos bâtiments et nous comprenne ! Il est absolument inimaginable que ces individus hors-Eglise entrent dans notre institution sans avoir pu au préalable être rassurées et sans avoir pu casser les images fausses qu’elles ont de notre Institution.

Avec d’autres collègues, nous avons pu le tester d’innombrables fois : c’est uniquement grâce à des activités à première vue laïques que nous pouvons casser les clichés. Des activités dans lesquelles nous vivons l’Evangile sans chercher à le prêcher dès les premières secondes de la rencontre. Et c’est là, dans des café-rencontres, des animations pour les enfants, des repas, des mini-marchés et j’en passe que les personnes ayant grandi hors-Eglise viennent poser les questions existentielles qui les taraudent. Le fait que nous soyons présents, accessibles, ouverts au dialogue, nous permet clairement de toucher les individus en recherche et parfois de leur ouvrir les portes de notre foi.

En d’autres mots, c’est durant ces activités si mal vues des piliers de notre Institution que nous faisons réellement et efficacement de l’évangélisation auprès des plus éloignés de l’Eglise.

Pour toucher de nouvelles populations, il ne suffit donc pas de mettre ici et là quelques rares lieux et activités ayant le potentiel d’attirer les distancés. Cela ne sera pas suffisant. Nous devons réfléchir globalement à créer une nouvelle forme d’Eglise accessible à cette population. Créer des espaces où l’on parle le langage des hors-Eglise et des distancés.

 

 

Mais la demande est-elle réellement là ?

 


 

 

Il y a le feu !

 

Bullet

Nous sommes l’un des pays au monde où l’on se suicide le plus, les demandes sociales prennent l’ascenseur depuis plusieurs années et nous avons un record du nombre de psychologues et de psychiatres par nombre d’habitants. Des psys débordés par une demande qui bien souvent touche plus au spirituel qu’au psychique.

Nous vivons aussi aujourd’hui dans un monde où la solitude est plus intense qu’elle ne l’a sans doute jamais été dans l’histoire humaine. Nous Facebookons, nous Twittons, nous tchatons et nous nous connectons sur nos comptes mails à longueur de journée. Mais tout cela se fait au détriment des rencontres dans la vraie vie. Comme me le disait un jour une de mes amies : « dans notre société actuelle, il y a un réel manque de contacts et de chaleur humaine. Il n’y a pas de dialogue. Les gens sont malheureux ».

Notre Eglise, par son volet communautaire et son aspect non-prosélyte, pourrait clairement aider ces individus. Elle pourrait jouer un rôle social essentiel.

Nous avons les outils, mais combien de fois détournons-nous les yeux par embarras, par fatigue ou par méconnaissance ? Ne sommes-nous pas parfois dans la non-assistance à personnes en danger ? Bien sûr, nous n’avons pas à jouer les sauveurs d’Humanité à la mode Superman ! Mais ne soyons pas non plus dans l’extrême inverse à refuser de nous détourner de notre chemin lorsque nous passons à côté du blessé en nous rassurant qu’un hypothétique bon Samaritain fera le travail à notre place.

 

 

 


 

 

 

Répondre à la soif

 

Grandval

 

 

Lorsqu’à fin 1998, j’ai quitté mon travail d’assistante de production à la Télévision Suisse Romande en annonçant que je souhaitais prendre un chemin me rapprochant plus de l’Eglise, le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai rencontré de l’incrédulité dans les yeux de mes interlocuteurs. Si les mots disaient « C’est bien, bonne route ! », les regards exprimaient généralement clairement un « Elle est folle celle-là ! ».

Aujourd’hui, lorsque je dis que j’ai suivi une formation diaconale, les regards expriment tout autre chose. J’y décèle généralement de la curiosité, du respect, voire de l’envie. Et je dois souvent répondre très vite à des questions touchant au christianisme, aux religions et à la foi.

Aussi étrange que cela puisse paraître, il se profile désormais une ouverture au religieux.

Et j’ai été surprise de constater combien de distancés croient, de chaque parcelle de leur âme, qu’une Transcendance les accompagne jour après jour. Une Présence qui est là et qu’ils rejoindront le jour de leur mort.

Le nombre d’athées ne dépasse pas les 5% de la population, par contre, combien d’agnostiques ?

Quand rien ne va, que la vie prend une drôle de tournure, beaucoup de ces personnes n’ayant pas été au catéchisme savent s’en remettre pleinement à ce que nombre appellent la Lumière, la Source ou la Force.

En tâtonnant, elles se construisent une foi. Une foi à tâtons, parce qu’il leur est tout simplement impossible de faire autrement. Nous crions au scandale face à ces individus qui prennent à droite et à gauche dans le grand bazar des confessions et des religions sans nous rendre compte que nous ne leur laissons aucune place.

Alors que recherchent ces distancés et ces hors-Eglise ?

Avant tout un lieu qui leur permette de retrouver du sens à leur existence. Un lieu accueillant, d’écoute, de dialogue, de rencontre. Un espace sans chichis, sans prise de tête et surtout sans jugement. Ils veulent un lieu de solidarité. Un lieu où l’on n’est pas rejeté si l’on n’entre pas dans le moule pré-formaté que la société est en train de nous construire.

Mais ce qu’ils recherchent surtout, c’est une nouvelle forme d’Eglise, moins centrée sur une confession que sur des activités qui collent à leurs aspirations. Le Mouvement des Parvis en France, rassemblant des Chrétiens de tous bords, est dans cette tendance qui répond à une demande évidente.

Certaines personnes ayant déjà entamé une démarche spirituelle cherchent enfin des lieux de retraite, temps de lectio divina, promenades en prière, etc. pour un tête-à-tête avec Dieu bien loin de nos cultes classiques.

Hors-Eglise et distancés ont enfin en commun de souhaiter trouver en face d’eux des personnes habitées en profondeur par leur foi et qui vivent en accord total avec ce qu’elles professent. Ce n’est pas pour rien qu’un Abbé Pierre ou une Sœur Emmanuelle sont des références chez quasiment toutes les personnes hors-Eglise. Ces personnalités étaient vraies, elles avaient un langage accessible, et étaient capables de dire « merde ! » si ce qu’il se passait n’était pas en accord avec leurs convictions profondes. Elles savaient dire les choses en face et s’investir totalement dans ce qu’elles croyaient. Qu’elles aient eu des doutes, se soient parfois égarées et aient commis des erreurs n’a pas la moindre importance. Ce qui est fondamental, c’est qu’elles étaient vraies.

Dès que cette accessibilité et cette congruence sont trouvées, les distancés abordent très vite les innombrables questions touchant au à la spiritualité qui les tarabustent.

En d’autres mots, comme me le disait une collègue pasteure : « Nous sommes plus reconnus comme Eglise dans l’être et le faire qu’en évangélisant. Et en tant que ministres, nous devenons une référence, simplement parce que nous sommes là ! ».

 

 


 

 

 

De nombreux atouts

 

 

Estavayer-le-Lac

Je pense sincèrement que le protestantisme réformé dispose de cartes maîtresses pour toucher largement les populations. Il est vital désormais de faire l’inventaire de toutes nos richesses. De se réjouir de tout ce que nous avons, à commencer par une confession qui est certainement celle qui s’insère le mieux dans la société actuelle.

Le protestantisme réformé a cette chance d’être très bien perçu par les personnes n’appartenant pas aux réseaux d’Eglise pour autant que l’on prenne le temps de leur expliquer nos spécificités dans un langage simple et accessible.

Voilà ce qui frappe particulièrement et positivement les distancés et ceux qui ont grandi hors des réseaux d’Eglise :

  1. La vision du protestantisme mettant en avant le lien direct de chaque humain à Dieu.
  2. Le fait que nous n’ayons pas certaines caractéristiques catholiques. Tout particulièrement les points suivants :

·             L’absence de pape et (théoriquement) de hiérarchie.

·             Le fait que les pasteurs peuvent se marier et avoir une famille.

·             L’absence d’apparat clinquant et surtout coûteux de l’Institution.

·             La grande place laissée aux laïcs. La possibilité qui leur est faite de présider des cultes.

  1. Notre ouverture d’esprit.
  2.  Le dialogue interconfessionnel et interreligieux dans lequel nous sommes très actifs.
  3. Le fait que nous ne fassions pas de prosélytisme. Le respect des croyances de chacun.

Bref, tout ce qui fait de nous des protestants réformés est extrêmement bien perçu. Il ne nous reste qu’à faire un peu de publicité autour de nos spécificités.

En outre, nous bénéficions d’éléments pratiques qui nous mettent en force par rapport à des organisations laïques :

-       Nous avons de nombreux locaux, souvent bien équipés, la plupart en bon état, qui plus est géographiquement parfaitement disséminés.

-       Nous sommes un organisme de grande dimension, avec cependant une bonne indépendance des diverses strates ce qui devrait permettre la création de réseaux d’échanges horizontaux et des économies.

 

 

Alors pourquoi n’avons-nous pas plus d’écho ? Quels sont les obstacles que nous devons passer pour avancer ?

 


 

 

 

 

OBSTACLES ET SOLUTIONS

 

 

 


 

 

Qui décide ?

 

 

 

 

Cathédrale de Lausanne

 

 

 

 

Premier obstacle : il est inimaginable qu’il puisse exister des projets émanant de la base pour la base. Nous avons beau dire le contraire, le cléricalisme et ses égarement sont bel et bien présents dans notre Eglise.

Comme d’autres projets atypiques, les « Rendez-vous du Temple » ont été confrontés à ce type de complication. Récit de cette expérience :

Autour de 2004, toutes les régions genevoises devaient proposer un projet qui permettrait de toucher de nouvelles populations. Par hasard, à ce moment-là, nous étions déjà en train de réfléchir à un projet qui collait à la demande : créer à Chancy un espace d’accueil, de loisirs et de ressourcement ouvert à tous, quels que soient l’âge ou les croyances religieuses.

Présentation du projet devant les quatre conseils de paroisses faisant partie de la région genevoise Plateau-Champagne. Intérêt clair. La région proposerait « Les Rendez-vous du Temple » à l’Eglise centrale. Projet accepté, mais problème : il n’avait jamais été prévu qu’une activité n’émanerait pas d’un ministre en place, le vrai but étant en réalité de faire travailler quelques pasteurs et diacres déjà engagés au sein de l’Eglise sur leurs propres projets missionnaires.

Et c’est là que vient le deuxième obstacle : le manque de transparence. Plutôt que de dire directement et ouvertement à l’ensemble des protagonistes : « Nous sommes désolés, votre projet n’entre pas dans le cadre tacite que nous nous étions donnés et que voici… », les choses ont été faites de manière peu élégante : Le titre du projet « Les Rendez-vous du Temple » a bien été gardé, mais le libellé explicatif a été remplacé en catimini par le projet de permanence pastorale d’un ministre en place. Permanence qui ne se tenait pas même à Chancy. Quant à nous, comme nous y croyions, nous avons continué à faire vivre le projet avec mon stage de formation diaconale, un petit soutien ecclésial et beaucoup de bénévolat. Quant aux Conseils de paroisses qui avaient voté en faveur du vrai projet d’Eglise ouverte des « Rendez-vous du Temple », ils n’ont jamais été informés officiellement de ce changement de cap unilatéral et certains ont été très désappointés de le découvrir bien plus tard.

Cette expérience n’en est qu’une parmi bien d’autres.

J’ai toujours appris et particulièrement apprécié le fait que dans le protestantisme réformé, nous n’avions pas de pape, pas de hiérarchie ecclésiale et que c’était le peuple des croyants qui décidait. Si nous ne jouons pas cartes sur table, si nous ne sommes pas dans une franchise relationnelle, comment avancer et nous développer ?

Il est indispensable de revenir à nos fondamentaux si nous voulons attirer de nouvelles populations. Arrêter avec nos jeux de pouvoirs qui ne se disent pas pour redonner une vraie place au dialogue et à l’échange horizontal. Cet échange horizontal auquel aspire la population d’aujourd’hui.

Dans cette même optique, j’ai été surprise lors de séances au Consistoire (Synode) genevois de constater que les conseillers laïcs avaient beaucoup de peine à exprimer leurs oppositions. Les pasteurs monopolisaient la parole avec un brio verbal qui intimidait fortement des individus peu habitués à s’exprimer en public. Impossible pour eux de faire le poids face aux ténors de la chaire et ils n’osaient généralement pas se lever pour exprimer leurs avis contraires ! Ne faudrait-il pas généraliser lors des synodes la présence d’un intermédiaire qui pourrait recueillir de manière discrète les réactions des conseillers pour ensuite les transmettre au micro ? Dans mes innombrables petits boulots, j’ai été téléphoniste sur « Droit de Cité », une ancienne émission de débat de la Télévision Suisse Romande. Nous prenions les appels et recueillions les questions que nous écrivions sur des post-it qui étaient transmis au journaliste en cabine avec nous. Il passait ensuite régulièrement à l’antenne pour faire part des tendances du public. Ses capacités d’orateur et son autorité professionnelle lui permettaient d’être entendu. N’y aurait-il pas là quelque chose à reprendre pour rétablir l’équilibre des forces ?

 

 

 

 


 

 

 

Condescendance

 

Cathédrale de Lausanne

Troisième obstacle : Dans trop de lieux, l’Eglise réformée est marquée par une maladresse relationnelle qui peut passer pour une certaine condescendance. C’est ce regard de haut, ce « Nous avons quelques chose, nous savons des choses qui nous mettent au-dessus de vous », quand ce n’est pas un côté sirupeux et faux, qui horripilent profondément les distancés. Et ils ne manquent pas de dire leur profond malaise face à cette attitude !

Il y a aussi l’ignorance agressive dont nous avons un jour été victimes avec un groupe de jeunes alors que nous préparions des animations pour une fête de paroisse. Nous étions totalement rejetés. Pas un bonjour. Les seuls et uniques mots qui nous ont été adressés durant tous les préparatifs étaient des remarques désobligeantes. De manière très claire, nous empiétions sur le territoire des piliers et on nous le faisait clairement savoir, même si notre objectif était, comme eux, de préparer une activité devant ramener du monde et donc de l’argent à la paroisse. Résultat : on aurait voulu dégoûter les jeunes catéchumènes d’intégrer l’Eglise que l’on ne s’y serait pas pris autrement !

Bien sûr ce sentiment de supériorité est involontaire dans la très grande majorité des cas, mais il est trop souvent là. Même auprès de ceux qui se veulent les plus humbles.

Surtout auprès de ceux qui se veulent les plus humbles…

Et parfois cette attitude peut même être clairement assumée.

Cela a notamment été le cas dans cette célèbre paroisse qui accueillait un jour le culte télévisé de Noël. L’ensemble des techniciens, caméramens et autres preneurs de son ont tout simplement été ignorés durant la totalité de la soirée. Pas même un verre d’eau offert ! Bravo l’esprit de partage, d’amour et d’accueil ! Bravo l’esprit de Noël ! L’équipe TV a gardé longtemps un souvenir cuisant de cette expérience ! Cette situation est caricaturale, mais elle existe.

Heureusement, les choses sont généralement nettement moins tranchées tout en restant trop souvent problématiques. Une collègue pasteure me soufflait : « La réflexion actuelle au sein de l’Eglise semble être : comment se rendre inaccessibles ? ». Ce n’est pas pour rien que nos amis catholiques attirent plus que nous, même si leur vision ecclésiale est plus difficilement compréhensible du grand public. Ils ont un sens de l’accueil tellement plus développé que nous, austères protestants ! Comme me le disait mon père, caméraman retraité de la Télévision Suisse Romande, qui a vécu un très grand nombre de messes et de cultes dans son cadre professionnel : « Chez les protestants, on vous propose une tasse de thé et un « Zwieback », côté catholique, on ouvre les meilleures bouteilles et on coupe le saucisson ! ». Autant dire que l’effet n’est pas le même !

Et cela donne clairement à réfléchir. Comme le Christ, arriverons-nous réellement à accueillir inconditionnellement cet autre si différent de nous ? Apprendrons-nous réellement à recevoir dans la Maison de Dieu ?

Encore une fois, il ne s’agit pas de nous métamorphoser du jour au lendemain. Et nous sommes humains : il y a des personnes avec qui la réaction de rejet est épidermique. Nous ne sommes pas obligés d’aller auprès d’elles. De toute façon, nous ne serions pas vrais ! Mais il y a toujours ces gens, nombreux, avec qui le contact passe. Essayons au moins d’être ouverts à ceux-ci. Sachons réellement les recevoir.

 

 

 

Accueillir avec style

 

 

 

 

Saint-François/ Lausanne

 

 

 

 

En parlant d’accueillir… Ce qui me surprendra toujours dans l’Eglise réformée, c’est cette coutume de recevoir nos invités à la cave, au grenier, voire au fond du garage ou dans le cabanon de jardin et c’est là le quatrième obstacle.

Vous ne me comprenez pas ? Pourtant, c’est bien la déduction qui s’impose lorsqu’on observe la majorité de nos lieux d’Eglise.

Quand on est protestant réformé, doit-on en conclure, il est quasiment impensable de se retrouver dans un environnement confortable, joyeux et coloré. Nous devons impérativement nous rencontrer dans une totale austérité. Sans doute pour accéder à la foi sans être perturbés par un espace pouvant nous déconcentrer en pleine prière ou analyse exégétique.

En bonne élève, j’ai étudié comme il se doit l’aménagement intérieur et décoratif des réformés. J’y ai décelé deux styles aux tendances étonnamment opposées :

D’un côté, vous avez le style « chaotico-fin du monde » : un classique en salle de paroisse et celui qui demande sans doute le plus grand savoir-faire. Le style est constitué d’un rassemblement de meubles hétéroclites et usagés, voire dans un état de décrépitude avancé, pour prouver que chez nous, on ne jette rien. S’y ajoute le classique amoncellement de chaises et de tables pliables, l’ensemble devant impérativement s’éparpiller de manière aléatoire sur l’ensemble de l’espace disponible.

Après ces grandes constantes stylistiques viennent de nombreuses variantes : plantes - mortes de préférence, tableaux décolorés, panneaux défoncés datant de la dernière génération quand ce n’est pas des siècles passés, vieux livres à la couverture déchirée, restes de (très) anciennes manifestations… J’ai eu la chance d’observer un jour une très belle note créatrice avec l’artistique mise en scène de bidons de peinture entamés et de coupons de moquette en vrac.

L’aspect « désordre » est toujours très soigneusement étudié pour créer un effet chaotique (d’où le nom de ce style) à nul autre comparable, même si j’ai retrouvé de temps à autre quelque chose d’approchant dans les chambres de mes filles. On notera généralement l’absence de rideaux ou de tout accessoire de décor. Si ceux-ci devaient néanmoins être présents, ils seront obligatoirement blancs, bruns ou gris, pour se confondre parfaitement avec la couleur des murs et de leurs lézardes. Il est évident que le style « chaotico-fin du monde » bannit le rouge, l’orange, le jaune et leurs variantes qui pourraient apporter une néfaste touche de chaleur à l’environnement.

 

Le second style, un peu moins courant puisqu’on le retrouve majoritairement dans des espaces de rassemblement et de formations, est le style « désertico-dépouillé ». A l’inverse, du style « chaotico-fin du monde », cette autre tendance décorative met le vide au centre, exception faite néanmoins d’un mobilier minimum (tables et chaise, la plupart du temps) dont l’aspect décati fait judicieusement le lien avec la tendance « on ne jette jamais rien » développée en salle de paroisse.

Dans une pièce de pur style « désertico-dépouillé », on remarque surtout la présence monumentale de grands murs blancs ou gris mis en valeur par l’absence totale d’éléments décoratifs. Un choix éclairé qui permet au croyant de ne pas être détourné de sa noble quête de savoir.

J’ai pu constater que pour un protestant réformé pure souche, toute l’essence du beau se trouve concentrée dans ce style « désertico-dépouillé » que l’on peut analyser comme une conceptualisation intéressante du néant, celui-ci représentant ad fine… notre finitude, symbolisée également par d’autres éléments tels que plâtres détachés des murs, toiles d’araignées poussiéreuses et morceaux manquants de revêtements de sol.

 

Pour terminer, nous remarquons qu’il existe un point commun important entre les espaces « chaotico-fin du monde » et « désertico-dépouillé », créant ainsi un trait d’union entre les deux espaces. Il s’agit de l’absence totale d’éléments de confort. Ce choix permet d’exprimer le peu d’importance de nos besoins humains face à la plénitude que peut apporter la foi réformée.

 

 

J’exagère ? Si peu !

 

Une chose est certaine : ces décors chaotiques ou d’une austérité rare font bel et bien fuir les distancés et hors-Eglise de nos espaces de rassemblement, surtout aujourd’hui où le design fait partie de nos vies, y compris pour habiller nos ustensiles de cuisine ou le balai qui nettoiera nos toilettes ! Il suffit à toute personne qui n’est pas un pilier d’Eglise de passer quelques minutes dans nos murs, voire d’y jeter un simple coup d’œil, pour s’y sentir si mal à l’aise que nous pouvons être assurés de ne plus jamais la revoir.

Là encore, tout est question de choix : pour ceux qui souhaitent continuer à se retrouver dans un milieu d’Eglise protégé, il est évident qu’il ne faut absolument rien changer ! Cet environnement est un cocon efficace contre les indésirables.

 

Par contre, si nous souhaitons en certains endroits ouvrir nos portes à de nouvelles populations, pas de miracle : il faudra nous plonger dans la tendance actuelle qui est à la déco et offrir un bon lifting à nos locaux.  

 

 

 

 


 

 

 

La barricade face aux projets nouveaux

 

 

 

 

 

Châtillens

 

 

 

Cinquième obstacle dans nos Eglises réformées : les attentes impossibles, en particulier face aux projets nouveaux de type appropriatif.

Grâce à plusieurs collègues ayant fait des expériences qui ont malheureusement avorté, j’ai pu tirer le bilan de ce qui était réellement attendu lorsqu’un projet nouveau de type appropriatif voyait le jour :

1)    Il ne doit pas coûter un centime à l’Eglise… et si possible rapporter beaucoup d’argent.

 

2)    Il doit être invisible et ne faire aucune vague.

 

3)    Il ne doit amener aucun changement dans la répartition ministérielle, ni une diminution des tâches classiques de l’Eglise et surtout ne demander aucun investissement (ou alors strictement minimum) de la part des actifs de l’Eglise. Cependant, il doit en même temps compter sur la présence et la surveillance de paroissiens « classiques » qui ont pour tâche de veiller à ce que le projet nouveau reste dans une certaine ligne ecclésiale.

 

4)    Le projet nouveau a pour finalité d’amener du monde au culte ou tout au moins du sang neuf dans les activités traditionnelles de l’Eglise. Il doit constituer un réservoir de nouveaux conseillers paroissiaux et bien entendu de bons croyants. Pour les Eglises vivant uniquement grâce aux dons, les projets nouveaux doivent ramener d’excellents contribuables ! Ce doivent être là les seuls et uniques objectifs du projet nouveau.

 

Tant qu’ils ne sont pas trop nombreux, nos Eglises sont effectivement prêtes à accepter la mise en place de projets réellement nouveaux, mais très rarement, elles leur donnent la possibilité de s’étendre. Dans la mesure où la plupart des objectifs tacites (qui ne sont pas ceux des initiants du projet nouveau) sont totalement irréalistes, ces activités n’ont quasiment aucune probabilité d’être reconnues et valorisées par l’ensemble de la communauté ecclésiale. Et, trop souvent, elles sont abandonnées dès qu’elles commencent à toucher réellement des nouvelles populations. Alors vient la valse des excuses : il n’y a plus les finances ; il faut récupérer le bâtiment ; « Oh quel dommage, il n’y a plus de ministre disponible pour accompagner le projet », et j’en passe.

Vraiment pas simple d’être novateur dans la vénérable institution…

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PROPOSITIONS


 

 

Respecter les piliers

 

Ollon

Il est clair que pour une très grande majorité des membres de l’Eglise, l’ouverture à d’autres populations et à des activités trop différentes de ce qui a fait et fait l’histoire de notre Eglise réformée romande est difficilement supportable.

Les diverses Eglises cantonales, particulièrement dans les cantons traditionnellement réformés, auront de très grandes difficultés à instaurer des changements, car ils seront vite perçus comme une agression contre une façon de vivre la foi non seulement appréciée, mais aussi indispensable à une majorité de moteurs de l’Eglise traditionnelle. Ne pas tenir compte de ce besoin fondamental est suicidaire.

Mais alors que faire ?

Mon travail de secrétaire de direction à Médias-pro, l’un des département de la Conférence des Eglise Romandes (CER), m’a permis de participer à l’Eglise institutionnel au niveau romand. J’y ai souvent entendu un regret : celui d’être dans un organisme trop souvent séparé, voire totalement méconnu de la base. Qui sait aujourd’hui que les émissions religieuses et les cultes diffusés à la télévision et à la radio peuvent en grande partie l’être grâce au financement de nos Eglises ? Qui sait que nous avons une agence de presse ?

Mais cette méconnaissance peut se révéler un atout pour créer de nouvelles activités sans pour autant agresser les sensibilités paroissiales. En créant un nouvel organisme au niveau romand qui aurait pour tâche exclusive de toucher des nouvelles populations, il serait possible de passer par-dessus ce problème de fond. Ce nouveau département de la CER pourrait être présenté comme un investissement sur l’avenir. Ce serait l’équivalent du service « Recherche et Développement » des grandes entreprises. Il aurait pour tâche de se pencher sur les besoins des nouvelles populations et de créer, puis tester le « produit » pouvant répondre à leur demande. Une révolution, puisque la démarche de nos Eglises est généralement inverse : proposer des activités qui conviennent à l’Institution et qui sont présentées comme très originales - par exemple les cultes et le catéchisme (sic !) - en espérant arriver à toucher un nouveau public.

 

Le fait de travailler au niveau romand permettrait de développer une vision globale et une politique touchant l’ensemble du territoire francophone, ce qui serait forcément beaucoup plus économique en temps, en énergie et en argent qu’un travail individuel effectué par chacune des Eglises cantonales. Une émulation positive pourrait également naître de ces collaborations.

Démarrer au niveau romand devrait en outre offrir une plus grande liberté d’action et une meilleure réactivité en évitant les multiples strates de « commissionnites » dont sont friands certains cantons.

Cette liberté qui permet d’agir et de créer rapidement des activités lorsque le besoin s’en fait sentir, nous l’avons vécu au sein de l’Association diaconale romande (ADR), notamment lorsque nous avons décidé de mettre sur pied le « Forum de la diaconie » (13 et 14 mai 2011). Alors que nombre de collègues pensaient le défi impossible, notre position associative supra-cantonale nous a permis de mettre sur pied ce grand rendez-vous en un temps record à côté de notre emploi du temps professionnel. Il nous a également permis de rassembler des personnalités intéressantes venant de plusieurs cantons dans l’équipe d’organisation, ainsi que des invités de premier ordre pour animer nos deux journées de Forum. Mais surtout, nous avons pu rassembler sans trop de difficultés les fonds nécessaires à la mise sur pied de l’événement et en faire une rencontre helvétique avec la venue de la Conférence de diaconie de la FEPS. Rien n’aurait été possible sans le réseau de contacts romands et suisses, ainsi que les compétences propres des uns et des autres. Toute notre démarche a été facilitée par notre position romande.

 

Quelle organisation pour un département romand ?

Deux options sont possibles pour l’organisation : avoir le siège de ce département en un lieu central (Yverdon-les-Bains, Lausanne ?) ou alors, comme l’Association diaconale romande, adopter le lieu de travail de la personne qui supervisera le réseau. En tous les cas, le travail de coordination pourrait se faire essentiellement à distance, chaque employé de ce nouveau département ayant la responsabilité de ses propres activités en lien étroit avec ses collègues. Un rapport annuel ou bisannuel pourrait ensuite être distribué pour informer l’employeur - la CER et les Eglises romandes - de l’évolution des divers projets, mais surtout une newsletter régulière pourrait constituer une information grand public régulière.

Toujours dans cet esprit de respect dont nous parlions en début de chapitre, il ne faut en aucun cas toucher aux lieux fétiches des Eglises cantonales. Au contraire ! Il s’agirait de faire un pointage des temples et locaux paroissiaux rejetés des piliers d’Eglise. L’idéal serait de pouvoir investir les cures qui ne bénéficient pas du même attachement émotionnel que les temples et les salles de paroisse. Ces lieux seraient idéaux pour mettre sur pied des activités destinées aux distancés.

Ensuite, il faut rassembler toutes les personnes, pasteurs, diacres (ils sont nombreux !) et laïcs qui ont clairement reçu un appel pour toucher les distancés et hors-Eglise de leur région (on les connaît comme le loup blanc dans chaque canton !). Des individus qui ont une vision globale des choses et dont l’attachement à leur Eglise (à la culture ecclésiale locale) n’est pas à un frein au travail romand. En fait, il s’agit surtout de rassembler des personnes s’étant déjà confrontées professionnellement, socialement et émotionnellement avec la réalité du monde laïc et qui se sentent profondément appelées à faire rejoindre l’Eglise et la société.

Ces personnes, selon leurs sensibilités, leurs envies et leur position géographique pourraient ensuite s’attacher à l’un ou l’autre lieu peu apprécié des piliers et faire des propositions d’activités susceptibles de toucher de nouvelles populations. Des échanges par e-mail, Skype et en face à face pourraient permettre de répondre ensemble aux questions auxquelles chacun serait confronté.

 

Trouver des financements serait également facilité, puisque les activités destinées aux personnes hors-Eglises sont plus souvent soutenues par des Fondations, mais aussi par de grosses fortunes privées qui recherchent fréquemment des projets originaux qui leur parlent. De cas en cas, des petits fonds publics pourraient probablement également être dégagés. Mais surtout, les utilisateurs sont généralement prêts à investir dans des projets qui leur font du bien. Investissement en argent, mais aussi et surtout en temps et en dons d’objets. De quoi faire de substantielles économies sur les frais de fonctionnement et d’aménagement. Enfin, il serait possible de réfléchir au moyen de générer un revenu dans chaque lieu, par exemple grâce à des formations, services à la population ou vente d’objets (cf. l’Eglise-boutique qui a ouvert en 2013 à Zurich).

Les Eglises cantonales devraient donc donner un coup de pouce initial permettant de lancer la machine, mais pas assurer la globalité des frais.

 

 

 

 

 

Changement de cap

 

 

 

 

Cathédrale de Lausanne

 

 

 

 

Créer un nouveau département romand : le principe est simple. Mais quelques règles de base devraient être mise en place pour que ce département fonctionne et surtout arrive à toucher efficacement un public de distancés et hors-Eglise.

Des règles qui signifient aussi un changement de cap dans notre manière de vivre l’Eglise.

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

REGLES


 

 

 

Règle de la transparence

 

 

 

 

Dommartin

 

 

 

 

La tendance dans notre institution est trop souvent de ne jamais appeler un chat, un chat. Les distancés sont les premiers à le relever et ils le vivent plutôt mal. « Vous ne savez pas dire les choses en face !», nous disent-ils fréquemment.

Approcher les personnes hors réseaux d’Eglise, c’est accepter d’adopter un langage clair. Etre capable de dire oui, non ou je ne sais pas ! C’est pouvoir faire face en ayant des positions intérieures définies, tout en restant, bien entendu, dans un dialogue.

Toucher de nouvelles population sous-entend par conséquent pour les personnes chargées de ce nouveau public de réviser totalement leur manière d’être et leur manière de communiquer, y compris corporellement ! Elles devront également apprendre à ne pas trop se prendre au sérieux, être accessibles et vulgarisatrices, ainsi qu’être capables de transmettre la foi beaucoup plus par le geste que par la parole.

Mais, surtout, ce qui semble le plus vital pour les distancés et plus encore pour les hors-Eglise, c’est que leur interlocuteur soit habité de sa foi au plus profond de son être sans pour autant jouer les prosélytes. L’essentiel n’est pas de réussir à répondre immédiatement aux questions et encore moins d’être un as en matière théologique. Il s’agit avant tout d’être des témoins d’un parcours de foi et de le vivre dans les actes. Mais pas besoin pour autant de posséder des croyances bétonnées une fois pour toute ! Loin de là ! Savoir dire honnêtement ses doutes quand il y en a est paradoxalement ressenti comme étant un élément très positif. C’est la preuve que le croyant n’est pas infaillible. Il est humain et donc approchable !

De plus, les personnes n’appartenant pas aux réseaux d’Eglise veulent avoir en face d’elles des personnes ouvertes. Ouvertes sur les autres confessions/religions, ouvertes au monde et à ce qu’il s’y passe, ouvertes à toutes les questions. Si un savoir théologique est important, de bonnes connaissances sociales et politiques l’est tout autant. L’idéal étant de posséder la capacité de faire des liens entre le monde qui nous entoure et la foi qui nous habite.

De ce fait, il est absolument vital d’avoir à la tête des projets nouveaux des personnes ayant un parcours minimum hors des réseaux d’Eglise. Bref, pas des allumés de la religion, mais sans aucun doute des illuminés de l’intérieur qui comprennent parfaitement la mentalité laïque. Il semble très difficile de pouvoir agir sans cette compétence de vie minimum, car lorsqu’on travaille avec des personnes hors de réseaux d’Eglise, tout est question de sensibilité. Un individu ayant toujours vécu dans le cocon ecclésial ne réalisera pas qu’il utilise des mots, des formulations et a des attitudes qui sont incompréhensibles, voire choquants, pour quelqu’un n’ayant pas son parcours.

 

 

 

 


 

 

 

Accorder le dire et le faire

 

 

Grandval

C’est sans aucun doute l’un des très gros problèmes pour les personnes ayant grandi hors-Eglise : la certaine difficulté qu’ils repèrent dans nos institutions ecclésiales à accorder le dire et le faire. Et sachez-le, il n’y a personne de plus doué qu’eux pour mettre le doigt sur nos incohérences. Ils s’appuieront même dessus pour rejeter notre organisme. De ce fait toute activité touchant les personnes distancées doit impérativement réfléchir au moyen de faire coller au plus juste textes bibliques et animations.

 

Deux exemples pris au hasard:

 

La parabole des talents :

Elle est au centre de la plupart des prédications et pourtant… Combien de personnes en Eglise sont-elles reconnues dans leurs compétences, surtout si ces compétences ne sont pas directement utiles au fonctionnement traditionnel de l’Eglise ? Trop souvent le talent porté par un professionnel ou un actif de l’Eglise est mis, volontairement ou non, de côté. Notre foi réformée apprécie modérément les compétences qui font sortir l’un ou l’autre du lot.

Dans ce nouveau département destiné aux personnes hors-Eglise, il s’agirait à l’inverse de mettre en valeur les talents uniques. Eviter qu’ils soient enterrés profondément pour au contraire les valoriser. Ceux qui en sont porteurs pourraient dès lors s’épanouir et redonner du sens à leur existence en sachant ce qui fait d’eux des êtres humains particuliers.

Si je devais engager quelqu’un ou si je devais accompagner quelqu’un qui souhaite s’engager en Eglise, je lui demanderais : « Qu’est-ce qui fait de toi un être unique et indispensable au bon fonctionnement de la planète ? Quel talent as-tu reçu à ta naissance et quels talents as-tu développé depuis lors qui t’habitent aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu fais qui ne te demande aucune énergie, mais au contraire te recharge ? Qu’est-ce qui fait de toi quelqu’un de différent du reste des hommes et des femmes qui t’entourent et où te sens-tu appelé au plus profond de ton être ?  En bref, quelles compétences Dieu a-t-il mis entre tes seules mains ?». Ce sont les réponses à ces questions qui nous permettent de non seulement aider quelqu’un à trouver sa juste place, mais aussi à notre organisme de bénéficier des richesses de vie de cet individu.

 

 

Le sabbat

Là aussi un exemple typique du manque de congruence de nos Eglise, nous répètent les distancés. On nous rappelle avec une régularité déconcertante qu’il faut prendre le temps de se reposer pour se retrouver et pour faire fructifier notre lien à Dieu. Or, qu’en est-il des ministres de l’Eglise ? Ils font partie des personnes qui, aujourd’hui en Suisse, font le plus d’heures de travail et qui ont parmi les plus gros risques de burnout. Ils courent pour compenser les manques d’effectifs et n’ont jamais le temps de réellement souffler. Résultat : des ministres épuisés, qui n’ont pas toujours les qualités d’écoute que l’on pourrait attendre d’eux et qui sont forcés de vivre leurs rencontres avec un regard posé sur la montre, laissant leurs interlocuteurs parfois frustrés à l’issue des entretiens.

Durant mon parcours professionnel, j’ai travaillé durant onze ans au Téléjournal en y exerçant divers boulots. Honnêtement, même au « trois, deux, un, top antenne ! » lancé par la scripte au démarrage de l’émission en direct, je n’ai jamais rencontré un personnel aussi stressé que dans les milieux d’Eglise. C’est tout de même un comble !

S’il y a un lieu où les ministres devraient avoir deux jours complets de congé, c’est bien en Eglise. Et tant pis si certaines activités ne se font plus au même rythme ou si des laïcs les prennent en charge. La Terre ne s’arrêtera pas de tourner pour autant !

De plus, il devrait y avoir un temps obligatoire de ressourcement pour les ministres et employés laïcs de l’Eglise. Un temps de ressourcement comptabilisé sur les heures de travail. Si je prends comme référence les retraites ignacienne, il faudrait au minimum : une heure par semaine, un jour par mois et une semaine par année pour travailler ce lien à Dieu. Ce temps de ressourcement ne doit pas être obligatoirement consacré à la prière, mais adapté à la sensibilité de chacun. Certaines personnes cultivent ce lien à Dieu en faisant du jardinage et des promenades en montagne, d’autres du repassage !

 

Le nouveau département destiné aux distancés de l’Eglise devrait donc impérativement s’appuyer sur les textes bibliques qui lui semblent essentiel et qui seront dès lors les rochers sur lesquels monter les animations.

 

 

 

 

Retrouver sa place

 

Lonay

Trop souvent encore l’Institution ecclésiale a des difficultés à communiquer. Sans doute l’habitude prise en d’autres temps, alors qu’elle était l’interlocuteur incontournable vers lequel chacun se tournait pour prendre des décisions. Mais aujourd’hui, tellement seule en haut de son piédestal, l’Eglise ne réalise pas qu’elle est coupée du reste de la société.

Bien sûr des efforts monumentaux ont été faits pour développer des sites internet performants, établir des services de communications efficaces et s’inscrire sur les réseaux sociaux. C’est déjà un grand pas. Et des pas de géants ont été faits pour développer des liens au sein des paroisses cantonales et plus encore entre Eglises réformées romandes. Le mouvement est là et il est très positif.

Par contre, quelles réflexions ont-elles été faites en terme de liens avec les autres partenaires ? Quels réseaux avec les politiques, les organismes sociaux, les associations locales, bref, toutes ces institutions hors Eglise qui font la société ? Les Eglises se sont trop souvent coupées du monde laïc. J’irais même plus loin : j’ai le sentiment que les Eglises n’y comprennent plus rien au reste de la société : son fonctionnement, le rôle et les interrelations entre les divers organismes, les forces et les faiblesses de ces mêmes organismes, et, du coup elles imaginent trop souvent qu’il est impossible de développer des synergies fortes et durables hors du petit noyau des croyants. Pourtant, une simple enquête permet de réaliser très vite que la société laïque n’est pas fermée au dialogue. Il est possible de mettre sur pied des relations durables permettant aux Eglises de se réintégrer au cœur de la société.

Le problème ne vient-il pas en partie de la formation ? J’ai été très surprise de constater l’ignorance de collègues sur les modes de fonctionnement législatifs, exécutifs et administratifs des communes où nous exercions. Ne faudrait-il pas inclure au cursus des ministres et de tous ceux qui prennent des charges dans l’Eglise des rudiments de politique, sociologie, économie et autres management pour organismes à buts non-lucratifs de manière à posséder un minimum d’outils leur permettant de comprendre le terrain ? Comment mener la barque des Eglises en ne tenant pas compte des courants et des vents ?

A force de faire des études centrées sur l’analyse de détails (l’exégèse), à force de passer du temps à s’examiner minutieusement, les Eglises ont perdu le recul nécessaire pour se comprendre dans et avec la société. Elles restent dans une vision microscopique du monde, imaginant le détail comme des règles, ne réalisant pas le nombre d’interactions qui se jouent autour et sans elles. Du coup, dans leur réalité à part, que peuvent-elles faire si ce n’est opérer un rejet lorsqu’elles se trouvent confrontées à des visions éloignées de leur champ de compréhension ? Pour se sauvegarder, pour garder le semblant d’identité qui leur reste, le seul moyen est de se rétracter sur un connu rassurant. Comment les Eglises peuvent-elles dans ces conditions, dans cet isolement, réussir à toucher de nouvelles populations ? C’est quasi impossible. C’est pourquoi les personnes engagées dans le nouveau département devraient posséder de réelles compétences intellectuelles et pratiques sur le fonctionnement de la société laïque.

 

 

 


 

 

 

Ouverture versus service restreint

 

 

 

 

Lonay

 

 

 

 

Dans le cadre de ma formation diaconale, j’ai eu la très grande chance de faire des cours au CEFOC (Centre d’Etudes et de Formations Continues, qui dépend de la Haute école de travail social et de l’Institut d’études sociales de Genève). Seule représentante de l’Eglise (mise à part une bénévole à l’aumônerie de l’Hôpital) au milieu de travailleurs sociaux et d’animateurs, j’ai été positivement surprise par l’accueil qui m’a été fait. Je n’ai pas vécu le fameux rejet dont on parle toujours en Eglise, signe une fois encore d’un changement en profondeur de la société vis-à-vis de la religion. Non seulement j’ai été bien reçue, mais j’ai encore été interpellée par plusieurs assistants et animateurs sociaux qui ont partagé avec moi leur réalité de terrain. Une réalité devant laquelle ils se trouvent de plus en plus démunis, parce qu’ils ne peuvent pas remédier par leur présence ou des biens matériels au vide existentiel des personnes qu’ils accompagnent. Ils ne sont pas formés pour répondre aux désespérances de l’âme.

L’une des animatrices m’a raconté que pour répondre aux nombreuses demandes spirituelles qui lui étaient faites, elle avait cherché à contacter les Eglises catholique et protestante locales pour organiser un temps de partages avec ses habitués. Elle s’est heurtée à une fin de non-recevoir : pas le temps pour ce type de rencontres.

A mes yeux, lorsqu’il y a une demande venant d’animateurs sociaux désemparés face à un phénomène qui les dépasse, les Eglises ont le devoir de répondre à ces demandes. La création d’un département destiné aux personnes hors-Eglise pourrait enfin offrir une présence lorsque ce type d’appel est lancé. En outre, en créant du réseau avec la société laïque dans le domaine de l’accompagnement spirituel, il serait sans doute possible d’y décrocher des fonds publics, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses aumôneries.

 

 

 

 


 

 

Une vision élargie de la communauté

 

 

 

 

Fleurier

 

 

 

 

Le refus de la variété engendre une vision trop restrictive et donc démoralisante de la communauté. Généralement en effet, seules les personnes qui ont une activité classique au service de l’Eglise et celles qui se rendent au culte sont considérées comme des membres de la communauté ecclésiale. Au vu du désistement statistique durant nos célébrations et de la moyenne d’âge des actifs, il y a de quoi démoraliser.

Pourtant, nous pourrions compter comme communauté toute personne qui s’investit d’une manière ou d’une autre au service de son Eglise. Les bénévoles qui travaillent d’arrache-pied à la fête de paroisse, mais qui n’ont pas besoin du ressourcement proposé lors du culte dominical ne sont pas, à mon sens, moins des membres de la communauté que les habitués des célébrations ecclésiales. Il faut pour cela accepter que nous sommes tous des êtres humains différents avec des besoins différents. Il y a ceux qui s’épanouissent et glorifient Dieu dans la prière en commun, d’autres en faisant griller des saucisses pour apporter de l’argent à leur Eglise ! C’est en offrant des activités pouvant toucher manuels, intellectuels, spirituels, jeunes et vieux que notre communauté s’étoffera.

De même, il est indispensable de changer radicalement notre regard.

Combien de fois n’ai-je pas entendu : « Nous avons tant à offrir à ces personnes distancées ou hors-Eglise. Nous pouvons tant leur donner ». Et si ce que nous avions à offrir était moins important que ce que nous avions, nous, à recevoir ?

Pour toucher de nouvelles populations, nous devons être intimement persuadé que cet autre, si différent de nous, va, lui aussi, nous apporter quelque chose. Qu’il n’est pas arrivé sur notre chemin pour rien. Que sa présence permettra à notre Eglise d’être plus vivante, plus en phase et plus performante.

La Bible regorge de récits dans lesquels les piliers de la foi ont été interpellés par des personnes ayant un autre parcours spirituel ou une autre approche de la croyance qu’eux et c’est dans cette confrontation qu’a pu naître une vision plus colorée, profonde et humaniste de leur foi.

Le nouveau département devra donc faire siennes ces visions d’une communauté élargie et de nouveaux venus porteurs de connaissances importantes pour notre Eglise. C’est grâce à ce changement de perspective qu’il pourra s’épanouir.

 

 

 

 


 

 

La règle de l’économie d’énergie

 

 

 

 

Saint-François/Lausanne

 

 

 

 

S’il y a une chose que j’ai apprise à faire, c’est économiser mon énergie ! Je n’ai pas eu le choix suite à des problèmes de santé qui me laissaient sans forces lorsque j’avais une trentaine d’années. J’ai donc dû apprendre à être aussi efficace que possible durant les moments où j’étais capable de bouger.

La première chose que j’ai dû faire, c’est de réfléchir au moyen de m’épargner toute dépense inutile d’énergie. J’ai mis au point une méthode très simple : ne jamais chercher au loin ce qui se trouve tout près. En d’autres mots, utiliser les ressources existantes, renoncer à refaire ce qui existe déjà, s’informer et devenir championne de l’adaptation.

J’avais déjà développé ce mécanisme en faisant du journalisme dans la presse locale, mais la maladie m’a forcée à pousser encore plus loin la méthode. Créer autour de moi une véritable toile de connaissances et surtout développer un maximum de liens personnels, parce qu’il est toujours plus facile d’obtenir ou offrir quelque chose lorsque l’interlocuteur peut mettre un visage sur une demande ou une offre.

L’Eglise qui manque de ressources financières, de personnel et de temps aurait, me semble-t-il, tout intérêt à utiliser cette simple règle de l’économie d’énergie. Cela permettrait de désengorger le travail des ministres, faire de substantielles économies financières et mettrait en valeur les ressources existantes. Bien des avantages…

Mais il faudrait pour cela réfléchir en termes de réseau. Nous restons toujours au niveau des petites unités avec une difficulté flagrante à poser un regard sur les inventions et créations d’à côté. Je suis toujours surprise de constater que l’information peine à passer, même au sein de la paroisse. Nous savons qu’il y a des groupes qui se réunissent, mais trop souvent nous ignorons ce qu’ils font et surtout qui se cache derrière un nom. Nous ignorons ce qui est leur force et leurs caractéristiques propres. Du coup, faute de bien les connaître en dehors d’un cercle restreint, nous ne pouvons pas travailler avec eux, profiter de leurs savoirs, ni leur faire de la publicité. Plus nous montons dans les structures : régionales, cantonales, romandes, suisses et internationales et plus la connaissance de ce que fait l’autre diminue. Chacun fait sa petite cuisine dans son coin. Chacun développe ses bonnes adresses et ses contacts, mais il n’y a pas de réelle politique informationnelle. Par conséquent, nous faisons trop souvent les choses à double, triple, quadruple… Nous passons à côté du document ou du contact qui nous serait si utile et qui nous ferait gagner un temps précieux. En refusant un réel travail en réseau, nous perdons l’occasion de nous construire une vraie identité d’Eglise. Chacun fonctionne dans son coin et l’image qui est renvoyée tant aux fidèles qu’à l’extérieur est celle d’une Eglise puzzle que plus personne ne se donne la peine de reconstituer. Mais surtout, avec ce cloisonnement, il n’est pas possible de se réjouir et de s’inspirer de ce qui existe déjà et qui prospère efficacement. Nous nous coupons la possibilité de nous redonner un élan positif et restons bloqués à ce qui se trouve juste sous nos yeux ! Bonjour l’essoufflement face à l’immensité de la tâche que l’on s’imagine avoir à accomplir !

Pour y remédier, en tous cas dans le nouveau département, et pourquoi pas ensuite au-delà, nous devrions impérativement développer un intranet romand. Cela existe déjà, notamment pour le partage de textes de prédications, mais il y aurait tellement d’autres choses importantes à échanger ! Nous pourrions y retrouver les études clé faites dans chaque canton, les coordonnées d’invités, groupes musicaux, conférenciers, etc. de qualité. On pourrait y partager des animations destinées aux enfants, aux jeunes et aux autres populations dans et hors-Eglise. Nous pourrions aussi y raconter les expériences qui n’ont pas fonctionné, histoire de ne pas répéter les erreurs. Il pourrait même y avoir une bourse d’échange de matériel qui permettrait de faire des économies, notamment pour les saynètes de Noël.

Tellement de possibles !

Certes créer cet intranet romand serait un important investissement de départ, mais quels gains à l’arrivée !

 

Autre élément de l’économie d’énergie : toujours profiter des élans créateurs : un jeune, une participante à nos activités, un ministre ou un conseiller de paroisse a un projet ancré dans l’évangile qui lui tient à cœur et qui est à priori réalisable ? (concert, exposition, animation, balade thématique, partage exégétique, création artistiques, balade–prière, etc). Alors go ! On y va ! On essaie ! Pas besoin de faire dix commissions et de lancer le projet lorsque le soufflé sera retombé. Cela donnera de la motivation à cette personne et créera à très court terme une émulation auprès d’autres individus, comme j’ai pu le vivre avec le projet des « Rendez-vous du Temple ».

Un projet ne fonctionne pas ? Ce n’est pas grave ! On l’arrête tout de suite, là aussi sans créer dix commissions qui décideront de stopper lorsque la personne porteuse du projet sera en burnout. Puis, on essaie de comprendre pourquoi cela n’a pas fonctionné, histoire de ne pas rééditer l’expérience avec un autre projet qui pourrait buter sur les mêmes obstacles.

C’est facile ! Encore une fois, il faut se laisser porter par la vague et ne pas mettre toutes ses forces, toute son énergie, à nager à contre-courant. On prend ce qui se présente, on utilise les ressources du lieu en se faisant champion du recyclage et on se jette à l’eau en laissant au(x) créateur(s) du projet la bride sur le cou. Ce n’est pas à nous de tout porter, mais c’est à nous de réapprendre à chacun à être un véritable adulte dans une société qui a trop tendance à nous déresponsabiliser !

 

 

 


 

 

Au service de plus de justice

 

 

Boudry

L’Eglise n’est-elle pas d’abord là pour défendre les valeurs qui sont au cœur de l’Evangile ? Elle le fait en donnant sa position lors de certaines votations fédérales ou cantonales ou face à certains débats éthiques. Elle est aussi présente notamment pour la défense des réfugiés ou dans la rue, prête à donner de la voix en faveur des plus démunis. Mais elle peut aller plus loin. Elle doit également s’engager très concrètement au niveau sociétal.

L’Eglise doit être un lieu qui met en avant les compétences (de vie ou celles figurant sur les diplômes et certificats). Elle doit devenir un lieu qui met (ou remet) debout en étant un espace d’écoute et de formation. La mise en place rapide de contrats bénévoles semble de ce fait indispensable à très court terme, surtout couplée avec la possibilité d’obtenir des attestations de travail bénévole à l’issue du mandat. J’ai pu constater qu’un tel document, signé par un ministre de l’Eglise, a un poids considérable sur le marché du travail. Nous pourrions très facilement (re)mettre des chômeurs, des jeunes en premiers emploi ou des mères de famille dans le monde professionnel grâce à ce document qui non seulement ne nous coûterait rien, mais en plus nous permettrait de bénéficier d’une main d’œuvre variée et motivée… si nous savons la placer au bon endroit. Tout le monde n’a pas la compétence pour être trésorier, conseiller de paroisse ou lecteur au culte. Par contre, combien pour nous aider à repeindre et décorer nos locaux ? Pour mettre sur pied concerts et animations ? Pour aménager nos extérieurs et nous décharger de certaines tâches de secrétariat ? Pour élaborer des repas communautaires ou administrer des sites internet ? La seule clé est d’être à l’écoute et de voir qui vient frapper à notre porte en s’adaptant à ce qui arrive. Un vrai réseau social peut partir de notre Eglise, s’épanouir et faire naître à nouveau une communauté solide dans un monde en pleine désagrégation.

L’Eglise doit dire et redire son opposition au « chacun pour soi ». Redire à quel point les uns et les autres, nous sommes complémentaires. Elle doit se battre face à un monde où les « sans émotions », ceux qui écrasent sans remords, ont pris le pouvoir.

L’ancien chef de la communication auprès de l’Eglise protestante de Genève, Serge Bimpage, disait un jour : « l’Eglise est mieux placée qu’aucun autre organisme pour donner de la voix. Les gens ont besoin de repères, de spiritualité, de sens et de pensée ».

C’est notre force. Rappelons-nous en et faisons-en le fondement d’un nouveau département !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

 

 

 


 

 

 

Ramener la Vie dans nos lieux d’Eglise

 

 

 

 

Montpreveyres

 

 

 

 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les hommes et les femmes nés hors des réseaux d’Eglise ont un sixième sens. Ils entrent dans certains de nos temples et, immédiatement, de chaque pore de leur peau, ils ressentent que nos bâtiments sont trop souvent inhabités. Nos locaux accueillent chaque dimanche nos prières et pourtant, trop fréquemment, ils ne vibrent d’aucune Vie. Ce sont des coquilles vides.

C’était le cas du temple de Chancy. Pendant une longue période, les lieux étaient si sinistres, si grisâtres et sentaient tellement mauvais que même les pasteurs ne voulaient plus y officier. Tant mieux pour nous ! Nous avons ainsi pu investir cet espace perdu au fin fond du Far West. Et à l’intérieur de ce temple, nous avons commis toutes les incorrections possibles : ventes de Noël et de produits du terroir, jeux et contes pour les enfants, cours de théâtre, concerts divers, expositions, etc. Le plus drôle, c’est vraiment le cas de le dire, cela a sans aucun doute été d’accueillir le spectacle de l’humoriste Achille S. Réactions étonnées : « C’est vrai ? On a le droit de rire dans un temple ? ». Et après ça, on s’étonne d’avoir une réputation de tristes à cuire !

Ce qui m’étonnera sans doute le plus, c’est de devoir rappeler encore et toujours que dans le protestantisme réformé, le lieu n’est pas sacré et que seule la personne l’est. Il y a de quoi écrire un bouquin sur cette seule particularité. L’être humain au centre ! Rien d’autre ! Les bâtiments, c’est du vent pour un bon protestant réformé. C’est un espace pratique, une salle polyvalente, pour se retrouver et partager entre êtres sacrés la foi qui nous habite.

Je trouve cela magnifique.

Enfin, ça, c’est la théorie, parce que dans la pratique, c’est un peu plus compliqué ! Essayez de rendre un temple chaleureux, accueillant, cosi. Pas si simple ! A Chancy, j’ai souvent fini par baisser les bras et laisser notre déco colorée au fond du bâtiment, là où quelque âme charitable les rassemblait systématiquement, soigneusement pliées et camouflées. Un trop plein de confort et de couleurs dans un temple protestant : quelle abomination !

En attendant, notre temple pas comme les autres avec ses tapis, ses couvertures et ses coussins colorés pas politiquement corrects, il plaisait beaucoup aux distancés qui venaient. Combien de fois nous a-t-on dit : « Il est sympa votre temple !» et bien souvent, j’ai pu détecter l’envie et le besoin de rester là, au milieu de l’église, juste pour discuter ou pour se ressourcer. Le besoin chez les adultes, mais aussi chez des adolescents et, surtout, chez les enfants.

Et le plus incroyable dans tout ça, c’est que notre temple a vraiment changé. Pour de vrai ! Et de manière inexplicable, tout au moins pour notre cerveau gauche rationnel. Après trois ans d’activités, j’ai été à plusieurs reprises harponnée par l’une ou l’autre personne venant épisodiquement suivre une animation :

-       Bravo ! Vous avez repeint l’intérieur du temple ? C’est mieux maintenant qu’il n’est plus gris ! 

-       Non ! Nous n’avons rien fait !

Regard sceptique :

-       Mais il n’est plus de la même couleur qu’avant !

-       Nous n’avons rien fait !

-       Alors vous avez fait des grands nettoyages !

-       Non, pas plus que d’habitude…

 

Vous ne me croirez sans doute pas, mais les lieux ont réellement changé de couleur. Ils sont devenus beaucoup plus clairs et cela sans que nous n’ayons fait quoi que ce soit en dehors d’habiter, entièrement et pleinement, le temple. En dehors d’essayer d’y vivre la Parole en plus de la prêcher et de la prier.

Ce changement, je ne l’explique pas. Je le constate uniquement.

Après cette expérience, je me dis qu’un lieu d’Eglise doit se dessécher si nous ne vivons pas dedans. Il devient gris comme ces perles qui ont besoin d’être portées pour garder leur éclat.

L’important n’est au final pas ce que nous faisons dans le temple dans la mesure où cela respecte fondamentalement la Parole. L’important, c’est de se rappeler que l’individu est là, plus que nulle part ailleurs, un être sacré. Que c’est lui qui est au centre et non pas des bancs, des murs ou une chaire.

 

L’important, c’est de se rappeler qu’en ce lieu, comme en nul autre, il s’agit de remettre debout l’être sacré, de parler non seulement à son intellect, mais aussi à son cœur. C’est cela que recherchent désespérément les distancés et les hors-Eglise. Un espace où l’on voit avant tout avec le cœur et pas seulement avec les yeux ou son intellect. L’intérêt pour les textes bibliques et leur analyse vient très souvent dans un deuxième temps. Mais offrir aux nouveaux venus un espace accueillant pour nos apprivoiser en tant que réformés est généralement indispensable avant de passer à cette étape.

 


 

 

A l’écoute des signes

 

 

 

 

Marin-Epagnier

 

 

 

 

Aujourd’hui, je vois le désarroi face à l’insuffisance de vocations pastorales et la volonté plus ou moins assumée de compenser le manque avec les diacres largement plus nombreux à suivre une formation ministérielle.

Ce qui me surprend profondément, c’est que personne ne se pose de question sur ce décalage. Personne ne se demande ce qu’il signifie en dehors de la réaction : « Notre publicité n’a pas été suffisamment efficace pour attirer des nouveaux étudiants en théologie »

Pourtant, j’avais le sentiment qu’une vocation ministérielle, qu’elle soit pastorale ou diaconale (et même laïque) était un Appel impérieux. Un Appel qui fait que l’homme ou la femme se sent poussé au service de l’Eglise, poussé au-delà de toute logique à la demande qui lui est faite par Dieu. Combien de mes collègues diacres ont-ils quitté un bon salaire et une excellente situation professionnelle pour s’engager dans leur Eglise, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas le choix ? Ils ne pouvaient pas faire autrement que de suivre cet Appel qui harponne le cœur et l’âme.

Lorsque j’ai suivi ma formation diaconale, je suis passée quatre fois par de longs interrogatoires dans lesquels j’ai été poussée dans les retranchements de ma foi, histoire de vérifier que je portais bien cette vocation qui me permettrait d’être au service de l’Eglise. Et cela même avec la garantie de ne pas avoir de travail à l’issue de ma formation ! C’est bien la profondeur de cet Appel lancé par Dieu qui a été testée.

Alors, si c’est Dieu qui lance cet Appel aux futurs ministres de Son Eglise, si c’est cet Appel qui est si bien vérifié par les diverses commissions ministérielles, que signifie le fait qu’il n’y ait pratiquement plus de vocations pastorales et un nombre largement plus conséquent de vocations diaconale et laïques ? N’y aurait-il pas là un message qui nous est transmis ? Est-ce que ce message ne dirait pas : « Il est temps désormais de changer. Les pasteurs ont fait un travail merveilleux pendant des centaines d’années en permettant à Mon peuple d’avoir un accès direct à la Bible et, mieux encore, de pouvoir la comprendre. Ils ont fait un fantastique travail de décryptage qui a pu se répandre sur le terrain. Mais aujourd’hui, les besoins ne sont plus les mêmes. Je veux désormais des hommes et des femmes qui ont vécu dans le monde, qui connaissent ses codes et qui peuvent mettre très concrètement leurs compétences au service de mon Eglise. Maintenant que Mon message est compris, il s’agit de le faire vivre ! »

Ce n’est pas la fin du pastorat. Je n’ai aucun doute que naîtront toutes les vocations nécessaires à nos besoins. Mais un changement de vision me semble être clairement souhaité, que cela nous plaise ou non.

Et puis, vouloir nager à contre-courant est épuisant. Nous dépensons une énergie folle à faire du surplace et nous restons souvent pantois face au manque de résultats. C’est inexplicable pour nous dont la confession est synonyme de maîtrise. Maîtrise des textes dans leurs moindres virgules. Maîtrise financière. Maîtrise des activités. Maîtrise des « comment » dans tous leurs possibles. Maîtrise de nos gestes, de nos sentiments et de nos attitudes face à l’inconnu et aux inconnus. Nous ne savons pas nous laisser aller. Nous ne savons pas nous lâcher.

Nous lâcher quand on parle d’un organisme tel que le nôtre ? J’ai si souvent entendu : « On ne peut quand même pas tout remettre à Dieu ! Ce raisonnement n’a aucune rigueur ! Il y a les comptes, les salaires, les cahiers des charges, les plannings, bref, tout ce qui fait qu’une entreprise roule ! Comment pourrions-nous laisser tout cela entre les mains d’une Providence invisible ? ».

Et pourquoi pas ?

Au final, l’Eglise n’est pas une fin en soi ! C’est un moyen pour approcher la Transcendance.

Pour qui travaillons-nous ? Certainement pas pour l’Eglise, mais pour plus Grand. Si notre Eglise doit être sauvée, elle le sera forcément ! Les choses ne sont pas dans nos mains.

Il est peut-être temps maintenant d’arrêter de nous battre contre le mouvement qui nous entraîne et de nous laisser porter par le courant. Il est temps d’apprendre le lâcher-prise. C’est une approche dans la fluidité : être dans une attente, sans pour autant que celle-ci soit bétonnée. Rester en alerte, les yeux et les oreilles grands ouverts, prêts à saisir les perches qui nous seront forcément tendues.

Comment douter en tant que croyants que nous ne bénéficierons pas de l’aide nécessaire ? N’était-ce pas l’enseignement de Jésus ? Croyons-nous vraiment en Dieu et en la puissance du Christ si nous pensons devoir tout maîtriser nous-mêmes? Ne dérapons-nous pas vers une foi dans les seules capacités de gestions humaines ? Une foi intellectuelle et déconnectée de toute transcendance ? Et, surtout, en voulant tout cloisonner, est-ce que nous ne nous fermons pas à ces hommes et ces femmes qui ont justement les compétences et même l’argent pour nous faire vivre ?

 

Alors, sans aller dans certains extrémismes, réapprenons la confiance ! N’en ayons aucun doute : nous serons emmenés exactement là où nous devrons être ! En revenant à un équilibre entre rationalité et foi, nous aurons dans nos mains tous les ingrédients pour faire vivre cette Eglise si chère à notre cœur.

 


 

 

Laisser la place à un autre possible

 

 

 

 

Villars-Burquin

 

 

 

 

En conclusion, nous vivons dans une époque charnière. Si cela apparaît de manière plus ou moins importante dans toutes les strates de la société, cette évolution est particulièrement flagrante dans nos Eglises. Lorsque j’étais en science politique nous avons étudié le phénomène du changement. Que cela soit dans le domaine des systèmes politiques, des grandes découvertes ou des courants de pensées, tout système tend à l’équilibre. Ce qui ne signifie pas l’absence de mouvement : un système stable va effectuer perpétuellement des petites rectifications pour répondre à l’évolution de la société ou à ses demandes. Mais si l’équilibre est instable, s’il y a un gros décalage entre ce qui est proposé par les tenants de l’ancienne pensée et les populations, alors c’est carrément tout le système qu’il s’agit de changer. Nous avons pu le vivre il n’y a pas si longtemps avec la chute du Mur de Berlin. Passé un certain nombre de personnes adeptes du nouveau système, la nouvelle pensée aura suffisamment de partisans pour s’installer. C’est un mouvement naturel qui existe depuis la nuit des temps.

Lorsque je regarde le mode de fonctionnement de nos Eglises réformées, je ne peux y voir que le signe de cette contraction finale de l’ancien système face à l’évolution inéluctable de notre Institution.

Alors, tout va-t-il s’écrouler ? Tout ce qui faisait nos valeurs traditionnelles va-t-il disparaître ? Certainement pas. Il restera encore des lieux qui continueront à fonctionner efficacement selon un modèle classique. Après tout, le communisme n’est pas mort dans l’ex-bloc de l’Est ! Mais, à terme, ce ne sera plus le système dominant. Quelque chose d’autre verra le jour, tout autant porteur des valeurs évangéliques que celui que nous avons toujours connu.

Patricia Despond avec qui j’ai rêvé et mis sur pied le projet des «Rendez-vous du Temple », est également férue de médecine chinoise. Elle m’a raconté un jour cette vérité orientale : pour avancer, pour marcher, il faut accepter d’être en déséquilibre, sinon nous faisons du surplace.

Pour oser le déséquilibre qui permet d’avancer, une seule solution : avoir confiance comme un petit enfant qui va faire ses premiers pas. Bien sûr, au début, nous sommes vacillants sur nos jambes. Nous chutons, nous nous faisons peut-être un peu mal, mais peu importe, car bien vite nous pouvons vivre les grandes expériences des gens debout. Nous pouvons partir à la découverte du monde bien plus efficacement qu’en restant coincés, la peur au ventre, à quatre pattes !

Il est temps maintenant d’oser le déséquilibre avec cette confiance, cette foi, si souvent prêchées dans nos Eglises ! La fin d’une forme ecclésiale qui nous semblait éternelle n’a rien de dramatique. Elle sera sans aucun doute remplacée par une nouvelle vision plus proche des besoins et des interrogations actuelles des populations. Une nouvelle Eglise que je vois en lien et même pleinement partenaire avec le reste de la société et les autres religions. Une Eglise qui se lève contre les injustices du monde et agit à tous niveaux pour que la sagesse des textes bibliques soit appliquée sur le terrain. Une Eglise congruente, plus éclectique, plus colorée, plus ancrée dans le service et moins axée sur la seule Parole. Une Eglise agissante mettant en avant le témoignage, la foi et les doutes de ceux qui la font. Bref, une Eglise pleinement ancrée dans l’Humanité du vingt-et-unième siècle et portée par l’Esprit.

 

Alors préparons-nous. Pas de larmes. L’Eglise est mourante. Vive l’Eglise !

 

 

 

 

 

 

Bévilard

 

 


 

 

 

 

Idées en vrac pour quelques chantiers

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint-Imier

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici quelques exemples d’activités pouvant à la fois changer l’image de nos Eglise, revaloriser les talents locaux et recréer du tissu communautaire.

 

 

 

 

 

Améliorer le look de nos salles de paroisse

Nous en avons parlé, le look de nos lieux paroissiaux n’est pas très attirant pour des personnes distancées et hors-Eglise. « Jouer les décorateurs, c’est chouette, mais que devons-nous faire ? », me direz-vous. Sans être exhaustive, voilà quelques pistes tout en gardant en tête cette importante règle de base : regarder d’un œil extérieur nos locaux et nous demander si c’est bien là que nous inviterions nos plus proches amis pour une soirée de détente et de partage.

 

Préalable :

- Il n’y a pas besoin (bien que cela soit l’idéal) de refaire la peinture pour modifier totalement l’ambiance d’un lieu !

- Transformer un local peut se faire à prix très modique : En jouant sur la (bonne) récupération, le sponsoring de matériel et les talents des personnes présentes, avec quelques centaines de francs, il est possible de totalement métamorphoser nos espaces de rencontre.

 

Quelques éléments de base :

- Elaborer les lieux en y faisant dominer les couleurs chaudes.

- Poser des rideaux actuels aux fenêtres et des nappes colorées sur les tables.

- Bannir les grosses tables qui mangent l’espace pour les remplacer par le nombre de petites permettant de répondre aux besoins courants. Les prendre si possibles carrées (le format 1m sur 1m est très pratique) de manière à pouvoir les rassembler en long rectangle, en carré, etc. selon l’activité mise sur pied. Garder quelques grandes tables pliantes dans un lieu accessible et caché pour les quelques fois où il faudra accueillir plus de monde. De même pour les chaises : préférer les chaises pliantes qui peuvent se ranger à moindre place.

- Cacher dans un local destiné uniquement à cet usage tables, chaise, et autre matériel en surplus. S’il n’y a pas la place, les mettre dans un meuble ad-hoc ou derrière un rideau situé dans l’endroit le plus sombre de la pièce.

- Egayer les locaux avec des tableaux/posters colorés et actuels, y ajouter des plantes (artificielles s’il n’y a pas assez de lumière), des petits accessoires ornementaux qui peuvent être changés régulièrement, etc.

- Ne pas oublier la cuisine, les toilettes, les couloirs d’accès. Il faut essayer de créer un ensemble cohérent.

- Faire appel aux artistes (en herbe ou non) pour décorer les lieux. Mettre par exemple sur pied une rencontre « peinture vitrail » qui permettra d’avoir une déco originale pour les catelles de toilettes, pour la cuisine, et pour tout autre espace sur lequel ce type de peinture pourrait convenir. Les enfants peuvent aussi fournir une décoration très sympa.

Etc. etc.

L’important, ce n’est pas d’avoir des lieux rutilants, loin de là ! Ce qui est important, c’est la convivialité apportée aux locaux. Il faut que l’on s’y sente bien. C’est réussi lorsque les utilisateurs, même nouveaux venus, habitent pleinement les lieux, et se servent naturellement du matériel dans la salle.

Il s’agit également de créer des espaces aussi adapté que possible à l’offre : il y aura des personnes handicapées ? Pensez accessibilité.

Les familles sont visées : pensez vaisselle en plastique dur (pas la jetable, ce ne serait pas écologique), matériel pour bébés et occupations pour les enfants. Dans ce cas, il est très facile de rassembler gratuitement et en très peu de temps de quoi occuper les têtes blondes en lançant un simple appel pour de la récupération de jouets, jeux et livres auprès de parents (le bouche-à-oreilles fonctionne bien !), mais aussi en laissant un message dans le bulletin communal ou en profitant des invendus de vente de paroisse, pour ne citer que trois exemples.

Les jeunes sont visés ? Rassembler matériel audio-visuel, coussins confortables et réfléchir à la possibilité de manger sur place hot-dogs et autres menus appréciés par cette tranche d’âge.

Une fois encore, l’important est de se demander de quoi cet autre, tellement important, qu’il ait deux ou cent ans, a besoin. Que faire pour qu’il se sente à la maison dans la « Maison de Dieu » (je sais, Dieu n’a pas de maison, mais c’est sans aucun doute dans des lieux d’Eglise qu’on prend plus facilement conscience de Sa Présence).

Et peut-être pourrions-nous mettre sur pied des concours internes de la plus jolie salle de paroisse pour faire naître vocations et motivation ? En plus, ce serait tout bénéfice : une jolie salle correctement équipée, ça se loue bien !

 

 

 

 

 

Lancements réguliers de concours avec thématique religieuse, éthique, spirituelle.

 

Il s’agirait de mettre sur pied régulièrement un concours romand utilisant chaque fois un biais différent : Céramique, peinture, musique, film, écriture, BD, etc.

Cela permettrait à notre Eglise d’explorer de nouveaux modes d’expression et d’améliorer notre image vers l’extérieur.

Le coût pourrait être limité à la publicité pour le concours et à la dotation en prix, ainsi que le remboursement des frais divers pour le jury. L’utilisation des réseaux sociaux et du bouche-à-oreille par e-mail interposés pourrait grandement diminuer les frais.

 

 

 

 

S’insérer au réseau SEL

 

 

Nos Eglises parfaitement réparties sur le territoire romand pourraient apporter un plus indéniable aux populations locales en s’insérant dans le Système d’Echange Local (SEL). Le réseau SEL coordonne l’échange de biens et de savoir-faire dans une région donnée.

Il s’agirait là d’une application très concrète de la parabole des talents qui permet en outre de développer les liens communautaires et la solidarité locale tout en revalorisant les ressources non-financières. Les atouts écologiques du réseau SEL sont en outre indéniables.

 

Dans cette même logique, nous pourrions aussi mettre en place des « Gratiferias », ces marchés d’origine argentine où les gens offrent gratuitement les objets dont ils n’ont plus l’usage.

 

 

 

 

Insertion dans le réseau des « Incroyable comestibles »

 

Il s’agit de la mise à disposition gratuitement de produits de la terre au travers de jardins communautaires. Une de nos grandes richesses ecclésiale est d’avoir beaucoup de terrains. Il ne serait pas difficile de mettre à disposition des morceaux de parcelle pour y cultiver fruits et légumes, notamment dans des bacs surélevés (qu’on peut fabriquer à moindre coût avec de vieux cadres de lit !). Un appel aux plantons dans la paroisse et la commune devrait donner de bons échos et nous devrions facilement trouver entre piliers, distancés et hors-Eglise des personnes prêtes à entretenir ces jardins communautaires d’entraide et de contacts. Des petites fêtes ou journées de travaux en commun pourraient aussi être organisées, sans oublier des collaborations avec la commune, les écoles primaires et des associations locales (chômeurs, aide sociale, handicapés, EMS, etc.) qui pourraient trouver un intérêt clair dans cette activité.

 

 

 

 

Mise sur pied d’un festival de musique à caractère éthique ou religieux.

 

 

Il existe aujourd’hui plusieurs groupes, pas forcément évangéliques, qui ont cette volonté de chanter leur foi. Pourquoi ne pas faire appel à cette ressource qui permettrait là aussi de changer notre image dans le grand public ? Certains de nos lieux d’Eglise sont bien équipés pour recevoir des spectacles. Les frais d’infrastructure sur ce type de projet devraient donc être passablement limités.

 

 

 

 

Vente d’objets cassant les clichés sur notre Eglise

 

Vente ou distribution sponsorisée de calendriers, de cartes de correspondance, de casquettes, t-Shirts, etc. cassant l’image négative de l’Eglise réformée en jouant sur les contrastes.

Par exemple : si un ministre joue de la batterie dans un groupe de rock, il pourrait être photographié avec son groupe devant son temple. Ne pas oublier une légende du type : « Monsieur, Madame X, musicien, potier, photographe, etc. et diacre, pasteur, conseiller de paroisse, etc. de l’Eglise… ».

Les images humoristiques ont aussi la côte aujourd’hui. Peut-être l’occasion de lancer de nouveaux talents ? Un Zep a dessiné ses premiers Titeuf pour l’Animation jeunesse de l’Eglise protestante de Genève !

 

 

 

 

BD humoristique expliquant qui nous sommes

 

Une ancienne voisine, artiste et graphiste, a élaboré pour une de ses amies sage-femme une petite BD qui rassemble avec humour les principaux éléments que doit retenir la femme enceinte. Le tout tient sur une simple page A4 qui est facilement distribuable.

Pourquoi ne pas utiliser ce média simple et convivial pour mieux faire connaître nos spécificités ? Il faudrait ainsi créer un petit feuillet noir-blanc (donc facilement photocopiable) ludique et humoristique qui explique ce qui fait de nous des chrétiens réformés. Là aussi, nous pourrions profiter des talents que nous rencontrons. Combien de jeunes catéchumènes ont un coup de crayon digne de bédéastes confirmés ?

 

 

Réalisation de films web, court-métrages ou autres ayant des hommes et femmes d’Eglise comme personnages principaux. Création d’un site sur lequel seraient rassemblés les films web de nos activités ecclésiales romandes.

 

Nos amis catholiques sont très doués pour figurer au cinéma. Pourquoi pas nous ?

Les grands questionnements actuels de société (sens de la vie, présence d’une Transcendance, éthique, etc.) sont ceux abordés dans la foi chrétienne. Il ne serait pas compliqué d’écrire un scénario mêlant habilement ces questionnements et d’y ajouter des personnages d’Eglise.

Nous pourrions aussi créer un site sur lequel jeunes, paroissiens, ministres, etc. pourraient mettre les reportages et documentaires présentant les activités ecclésiales.

Ce serait en outre un défi qui devrait passionner bien des jeunes, et moins jeunes, férus de cinéma ! Une occasion également de se faire la main pour ceux qui visent une carrière à la télévision ou dans le septième art !

 

 

 

Et maintenant, c’est à vous de faire tourner la boîte-à-idées !

 



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